Deadly outlaw : Rekka (Jitsuroku Andô Noboru kyôdô-den: Rekka), Takashi Miike, 2002

Publié le par asiaphilie



Ahhhh ! Me voilà rassuré ! Avec Bodyguard Kiba premier et deuxième du nom, j'avais eu peur que Miike ait pu rater des films. Heureusement est arrivé celui-ci qui renoue avec tout ce que j'adore chez ce réalisateur ! C'est donc plein de verve et gonflé à bloc que j'attaque cette critique :

Entre 2000 et 2002, Takashi Miike réalise un nombre incroyable de films (20 !) dont la qualité, souvent inégale est en moyenne exceptionnelle vu sa productivité. Citons notamment les deux derniers volets de la trilogie Dead or Alive, Visitor Q, Ichi the Killer, Happiness of the Katakuris, Fudoh, Agitator, the City of lost souls, ...

DeadlyOutlawRekka 04Parmi eux, Deadly outlaw : Rekka peut apparaître comme une étape importante, un point d'apogée du film de yakuza dans la carrière du réalisateur. Takashi Miike a en effet percé grâce à ce genre dans lequel il s'est illustré avec sa trilogie de Shinjuku ; il y a apporté ses propres thèmes, ses expériences du milieu mafieux et sa créativité débordante pour redonner un souffle et un dynamisme à cette branche du cinéma nippon. En 2003 il réalisera Gozu, film absurde, surréaliste et complètement fou qui marquera un tournant dans sa filmographie tant il est à part... Ce qui n'est pas le cas de ce Deadly Outlaw : Rekka, qui se situe dans la droite ligne de ce qu'à fait Miike auparavant et se comprend assez bien dans la « logique » de son évolution.

 

Ce film condense à peu prêt tous les aspects des derniers films du réalisateur tout en y adjoignant quelques subtiles modifications et nuances qui indiquent la voie que suivra Miike les années qui suivront.

 

Deadly-Outlaw-Rekka-21Kunisada est le fils spirituel de Sanada, chef de clan Yakuza. Alors que celui ci se fait tuer, Kuni' est interrogé en prison. Il sort d'une longue période d'incarcération et son retour aux affaires est marqué de cette perte. Les différents clans négocient déjà un maintien de la paix pour empêcher un bain de sang. Mais Kunisada ne l'entend pas de cette oreille, et secondé par son fidèle bras droit il part à la chasse des tueurs et de leurs commanditaires. Il va se heurter, après avoir éliminé un clan à lui seul, à Tabata et Mr Su, les deux meurtriers de son père.

 

« On parle d'un homme né avec le sang d'un animal sauvage dans ses veines. Ce cousin des loups ignore le danger, l'intérêt personnel et la vanité... et suit seul la voie d'un animal sauvage. Ses yeux contemplent les flammes de l'enfer. Ses crocs déchirent et apportent la destruction. On dit que cela est dû à sa nature mauvaise. »

 

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Voici la description qui est donné d'entré de jeu de Kunisada. Le sous titre, Violent Fire nous fait vite comprendre que le personnage est incontrôlable et violent. Riki Takeuchi, qui incarne à l'écran ce démon doit donner toute la puissance de son talent et de ses grimaces pour offrir au spectateur l'image de cet homme qui semble parfois possédé par un esprit. Il est l'aboutissement, la figure la plus jusqu'au boutiste de l’exclu, du marginal et du hors la loi dont Miike est friand. Kunisada est marginal parce qu'il est à moitié coréen, parce que son vrai père est mort et que celui qui l'a élevé et intégré aux yakuza vient aussi de se faire tuer, et parce qu'il sort tout juste de prison, conséquence logique de son « travail ». Il ne manque au tableau que l'homosexualité pour qu'il soit complètement rejeté par la société civile nipponne. A propos de ses tendances sexuelle, on peut d'ailleurs se poser des questions... Enfin, visuellement, sa marginalité est illustrée par sa couleur de cheveux. Takashi Miike en fait donc un héros violent, un loup sauvage, une brute sanguinaire hors de toutes les règles et prêt à défier toutes les lois, celles des hommes, des yakuzas et des autres...



