Nobody Knows (Dare mo shiranai), Irokazu Kore Eda, 2003

Publié le par asiaphilie

 



Mis à l'honneur cette année au festival du film asiatique de Vesoul, Irokazu Kore Eda est un cinéaste japonais relativement récent, qui vient du documentaire, adore Naruse, Truffaut et Fellini. Ces derniers films ont été sélectionnés et remarqués lors de différentes éditions du festival de Cannes (2001, 2004, 2009). Ses œuvres se caractérisent généralement par un aspect justement très documentariste, sans grandiloquence ni mélo-dramatisme bien que les thèmes évoqués soient assez durs.

Némésis a parlé récemment de Air Doll (2009), et à cause de la sortie de I Wish, son dernier film, Arte diffusait il y a quelques jours Nobody Knows (dans une version française horrible, la politique de la chaîne m'échappe).



nobodyknowsL'histoire est celle d'une famille de quatre frères et sœurs (deux de chaque), sans père et quasiment sans mère puisque cette dernière part très souvent « pour le travail » sans laisser aucune ressource à ses enfants. Le plus agé d'entre se débrouille alors pour nourrir ses sœurs et son frère. Chantage auprès des pères présumés, récupération de nourriture avariée à la sortie de la supérette du coin, etc... Il fait l'expérience de l'amitié avec quelques garçons de sa rue puis de l'amour avec une jeune fille du collège voisin que ses camarades briment. Mais il n'a que 12 ans et n'ose rien dire à celle ci. Mais s'il arrive à offrir de beaux moments à sa « famille », il ne peut pas remplacer son père et sa mère, qui ne donne plus signe de vie depuis plusieurs mois malgré ses promesses. Et sans surveillance on sait que va arriver un drame, inévitablement...



nobody-knowsNobody Knows est un film terrible, très beau et magnifique mais aussi infiniment triste. On y vit le quotidien dramatique et misérable de quelques enfants qui parviennent à profiter tout de même de chaque moment, de chaque rayon de soleil et de chaque occasion. On y voit aussi la solidarité et la lucidité dont font preuves ces petits hommes et ces petites femmes, les conflits aussi, inévitables et les réconciliations qui n'en sont que plus belles. Les colères, les petites joies, les désillusions qui déjà sont nombreuses mais la soif de vivre aussi. Et la force mentale de ces enfants laissés comme seuls au monde. Car personne ne sait leur solitude, leur détresse. Ils ne s'en plaignent pas et leurs voisins ne s'en préoccupent pas non plus plus que ça. En négatif c'est une critique du Japon moderne que l'on peut voir dans ce Nobody Knows. Car personne ne sait, et bien peu sont ceux qui tentent d'aider cette petite famille. D'un autre coté on admire aussi la force qu'elle dégage et la rigueur que de si jeunes enfants arrivent à avoir. Le manque de soutient n'est pas flagrant dans ce monde très calme et vide. On est loin des images du Tokyo de la nuit de Shinjuku ou des matins lors des rentrées de bureau. La ville est paisible et bucolique, les lieux de l'action sont peu nombreux et on se sent très vite chez soi, on connait vite le quotidien très routinier de ces enfants.

 

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La sensation qui se dégage de cet univers est celle, douce-amère d'un bonheur qui ne dit pas son nom, d'une plénitude assez étrange car elle laisse résonner en son sein la certitude qu'elle est éphémère, que quelque chose va venir rompre ces fugaces instants de bonheur. Et en effet il y a régulièrement des perturbations dans le ciel de ces jeunes héros, mais ils les oublie et les dépasse avec une facilité qui déboussole. Ils dégagent une grande force et une belle sagesse qui laissera à la fin le spectateur « sur le cul », littéralement et le souffle coupé.



Kore Eda est donc un cinéaste passionnant, à la mise en scène documentariste (le film est d'ailleurs inspiré d'un fait divers de 1988) et soignée dont une très intéressante interview est disponible. Son Nobody Knows, bien qu'assez dur et terrible se regarde très bien et procure une sensation rare devant un écran. Du grand Cinéma donc !

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Bruno Zunino







 

Publié dans Japon

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