Bodyguards and Assassins, Teddy Chan, 2009
Je me demande parfois comment sont choisis les titres. Si l'on invente un film en partant d'un concept où si l'on réfléchit après coup à quelques mots accrocheurs, quitte à ce qu'ils n'aient qu'un rapport très limité avec le long métrage qu'ils doivent « vendre ». Bodyguards and Assassins pourrait tout aussi bien être un remake du film avec Costner qu'un thriller relatant l'assassinat de JFK. En fait c'est un film sur les prémices de la république chinoise et la venue de Sun Yat Sen à Hong-Kong en 1906. Pour autant ce n'est pas vraiment un film historique à proprement parlé. Suffit-il de dire qu'il y a Donnie Yen dans le casting pour que tout le monde comprenne que les scènes d'actions sont nombreuses, à tel point qu'on se demande qui de l'Histoire ou du kung fu est prétexte à l'autre ! Mais n'allons pas trop vite en mesure...
Teddy Chan, le réalisateur, n'est pas une star de l'ancienne colonie anglaise. Il a joué dans Infernal Affairs II, réalisés quelques films mais pas plus. Les acteurs ne sont pas de grandes stars non plus, ou alors celles ci ont été placées dans des rôles secondaires: Tony Leung, Simon Yam, Eric Tsang, Donnie Yen. Tous les autres ont déjà une expérience plus ou moins longue du cinéma mais on ne connait pas en France leur visage.
Le sujet du film, s'il a été choisi par Teddy Chan est assez inattendu dans une Chine réunifié (depuis la rétrocession d'Hong-Kong en 1999) qui se réclame toujours de Mao mais a beaucoup de mal avec la période qui commence en 1895 avec la première révolte de Sun et se termine en 1949 avec l'arrivée de Mao à la tête de la République Chinoise, aux dépends de Tchang Kai Chek (beau frère et successeur de Sun Yat Sen). L'avant dernier ayant fondé la république Taïwanaise, qui se réclame directement de la révolution de Sun et ne reconnaît pas à la Chine continentale se privilège. Le régime et ses censeurs ont récemment encore coupé dans des films (notamment le « 1911 » de Jackie Chan), spectacles ou conférences sur le sujet (voir ici, en anglais). C'est peut être d'ailleurs pour cela qu'on retrouve tant dans ce film de scènes d'action, de combats et que Sun Yat Sen est en fait un personnage très secondaire dont la doctrine n'est qu'assez peu reprise finalement.
On touche là à l'un des problèmes du film, qui n'a pas vraiment de héros, de personnage à qui s'attacher. De plus, le déroulement de l'histoire est assez linéaire et la fin bien trop longue et étirée au maximum pour laisser à la place à des combats au demeurant superbes. D'ailleurs le titre insiste bien sur l'importance accordée à ces hommes, les uns voulant tuer, les autres protéger un homme et ce qu'il représente; même si en fait la plupart ne se le représente pas vraiment. On comprend aussi assez mal les relations entre chaque faction, chaque personnage, les antagonismes, l'histoire (que sans doute les chinois connaissent mieux, encore que...), bref le storytelling n'est pas le fort de ce film, on perd parfois le fil et les différentes scènes ne sont pas bien liées. Le dénouement du film est le moment le plus symptomatique: à peine plus d'une heure ont suffit à mettre en place l'histoire, les enjeux et à cerner un peu les personnages mais il faut encore une heure pour que Sun Yat Sen soit conduit à travers les rues de Hong-Kong en évitant les pièges des sbires de l'empire. Une heure de combats mais aussi de tensions et de sacrifices au nom de la cause. Et une heure c'est long, l'histoire n'avance pas vraiment, et même si les combats sont bien menés on a juste l'impression d'une surenchère dans le but de combler un vide, d'arriver à deux heures.
Bodyguards and Assassins est donc un film sur un sujet assez difficile, qui a du être revisité par la censure chinoise, ou par une bonne dose d'auto-censure, d'autant que le réalisateur n'est pas connu pour être un grand révolté et que les acteurs, dont certains sont des stars, n'ont pas eu de problèmes de carrière par la suite. On a droit à quelques beaux plans en images de synthèses d'Hong-Kong dans les années 1900, un petit rappel historique sur la domination anglaise de cette région même si l'aspect historique et révolutionnaire de la pensée de Sun Yat Sen est un peu évacué. On ne ressent pas vraiment le bouillonnement intellectuel qui régnait dans la ville à cette époque. Le coté le plus intéressant de ce blockbuster est donc le nombre impressionnant de combats qui ont lieu et leur qualité de mise en scène. Néanmoins sur la fin cela fait un peu trop et perd de la cohérence.
Un bon divertissement, mais sans plus. Il faudra encore attendre pour que le père fondateur de la Chine républicaine ait sa fresque cinématographique.
Bruno Zunino