« Oasis » : Lee Chang Dong, le grand magicien

Publié le par Nostalgic-du-cool

Bonjour. C'est Carcharoth et Nostalgic qui vous parle. Le blog a l'honneur d'accueillir un nouveau venu, qui postera de temps en temps des critiques sous le nom d'Ichimonji. Voici donc sa première production sur Asiaphilie, à propos d'Oasis, blockbuster coréen de grande qualité. Nous vous laissons admirer sa prose et lui souhaiter la bienvenue.


 

 

« Oasis » : Lee Chang Dong, le grand magicien :

 

 

 « Oasis » est le troisième film du réalisateur coréen Lee Chang-Dong, réalisé en 2003 après « Green Fish » et « Peppermint Candy » et son premier véritable grand succès dans son pays et en Occident. A cette occasion, il retrouve ses deux acteurs qui ont joué dans « Peppermint Candy », Sol Kyung-Gu (ici, Hong Jong-Du) et Moon So-Ri (ici, Han Gong-Ju), tout deux au sommet de leur forme, pour un film littéralement casse geule mais dont Lee Chang-Dong sort une oeuvre à la force incroyable. Mélodrame puissant et touchant, très intelligent,  le film évite tout clichés, lieux communs ou patho qui font généralement d'un mélodrame classique de la pure soupe.

 

 

Les Grands Films Classiques

 

 L'histoire est simple mais, sur le papier, fait quand même plutôt peur. Le film raconte donc l'histoire de Hong Jong-Du, un homme de 29 ans qui vient de sortir de prison pour avoir écrasé deux ans plus tôt un technicien de la route. Jong-Du est un personnage naïf, immature, complètement inconscient et irresponsable et donc incapable de s'intégrer correctement dans la société au grand dam de sa mère et de son frère aîné qui ne cessent de le sermonner et de le punir. A peine sorti de prison, il découvre que sa famille à déménager et peu après, a une altercation avec la police et fini au commissariat. Une fois là-bas, son petit frère (joué par le réalisateur coréen Ryoo Seung-Wan) paie la caution et le ramène chez la maison de son frère ainé. Ce dernier l'embauche dans le garage automobile qu'il tient et tente tant bien que mal de le faire travailler. Un jour, Jong-Du décide d'aller s'excuser auprès de la famille du balayeur qu'il a tué et, alors qu'il va les voir, rencontre chez eux Gong-Ju, la fille handicapé de ce balayeur, et tombe littéralement amoureux de cette dernière dont il sera fasciné. Il lui rendra alors secrètement visite, celle-ci restant seule dans son appartement après que son frère et sa femme l'ai quittée et exploite son handicap pour pouvoir vivre dans un HLM neuf et gratuit pour les personne handicapées. Ainsi naîtra entre eux une relation amoureuse belle et néanmoins étrange où Jong-Du prendra soin de Gong-Ju, la sortira, entretiendra sa maison et où ces deux individus solitaires et rejetés par la société (puisque leur image est non conforme à la norme et intimide et dérange) tenterons de vivre leur amour librement et tenterons d'exister vraiment, loin des contraintes et obstacles que cette société faite de préjugés et d'intolérance, leur tend.

 

 Cependant, alors quà la fin d'une soirée, Gong-Ju propose à Jong-Du de rester dormir auprès d'elle, et que ceux-ci commencent à faire l'amour, le frère et la femme de Gong-Ju rentrent et les découvrent en action. Effrayés et terrifiés, ne pouvant imaginer que Gong-Ju puissent avoir une quelconque relation avec quelqu'un, ils pensent que Jong-Du est en train de violer cette dernière et appellent la police...Jong-Du est arrêté, mais s'échappe et retourne dans la rue de l'immeuble de Gong-Ju et tente alors de découper les branches de l'arbre dont elle lui a dit que les ombres lui faisaient peur la nuit. Une fois qu'il a fini, celui-ci est rattrapé par la police et va en prison.

 

Le film se termine alors sur un plan de Gong-Ju dans sa maison, seule, en train de faire le ménage et qui a reçu une lettre de Jong-Du (dont le contenu est dévoilé en voix off) qui dit qu'il l'attendra jusqu'à ce qu'il sorte.

