La mante religieuse, un insecte bien utile...

Publié le par Nostalgic-du-cool

La mante religieuse (Shaolin Mantis / Tang Lang), Liu Chia-Liang, Chine, 1978.

 

Amour et Histoire, honneur et trahison.



 La mante religieuse est l’un des nombreux films réalisé par Liu Chia-Liang, alias Lau Kar-Leung (challenge of the master, retour à la 36ème chambre de shaolin, drunken master et bien d’autres), que l’on a évoqué il y a peu dans l’article sur Seven Swords. Non content d’être l’un des plus grands réalisateurs de la Shaw Brothers, d’être le frère du très célèbre Gordon Liu (alias Liu Chia-Hui, qui fait une apparition dans le film dans son très célèbre rôle de moine shaolin), est aussi acteur, et pas dans n’importe quels films ! Pas moins d’une quarantaine de film de Kung fu, de comédie, etc… C’est donc à un film peuplé de légende que l’on s’attelle lorsqu’on lance le dvd du magnifique coffret lancé pour les fêtes par la Wild Side.




 Le style : film de Kung fu à tendance historique, avec petite intrigue amoureuse en bonus.

Dans le rôle de l’espion, le très bon David Chiang (dernièrement dans Election et Il était une fois en chine II, mais surtout présent à l’époque du film dans La rage du Tigre), dans celui de la jeune fille capricieuse et amoureuse, Lily Li, dans celui du grand père maître en art martiaux, Liu Chia-Yung (oui oui, le frère des deux autres ! Puisqu’on vous dit que ça marche bien en famille !), dans ceux de la famille de la jeune fille : Cecilia Wong, Norman Chou et Ping Ha. Bon ces noms la ne servent à rien, sinon à montrer plus tard que le monde du film d’action est petit, puisqu’on retrouvera ces noms dans la plupart des grands films de kung fu de la Shaw. Encore une fois, je tiens à préciser le caractère culte, légendaire, merveilleux de ce casting. Mais on va maintenant parler un peu plus en détail de l’histoire. Comme toujours, je vais commencer par le début : le titre. La mante religieuse. Tout de suite, on pense à une histoire avec une femme castratrice, tueuse d’homme, etc… Surtout que la figure de la jeune fille capricieuse mais combattante apparaît assez vite… En fait, il n’en est rien. La mante ne s’expliquera que bien plus tard, ou dès le générique pour ceux qui ont un grand sens de l’observation et du symbole. Voila, ce premier écueil écarté, lançons nous dans un bref résumé.

 

 Wei Feng (ou Fung, ça dépend des traductions) est un jeune homme complet : il pratique les art martiaux et a étudié les lettres. Son père est un conseiller du nouvel empereur Qing (dynastie qui couvre cette la période 1644-1912). Ce dernier a une mission à confier à Wei, mais désire le tester auparavant. Il lui fait donc affronter consécutivement un combattant mongol et un moine, qu’il parvient à vaincre grâce à sa maîtrise du kung-fu.




Wei contre le moine shaolin interprété par Gordon Liu !


L’empereur, rassuré, prend le jeune homme à part et lui confie une tache : s’infiltrer dans la famille Tian et découvrir une preuve du complot qu’il mène pour destituer l’empereur au profit de l’ancienne dynastie, les Ming. Pressé, le dynaste fixe des délais : si sous trois mois il n’a rien découvert, son père sera dégradé, sous six mois il sera emprisonné avec sa famille, sous un an il sera tué avec elle. C’est donc dans une certaine urgence que doit agir le jeune homme, sans pour autant se presser et mettre en péril sa mission. Il entre donc au service de la famille, comme précepteur de Zhi-Zhi (la jeune fille capricieuse de la famille, archi-gâtée par son grand père). Cette dernière, peu attentive au début, tombe petit à petit amoureuse de lui, et réciproquement. Evidemment, on n’échappe pas à la scène classique où le mettre, se plaçant derrière son élève, sa main dans la sienne, lui apprend délicatement à tracer les idéogrammes chinois… Cependant le temps presse, et il n’arrive rien à apprendre, cantonné dans son « studio », d’où il n’a pas le droit de bouger. Un soir, alors qu’il s’approche des chambres qui lui sont interdites, il est surpris par Zhong, un fidèle gardien de la famille. Ce dernier fait semblant de croire à l’excuse avancée par Wei, mais s’en va rapporter l’incident à ses maîtres. Ceux-ci décident alors de tuer le professeur, dont ils supposent qu’il est un espion impérial. Zhi-zhi apprenant cela, les supplie de renoncer, usant en dernier recours d’un argument redoutable : elle dit s’être donné à lui, et souhaite l’épouser. Devant cette situation épineuse, le grand père et les deux oncles choisissent d’épargner Wei, mais de l’obliger à ne jamais sortir de la demeure familiale après son mariage. Celui-ci à lieu. Mais quatre mois plus tard (six depuis l’entrée de Wei chez les Tian donc), le jeune homme demande à se rendre chez ses parents, pour leur présenter sa femme. En réalité, il ne s’agit que d’une excuse, puisqu’il a en effet réussit à subtiliser la liste des membres du complot, qu’il a glissée dans le collier de sa femme et qu’il souhaite transmettre à l’empereur afin de libérer ses parents, emprisonnés sans savoir pourquoi (la mission de leur fils étant secrète).




