Shaolin Temple, fin d'une tétralogie qui ne fait en fait que commencer...

Publié le par Nostalgic-du-cool

Shaolin temple (Shaolin Lin si), Chang Cheh, HK, 1976.

 

“Le temple est détruit, mais ses arts martiaux demeurent”




 Le Temple de Shaolin, que j’appellerai dans l’article Shaolin temple (ça fait plus classe tout de même) est le dernier opus d’une tétralogie de Chang Cheh consacrée entièrement au mythique monastère, berceau des arts martiaux. Mais pourquoi commencer par le dernier me direz vous ! Et bien tout simplement parce que ce malin de Cheh a eu la bonne idée d’inverser l’ordre chronologique de ses métrages, c'est-à-dire qu’historiquement ce cycle commence par la fin, et se clôt avec 2 Hero, sortit en 1974. Donc, avant de traiter les quatre autres films, si j’arrive à me les procurer, commençons par celui-ci. On dit souvent des suites d’un film réussis qu’elles ne peuvent être que moins bonnes. J’espère bien que c’est le cas, car si Shaolin Temple est le meilleur des cinq, je pense que les derniers vont passer à la trappe. Mais avant d’expliciter mon propos, un petit résumé :

 XVIIIème siècle, Chine. L’empire est envahit par les Qing, mandchous qui interdisent la pratique des arts martiaux. Seul Shaolin résiste et parvient à perpétuer la tradition. Dans le même temps, trois jeunes hommes animés par la vengeance désirent plus que tout entrer au monastère pour venger leur famille, tuée par les envahisseurs. Un peu plus loin et quelques mois plus tards, six soldats, derniers survivants de l’armée fidèle à l’empereur débarquent et voient en Shaolin leur seule possibilité de survie. Alors que les trois hommes jeûnaient et suppliaient sous la pluie le monastère de les accueillir, le vénérable maître méditait. A l’issu de sa retraite, prévoyant une période de grand trouble et de malheur, il annonce sa décision aux bonzes de répandre les arts martiaux de Shaolin dans la population -à l’image de la pluie qui s’infiltre partout et qui gèle les membres des prétendants pendant qu’il parle !- et d’ouvrir à cet effet le temple à quelques laïcs bien décidés. C’est ainsi qu’au moment où le groupe de six soldats (anciens élèves de l’école) pénètre dans le temple, ils peuvent observer de nombreux homme à genoux devant shaolin qui éprouve leur volonté. L’entraînement des nouvelles recrues est rude et rébarbatif, et surtout d’un intérêt loin d’être évident : Remuer le riz toute la journée, alimenter le four, faire sécher des sutras sur des pieux, sauter des heures durant les pieds lestés, etc… Une nuit, deux des six soldats rescapés aperçoivent une ombre devant la chambre d’un maître : un espion ! Le camp Qing est en effet proche, et il craint shaolin comme la peste, haïssant le temple à la hauteur de sa réputation. Et en effet, les soupçons étaient fondés ; alors qu’ils reviennent au temple (dont ils s’étaient enfuis au péril de leur vie) après avoir accomplis leur vengeance, deux des premiers laïcs acceptés croisent l’armée en marche, et courent en avertir le temple. Mais il est trop tard, l’eau a été empoisonné par le traître, et seule une poignée de disciple peut se battre et succomber héroïquement sous les coups des milliers de lanciers et d’archers Qing. Quatre des soldats de l’ancienne armée de l’empereur ainsi que deux des laïcs parviennent à s’enfuir, faisant le serment de perpétuer la tradition et de refonder le monastère plus au Sud, afin d’accomplir le vœux du vénérable. « Le temple est détruit, mais les arts martiaux survivront ».




 *

 Bien. Donc j’ai déjà expliqué quel était le contexte de la réalisation et le fait que Shaolin Temple était le dernier film d’une tétralogie culte de Chang Cheh ayant pour objet le monastère de Shaolin. Dans ces différents films, les figures de Fang Shih Yu et de Hung Hsi Kuan reviennent à plusieurs reprises, interprétés par Alexander Fu Shenget d’autres stars de la Shaw. Car voila le premier point fort de ce film : son casting hallucinant : que des noms connus, des acteurs de première classe : Ti Lung, David Chiang, Phillip Kwok, Lu Wei Wang (encore en méchant !), Fei Lu, et même robert Tai dans un petit rôle ! Paradoxalement c’est aussi cette avalanche de nom qui noie un peu le film. En effet, à vouloir trop accumuler de personnage secondaires, on finis par ne plus vraiment s’y retrouver, et même en deux heures Chang Cheh n’a pas le temps de développer ses personnages pour les rendre intéressants et attachants. Au final on aurait donc préféré voir peut être « seulement » le duo Ti Lung-David Chiang à l’action, plutôt qu’un parterre de star qu’il a toute fallu contenter et à qui un certain nombre de scène était réservé, ce qui nuit à la cohérence du film et à sa fluidité. Sans être un Astérix, puisque c’est devenu une mode de taper dessus, cet étalage de combats et de belles gueules a un peu tendance à virer au défilé, même si leur talent rattrape un peu le tout.