Dès que le processus vengeur est enclenché, les héros sortent du cadre normal et poussent la violence et les moyens employés à une telle extrémité que cela ressemble à un jeu de cour de récré. La régression au stade enfantin est d'ailleurs perceptible dans le film avec des comportements très infantiles, d'une innocence qui ne peut qu'évoquer celle des premières années de la vie. Les personnages, qui savent que leurs actions les ont quasiment condamnés vivent dans l'instant très présent mais aussi dans le passé, dans un monde nostalgique où même la mort perd son sens et devient impossible. Le final, avec des combats au bazooka (comme dans DOA 1) et à la mitraillette est d'ailleurs équivoque à ce sujet puisque les personnages qu'on croit mort (puisqu'ils ont couru face aux tireurs...) apparaissent dans une boutique, affalés devant un distributeur de boisson, écorchés et sanguinolents mais vivants. Est-ce vrai, ou est-ce comme dans DOA 2 leurs esprits (anges) ? De toutes façons, comme le dit le narrateur diégétique du film en apprenant la probable mort de Kunisada : « Tout ça à cause de sa témérité. Je suppose que c'est normal. Mourir est aussi une façon de se former ».

 

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Ce personnage, appelé « prince » et qui ressemble un peu à un narrateur ou au dieu qui dirigerait ce petit monde n'est pas le seul à être à la fois dans le récit et à l'extérieur. Mr Su, le tueur à gage commente aussi parfois l'action comme un journaliste, ou un spectateur. Lorsque par exemple Kunisada fait exploser à coup de roquettes le QG du clan adverse, il assiste à la scène avec son second Tabata, et lorsque celui ci demande s'ils doivent intervenir, il glisse dans un sourire : « Non, profitons encore un peu du spectacle ! ». Ou encore, à la toute fin, lors de la scène que j'ai retranscrite plus haut, après que le Prince ait déclamé sa morale sur « la mort qui serait une façon de se former », Sanada (le père yakuza tué au début du film par Tabata) apparaît comme l'empereur de la guerre des étoiles (épisodes IV, V et VI) et lance, deux doit en l'air « Rock'n Roll ! ».

Dans le registre du délirant et pour compléter le catalogue mentionnons les mains de Sanada qui restent accrochées au cou de Tabata alors que celui ci les a coupé.

 

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Il faut aussi noter la musique, produite par le groupe Flower travellin' Band dans lequel ont joué Yuya Uchida et Joe Yamanaka, deux acteurs du film. Elle souligne très bien la frénésie de l'action par ses riff puissants et efficace, et donne le rythme de tout le métrage. Puisque nous en sommes à parler des acteurs et que j'ai déjà souligné la performance géniale de Rki Takeuchi, il me faut citer deux nom : Sonny Chiba, figure phare d'un certain cinéma japonais des années 70-80 et Tetsuro Tanba, mort depuis après avoir joué dans plus de 220 films dont ceux de Kurosawa (7 samourais), Kobayashi (Harakiri), Gosha et... Miike ! Ces deux là sont bien sur excellents aussi, ils montrent bien l'importance qu'a pris Miike en quelques années et servent son film comme personne.



C'est donc un très bon film que ce Deadly Outlaw : Rekka, qui condense toutes les qualités du cinéma de Miike entre 1995 et 2002 et qui montre bien qu'il n'est pas juste un fou, un malade filmant sans cesse des images dont il n'aurait pas conscience et dont il ne comprendrait pas le sens. Sa quête au contraire est celle de l'expressivité maximale et de la recherche permanente de nouvelles possibilités artistiques d'expression. Même si cela doit se faire dans le sang, le sperme et la sueur au milieu de hurlements à peine humains sur fond d'explosions.


deadlyoutlawstillEncore un bon trip sous acide avec Miike !



Carcharoth

 

la vidéo est sous titré en néerlandais, mais reste compréhensible.


Publié dans Japon

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