Devant la gène de sa femme, qui connaît la clause qui lui a permis de sauver la vie de son époux, il se rend lui-même devant le grand père et plaide sa cause. Le doyen semble d’accord, et donne la permission du départ pour le lendemain. Sa femme lui explique alors, l’entendant répéter les termes exact de la discussion, ce que cachait la discussion : son grand père a en effet choisit de le tuer, en lui faisant passer les cinq épreuves qui permettent de sortir de la demeure. Elle décide alors de la suivre, et de passer tout de suite en action. Ils affrontent ensemble Zhong, qui est battu par Wei (qui révèle ses talents de bretteur), puis le quatrième oncle, spécialiste du double sabre dont les roulades sont redoutables. Entrainé dans la pièce réservée à l’épreuve suivante, il doit s’incliner et les laisser passer. Les deux époux se retrouvent donc face à la mère et à la tante de Zhi-zhi. Ces dernières, connaissant la douleur de n’avoir pas de mari, laisse passer les amoureux, et vont même jusqu’à les aider face au troisième oncle, qu’ils arrivent à désarmer. Reste donc le dernier, et le plus redoutable adversaire, le grand père, qui connaît le kung-fu des ombres. Face à lui, même à trois, les fuyards sont inférieur, et Zhi-zhi ainsi que sa mère doivent se sacrifier pour que Wei puisse fuir.




Les différentes épreuves: les deux oncles, Zhong et le grand père.


Poursuivit par les oncles, il simule une chute dans une rivière pour faire croire à sa mort et retrouver la tranquillité. Sans preuves, désespéré par la mort de sa femme et l’exécution prochaine de sa famille, il n’a d’autre choix que de s’entraîner au kung-fu. Se rappelant les enchaînements de ses adversaires, il tente de mettre au point une nouvelle technique lui permettant de les battre. Le kung-fu des ombres notamment lui pose problème, avec ses techniques de blocages. Comme il n’y a pas de meilleur maître et d’exemple que la nature et le hasard, il s’inspire d’une… Mante religieuse, dont il a pu admirer la capacité à tenir des prises bien plus lourde qu’elle. Il s’entraîne donc en regardant de coin de l’œil son nouveau modèle. Et bientôt, il est capable de tenir des poutres à bout de bras, et de ne plus les lâcher. Se sentant prêt à combattre, mais aussi pressé par le temps, il intercepte un messager des Tian et prend sa place, pénétrant ainsi dans la maison. {SPOILERS}

Il respecte néanmoins les usages, et tient à affronter un à un les 5 guerriers, et à passer les épreuves, afin de venger pleinement sa femme et sa belle mère. Zhong, puis les deux oncles ne sont qu’une formalité, grâce à son don d’observation et d’adaptation face à ses adversaires : un seul exemple, face au spécialiste des roulades, il l’entraîne dans un jardin plein de bambous, dont les pousses blessent l’oncle lorsqu’il se jette au sol. Pour l’autre oncle, qui combat avec une arme longue (sorte de hallebarde), il le force à livrer combat dans un étroit couloir. Le dernier combat l’oppose bien sur au grand père, qui détient le collier ou les preuves que veut l’empereur sont cachées. Grâce à sa nouvelle technique, qui surprend le combattant, il parvient au terme d’un long combat à le battre et à le tuer, lui arrachant au passage le collier et la preuve tant recherchée (ainsi que les tripes, accessoirement. Sacrément adhérentes ses mains !).



Le combat final contre le vieux maitre.


Il ramène le précieux sésame à l’empereur, qui libère le prisonnier et lui rend sa charge, le félicitant pour son fils en lui expliquant la mission qu’il vient d’accomplir. Mais, twist final improbable et tragique, il se trouve que le père faisait en fait partit de la conspiration, ce qu’il révèle à l’empereur après avoir empoisonné son verre et celui de son fils, qu’il maudit d’avoir tué les Tian dans un râle avant de mourir. Le film se finit alors que Wei repousse les attaques des gardes, un filet de sang dans la bouche et les yeux révulsés…

 

*

 

 Voila donc pour le cinquième film du célèbre réalisateur / acteur de la shaw brothers. Un film qui se situe après l’apogée du studio légendaire, au moment ou les films qu’il produit ne cartonnent plus autant au box-office, remplacés par ce que l’on appellera plus tard la « kun-fu comedy ». L’influence de ce style est perceptible dans « Shaolin mantis », même s’il reste dans la veine de ses illustres aînés, sérieux, avec des scènes de combat très réalistes et sans humour grandiloquent.

