Le tombeau des lucioles, le dessin animé lacrymal
Comme nous l'avons dit dans notre présentation Carcharoth et moi essayons de traiter l'ensemble de la production cinématographique asiatique. Cela comprend bien évidemment le cinéma d'animation. Ce genre de cinéma sera plutôt traité par moi car ce n'est pas le domaine préféré de Carcharoth.
Je commence par le film d'un des piliers du cinéma d'animation nippon : Isao Takahata. D'ailleurs il faut bien reconnaître que ce cinéma est largement dominé par les réalisateurs japonais, on peut penser entre autres à Hayao Miyazaki qui, je pense il n'est pas besoin de présenter, mais aussi à Satoshi Kon qui récement etait à l'affiche avec Paprika ou Mamoru Oshii qui a réalisé, entre autres, Ghost in the shell. Il faut saluer le travail de ces réalisateurs qui ont réussi à prouver que le cinéma d'animation pouvait être adressé aux adultes.
Avant d'évoquer le film, disons quelques mots de Takahata, il est né le 29 octobre 1935 au Japon et va assister à l'horreur de la seconde guerre mondiale. La particularité essentielle de Isao Takahata est qu'il ne dessine pas lui même ses films (à la différence de Miyazaki). En effet il se considère plutôt comme un réalisateur, cela explique pourquoi les styles de dessins sont variables selon ses films. Le style de Mes voisins les Yamada n'a rien à voir avec Le Tombeau des lucioles. Aussi les genres qu'il aborde sont ils très différents allant du drame réaliste dans Le Tombeau des lucioles à la comédie fantastique sur des personnages de l'imaginaire nippon dans Pompoko. Toutefois ses films abordent toujours des thèmes sérieux comme la guerre ou l'écologie. Enfin Isao Takahata est surtout célèbre pour avoir fonder avec Hayao Miyazaki les studios Ghibli, ce sont ces studios qui ont produit la plupart de leurs films.
Le Tombeau des lucioles est son chef d'oeuvre, réalisé en 1988, il ne sortira en France qu'en 1996 de manière discrète ce qui hélas est presque normal pour un film d'animation japonaise (Nausicaä de la vallée du vent est réalise en 1984 par Miyazaki il ne sortira en France qu'en 2006!). Pourtant ce film reste inoubliable pour ceux qui l'ont vu, c'est l'adaptation d'une nouvelle de Akiyuki Nosaka intitulé "la tombe des lucioles".
L'histoire se déroule au Japon durant la seconde guerre mondiale, pendant l'été 1945 pour être précis. A la suite du bombardement à la bombe incendiaire de la ville de Kobe, qui a provoqué le décès de leur mère, Seita un adolescent de 14 ans et Setsuko, sa petite soeur de 4 ans partent se réfugier chez leur tante. Mais leur tante est une éspèce de marâtre odieuse et les enfants décident d'aller vivre seuls dans un bunker désaffecté. Au début c'est parfait : hors de la communauté, ils profitent de la liberté, de la nature, la nuit leur demeure est illuminée par des milliers de lucioles, ils sont loins de la ville et commencent presque à oublier la guerre. Mais les problèmes vont vite s'enchainer, le conflit implacable va rattraper leur bonheur, la nourriture va commencer à manquer ce qui rendra Setsuko malade et ce qui va obliger Seita à voler pour la nourrir.
Ce film est tout simplement bouleversant, les images sont sublimes, le scénario est extraordinaire à la fois réaliste et poétique, cruel et tendre, émouvant et dramatique. La musique de Yoshio Mamiya est magnifique, il suffit de l'entendre pour avoir la gorge qui se serre et sentir ses yeux devenir humides. Enfin Takahata nous offre une mise en scène impeccable qui laisse s'amplifier l'horreur dans un crescendo terrible, tout en réussissant habilement à enchainer les scènes poétiques et émouvantes avec les scènes de la réalité cruelle. Il nous prouve que l'on peut faire des dessins animés et être un véritable réalisateur.
Ce film est incroyablement beau et émouvant, il dégage une tristesse infinie mais elle se mêle à un humanisme profond qui teinte d'espoir l'histoire dramatique. On ne peut qu'être touché en voyant ce film, j'irais même plus loin en disant qu'on ne peut que pleurer en voyant le film qui dégage une émotion d'une intensité incroyable. Comment rester insensible face au charme de la fragile Satsuko ou devant le devouement exceptionnel de son frère Seita. Comment ne pas être revolté quand on voit l'horreur du conflit qui rend les japonais d'une dureté effroyable envers leurs semblables Enfin comment ne pas être envahi par un sentiment d'absurdité devant l'aveuglement des bombardements américains et celui du patriotisme japonais.
Bien que le premier plan du film montre un jeune garçon maigre et epuisé, couché au milieu d'une gare dans l'indifférence totale des passants et que la première phrase du film soit : "La nuit du 21 septembre 1945 je suis mort" ce qui annonce le ton tragique, on ne peut être que chamboulé par la tension dramatique du film. On ne s'attend pas à quelque chose d'aussi fort, d'aussi beau, que la scène soit tendre, poétique ou triste c'est la même émotion qui nous frappe au ventre, au coeur puis à la tête. L'impact du film peut nous faire penser à la catharsis des tragédies grecques où le spectateur subit une purification émotionnelle, on sort essoré du film.
Enfin, Le Tombeau des lucioles est aussi un conte moral et humaniste, qui dénonce l'absurdité de la guerre sans aucun parti pris. Le film nous montre le militarisme et le patriotisme forcenés. Il démontre que bien souvent ce sont les innocents qui souffrent de la guerre. Mais il évoque aussi les conséquences du conflit qui déteint sur les gens qui à force de sacrifices et de privations deviennent plus âpres, faisant preuve d'une insensibilité inouïe à tel point que parfois on a l'impression que l'humanité a disparu. Pourtant malgré tant de cruauté, d'injusitce on ne ressent pas de haine, juste un immense gâchis. Bref un film dont on ne peut sortir que profondément pacifiste.
Nostalgic Du Cool