 

 

 

Sol Kyung-Gu et Moon So-Ri. Les Grands Films Classiques

 

 Voilà pour la petite histoire. On peut déjà noter la rigueur et la retenu de l'écriture de Lee Chang-Dong qui ne sombre pas dans la facilité, ni dans le déferlement de scènes larmoyantes, ce qui fait déjà d' «Oasis », un véritable miracle. Pour ce qui est des acteurs Sol Kyung-Gu et Moon So-Ri, je pense qu'il n'y a pas besoin de revenir sur leurs prestations incroyables et vraiment impressionnantes qui rendent plus vrai que nature ces personnages magnifiques, et qui sont, bien sûr, l'un des nombreux atouts forts du film.

 

 Coté mise en scène, Lee Chang-Dong nous sert quelque chose de simple, et d'efficace, souvent caméra à l'épaule, toujours en mouvement et qui épouse en quelque sorte l'agitation tant extérieur qu'intérieur de ses personnages qui ne peuvent être contenu, tant dans la rigueur des angles d'une caméra, que par les règles, lois, obstacles et contraintes d'une société étouffante et absurde, véritable prison.

 

 Lee Chang-Dong remet donc en cause avec une évidence folle nos sociétés contemporaines, faites de préjugés, d'apparences et d'images (rien qu'à voir la séquence quand Jong-Du et Gong-Ju vont à la fête d'anniversaire de la mère de Jong-Du et où les invités regardent d'un mauvais oeil cette jeune handicapée dont l'image et la présence troublent leur repas et les gênent), où les hommes ne peuvent se comprendre et où il est difficile de communiquer (cf. la scène où la famille de Gong-Ju découvre Jong-Du chez elle et qu'ils pensent qu'il est en train de la violer. Ici, Jong-Du ne peut justifier son acte et la famille pense tout de suite à une agression et appelle la police. Cf. également la scène où Gong-Ju est au commissariat et ne peut exprimer et expliquer le terrible malentendu qui vient de se produire) et où prime, plus que les liens entre les hommes, les intérêts financiers (je pense ici à la scène où les deux vont au restaurant et où la propriétaire leur dit que le restaurant est fermé alors qu'il y a encore des clients qui se font servir et qui mangent. On peut parler aussi de la scène au début où un marchand offre gratuitement à Jong-Du du tofu et du lait et discute avec lui.).

 

Sol Kyung-Gu et Moon So-Ri. Les Grands Films Classiques

 

 Enfin, Lee Chang-Dong a réalisé un film à la beauté et à la magie indéniables, notamment dans ces scènes incroyables où Gong-Ju se « métamorphose » véritablement sous nos yeux, où elle sort d'elle-même et où l'amour entre ces deux êtres explose magnifiquement dans des instants grandioses comme dans cette scène où le couple danse et où les personnages de l'oasis de la tapisserie dans la chambre de Gong-Ju, sortent de ladite tapisserie et dansent avec eux.

 

 Vous l'aurez donc compris, le titre «Oasis »vient de cette tapisserie dans la chambre de Gong-Ju représentant manifestement une espèce d'île déserte et paradisiaque où se trouvent un éléphant, une danseuse indienne et un jeune garçon. Cette oasis est ici le symbole de la liberté et du bonheur parfait que nos deux personnages principaux tentent d'atteindre. Cependant, cette liberté et ce bonheur semblent compromis par l'ombre de l'arbre, la nuit, qui tend ses branches tentaculaires voilant ainsi d'une ombre gigantesque la tapisserie du mur. L'arbre est donc ici la représentation symbolique de la société, monstre qui détruit les liens entre les hommes, qui les écrase, les contient dans une cage, une prison (cf. ces plans dans le film d'immenses bâtiments qui se dressent à perte de vue). Ainsi, lorsque Jong-Du tente de couper les branches de l'arbre, c'est un geste symbolique des plus beau où véritablement il essaie de se libérer, lui et également Gong-Ju, de cette peur, de ce trauma, des emprises de cette société absurde, et, au finale, y arrive. Alors, certes, le film dit clairement que nous ne pouvons détruire la société, mais que nous pouvons nous y libérer d'une certaine manière et redevenir des êtres humains, grâce, par exemple, à l'amour, cet amour qui a d'ailleurs véritablement sauver ces personnages du naufrage et qui ont pu ainsi atteindre l'oasis...


 

 

 

 

 

 

 

 Ichimonji

 

 

  

 

 



Publié dans Corée

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