 Mais tout d’abord, prévenons les amateurs de « grand » cinéma, de film culte, de « grands » réalisateurs, etc. Messieurs les puristes, cassez vous. Et oui, ici le ton est léger, il n’y a pas de grands et beaux effets, de recherche artistique au sens où on l’entend habituellement, de plans superbes, lent, psychologique, de jeu d’acteur classieux. Enfin bref ici le ton est léger, sans prise de tête, le film est court, rempli de combat et le scénario tient sur une double page. Mais on passe un excellent moment, du moins à mon goût. Buñuel, Tarkovsky, Ozu et Carné sont très loin, on les oublie, on se vide le cerveau, on regarde un film d’action. Les acteurs sont des artistes oui, mais pas dans le domaine de la comédie, mais des arts martiaux. Ne serait-ce que les trois frères Liu Chia, mais aussi David Chiang et bien sur Lily Li. Ces deux derniers ont les rôles les plus difficiles, qui alternent longues scènes de combat mais aussi passages dramatiques qui nécessitent un vrai talent d’acteurs. Ils jouent alors franchement, et ça passe assez bien, puisque à aucun moment leurs pleurs ou leurs grimaces ne paraissent surfait, bien que le style soit un peu daté, et les émotions légèrement stéréotypés. Mais comme on ne leur demande pas de réinventer chaque sentiment, mais simplement de le transmettre au mieux au spectateur, ça passe très bien !




 

 Concernant le scénario, on en vient au constant suivant : on peut faire du bon avec du simple. Pas besoin d’une intrigue spectaculaire bon faire un bon film, ou au moins du grand spectacle. Une grande place est en effet occupée par des combats, sans pour autant que le scénario n’en soit qu’un prétexte, mais cela l’empêche de devenir trop complexe. Il reste tout de même très cohérent et respecte les quelques « codes » du genre : le héros battu se retire dans la nature, et revient à des exercices simple, découvrant de nouvelles techniques à partir d’exemples de tous les jours. Pour citer un autre classique de la Shaw, dans la rage du tigre, le héros s’inspire des mouvements domestiques qu’il a appris à faire à un seul bras pour l’adapter au combat de sabre. Ici, le héros essaie de se débarrasser d’une mante qui s’est agrippé à son doigt et remarque son extrême ténacité. Il décide alors de s’inspirer du mouvement de ses pinces pour mettre au point des enchaînements de coups dévastateurs.

 Bon puisqu’on est dans les combats, restons-y : Ils sont très bien chorégraphiés par Tang Wei-Cheng et Liu Chia-Liang lui-même. A deux, à trois, à trois contre un, à un contre un ; la maitrise de la Shaw est partout. C’est du Matrix avant l’heure, les effets spéciaux et les ralentis en moins. Le réalisateur utilise des jeux d’ombres pour montrer certains combats, et notamment le passage de la mort du grand père par éviscération qui aurait été dur à mettre en place, et que permet de montrer crûment cette technique.

 L’histoire donc, malgré les très nombreux combats qui auraient pu l’occulter complètement reste intéressante : un jeune homme chargé par un nouvel empereur d’empêcher une conspiration, mais qui se retrouve confronté à l’amour et surtout au revirement final de son père. Même si les combats et les scènes d’actions restent prépondérants, se dégage en fond les thèmes de l’amour face au devoir et à la famille, de la loyauté face à l’envie de vivre sa vie.

 

 J’ai dit dès le départ que ce film se situait à peu près à la rupture entre film classique de combat et kung-fu comedy. L’humour, souvent absent dans els premiers films de la Shaw est ici bien plus présent, notamment dans les combats contre l’oncle au double sabre spécialiste des roulades, qui garde la chambre « cheval ». Il est en effet très nerveux, et pour le battre Wei et Zhi-zhi essaie de l’énerver encore plus, en le titillant, en se moquant de lui, (voir vidéo) ce qui donne quelques dialogues savoureux !



 

Ce film est donc au final assez complet, un des meilleur en son genre, incontournable pour les amateurs, alliant combats magnifiquement orchestrés et dirigés, scénario simple mais cohérent, humour, action et amour. Les acteurs sont de très bons combattant, mais aussi des comédiens convaincants et le twist final est vraiment surprenant dans un film de ce genre, ou gentils et méchants sont très souvent fixés par postulat dès le départ. Ici, il ne faut pas se fier aux apparences, et des êtres sympathiques peuvent se cacher dans le camp « mauvais », et inversement…

 

 Amateurs de la Shaw, de kung-fu, de combats, ne ratez pas ce film !

 

Carcharoth


*Droits réservés sur les images Wild side*



Publié dans Chine et HK

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