Il Mare (Siworae), Lee Hyun Seung, 2000

Publié le par asiaphilie

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J'ai récemment vu Hindsight de Lee Hyun Seung (et avec Song Kang Ho) et, l'ayant beaucoup apprécié c'est tout naturellement que je remonte sa filmographie. Son troisième et ante pénultième œuvre étant Il Mare, c'est vers ce film dont un remake américain a été tiré (ce qui n'est forcément un bon signe :The Lake House, avec Keanu Reeves et Sandra Bullock) que je me suis penché. Et ma foi, je n'ai pas été déçu.

 

il mare 08Il Mare (dont le titre original signifie amour-transcendant-temps) raconte la relation épistolaire entre Sung Yun (Lee Jung Jae que l'on a pu voir dernièrement dans the Housemaid) et Eun Ju (Jun Gianna). Ce qu'il y a d'original dans ce mélodrame (ou plutôt comédie romantique) c'est que la relation se créé entre deux temps différents et non pas deux espaces comme c'est le cas habituellement. Car les deux héros ont habités la même maison (qui donne son titre au film) à deux ans d'intervalles. Les lettres qu'ils se laissent dans la boîte aux lettres franchissent ces années et ils peuvent ainsi s'échanger du courrier en direct à 24 mois d'écart. Ce qui permet à Sung Hyun d'anticiper certains événement de la vie de Eun Ju. Il lui rend par exemple un baladeur qu'elle avait oublié dans le métro. Très vite, à travers leurs échanges (qui ont pour sujet les différentes souffrances et peines de chacun : elle s'est faite larguée et il est en froid avec son père qui meurt au cours du film sans avoir pu révéler à son fils l'amour qu'il avait pour lui) ils deviennent vite intime et finissent par vouloir se rencontrer « dans le même espace-temps ». Il se trouve que deux ans après, Sung oublie le rendez vous pris (alors même qu'il fait construire une maison pour Eun Ju), ce il mare 14qui attriste la belle jeune femme. Surtout que celle ci rencontre par hasard son ex, revenu des USA où il s'est mis en ménage avec une autre... Elle demande alors à son « ami » d'empêcher ce dernier de partir à l'étranger quelques années plus tôt. Quand tout d'un coup, elle se souvient que lors du rendez vous un homme s'était fait tué en traversant la route, elle tremble que ce ne soit Sung et lui écrit d'urgence un mot afin qu'il ne vienne finalement pas...

 

Hormis l'originalité du saut dans le temps, Il Mare est assez classique dans sa construction et l'on retrouve tous les éléments de la comédie romantique. Des personnages qui n'ont rien en commun et qui se retrouve au hasard à confronter leur malheurs et leurs peines. Ils y trouve au début du réconfort, de l'amusement puis la relation devient plus intime, ils attendent impatiemment les lettres de l'autres et s'aiment sans le savoir... élément perturbateur, sacrifice de l'un pour l'autre, quiproquos qui empêchent la rencontre sentimentale et physique, etc...

Il-MareCe qu'il y a d'intéressant quand on a vu son dernier film, c'est de les comparer. Car ils sont assez semblables. Une histoire d'amour dans les deux cas, et à chaque fois les héros viennent de deux mondes différents et ne peuvent « normalement » pas se rencontrer. Un goût prononcé aussi pour les images bien léchées, les maisons d'architectes, les belles couleurs et un impressionnant travail de photographie. Et une belle actrice.

 

Pour le reste, le titre coréen renseigne très bien sur le sujet profond du film, à savoir l'amour et le temps, l'amour platonique, le besoin de présence, l'importance physique de l'amour, le temps transcendé, dépassé mais pas effacé ni remplacé par l'amour ; sentiment que chacun construit à partir de sa vie passée, où chacun projette une part de soi et cherche à remplir son être de la richesse de l'autre (et réciproquement). Nous ne reviendrons pas sur les aller-retour entre un temps et un autre, sur les possibles erreurs et paradoxes soulevés tout au long du film qui je pense ne cherche pas à être parfait sur ce point la où à révolutionner les théories se rattachant à la téléportation, à l'espace temps, à la matière noire mais plutôt à proposer une belle variation sur le thème de l'amour impossible.

ilmareLa mise en scène des différents échanges épistolaires est d'ailleurs très bien faite, souvent originale, accompagnée d'une douce musique qui cadre très bien. C'est surtout cela qu'il faut retenir de ce film, plutôt que le remplissage assez gnan-gnan entre les moments plus intenses en sentiments. Car Il Mare souffre de quelques passages plus faibles, mièvres et un peu chiants (mais imputables au genre du film) qu'heureusement on oublie vite pour se replonger dans l'histoire simple et belle qui unie les deux héros autour d'une maison et d'une boite aux lettres. A travers l'astuce des temporalités différentes, le réalisateur peut montrer à quel point l'amour façonne celui qui le ressent, à quel point ce sentiment peut se passer des habituels poncifs genre « l'amour dure trois ans » pour réfléchir au contraire, sans idéalisme ni pathos outrancier sur sa transcendance. A deux ans d'écart, deux êtres peuvent s'aimer plus que deux autres à quelques kilomètres (Eun Ju et son ex par exemple).

 

Bref, Il Mare est un film très intéressant, qui possède quelques magnifiques scène où la mise en scène et un bon scénario se rejoignent pour le plus grand plaisir du spectateur. Le reste du temps, l'un ou l'autre est un peu plus faible même si cela ne gâche pas tout, il faut bien dire que certaines idées sont assez plates et cent fois vues et revues (et ce serait plutôt Closer que le Monde Diplo). Reste deux très bons acteurs, un réalisateur inventif qui livre un travail un peu inabouti mais qui vaut le détour. En bonus, et pour ceux qui aiment les problèmes de logique, ce film regorge d'interférences temporelles et l'on peut donc à souhait se creuser le cerveau sur l'influence de telle ou telle action, sur la possibilité théorique de ceci ou de cela...

 

 

Bruno Zunino

Publié dans Corée

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