 J’ai donc dit deux heures de film, chose assez rare à la Shaw, ou le format classique oscille entre 1h15 et 1h40. Cette durée « exceptionnelle » s’explique par la dernière scène : 28 minutes de combats non-stop (déjà que le film était pas mal fournis…) qui nous font friser l’indigestion tant on sent que tous les acteurs ont voulu y participer, faire des sauts périlleux et de beaux enchaînements. La destruction du temple aurait pu prendre une forme bien plus sobre et efficace, mais non, on assiste, intéressé au début, puis lassés par la répétition des combats au sacrifice des moines, des laïcs, à la fuite très souvent interrompue par des combats de ceux charger de perpétuer l’art du monastère, etc… Alors que Chang Cheh avait déjà réussit à faire prendre la surenchère (la rage du tigre), il n’y parvient pas cette fois ci et plombe son film par des combats assez mal dirigés même si très bien filmés. On sent l’absence de Liu Chia Liang dans tous les affrontements, qui bien que correct n’ont pas ce supplément d’âme qui seul fait à mes yeux leur intérêt. Le réalisateur a beau user de tous ses talents, les acteurs de tous leurs cris et enchaînements et les bruiteurs de tous leurs habituels « Tchh / Touf / etc… », la sauce ne prend pas, tient la route lors des courtes bagarres, mais montre toutes ses faiblesses lors de l’affrontement final. Voila à peu prêt pour les défauts du film qui m’ont fait dire que s’il était le meilleur de la tétralogie, je n’irai pas au bout de celle-ci, car même s’il est regardable (et culte par ailleurs !), on n’a pas envie de passer 10h comme celle-ci.



 Culte ais-je dis. Et oui, car l’histoire (hors la fin) a tout simplement inspiré (et plus encore) Liu Chia Liang (encore et toujours lui !) pour sa la 36ème chambre de Shaolin, qui reprend la même trame : L’intégration des laïcs suite à l’interdiction par les Qing du kung-fu et la vengeance d’un jeune homme. Les scènes d’entraînements, bien que modifiés par le réalisateur de la trilogie Shaolin, ressemblent comme deux gouttes d’eaux à celle de ce film, tout comme les privations que doivent subir les entrants laïcs, les gestes quotidiens transformés en méthodes de combat, alors que la scène d’ouverture fait penser à celle d’Il était un fois en Chine (avec Jet Li, qui a d’ailleurs lui aussi tourné dans un remake de la destruction du temple…). Et la filiation ne s’arrête pas la, puis Liu Chia Liang a été formé, ou s’est formé à la réalisation sur les plateaux de Chang Cheh qu’il a de très nombreuses fois assistés en tant que chorégraphe. Cependant, et le cependant est important, si les histoires s’accordent, les esprits pas vraiment, et ce n’est pas pour rien que Liu Chia Liang a « refait » le film de Cheh. Ce dernier a en effet mis en scène un monastère historiquement peu réaliste, dont les enseignements sont bien loin de ceux qu’a reçu Liu Chia Liang (qui descend en droit ligne de l’ami du héros, Hung Hsi Kuan). Alors que Fang Shih Yu est un bouffon indiscipliné, San Te (le héros de la 36ème Chambre…) rentre très vite dans le rang, se consacre pleinement à l’apprentissage du Kung-fu et adopte aussi l’esprit monastique bouddhique, ce qui convient à vrai dire bien mieux à l’ambiance générale du film. Le personnage de Fu Sheng fait donc un peu tache et accroît l’impression d’incohérence tout au long de Shaolin Temple, qui commence comme une comédie et se termine tragiquement (Car tout est la pour la tragédie : le destin, les héros, les méchants, une issue connue d’avance : les moines ne cherchent d’ailleurs pas à éviter la destruction du temple qu’ils savent inévitable ; ils vont dans le sens du courant tout en lui donnant leur marque en diffusant leur savoir dans le peuple, seule façon de le perpétuer à propos de laquelle on pourrait ressortir l’aphorisme de Samsara : « comment faire pour qu’une goutte d’eau ne s’assèche jamais ? En la jetant à la mer. »).



 Pour finir, et résumer un peu le tout comme il se doit dans toute bonne conclusion, je dirais que ce film avait tout pour devenir mythique, avec un casting monstrueux, un scénario épique sur une base historique très célèbre et populaire, mais qu’il manque un supplément d’âme dans les combats, dans les dialogues et le traitement de l’affaire qui font finalement que ce film n’est que regardable, un peu long et avec des choses déjà vu en mieux, que l’on retrouvera par ailleurs en plus fidèle à l’esprit du temple dans la trilogie de Liu Chia Liang.

Très intéressant dans le cadre de la tétralogie déjà cité, je ne choisirais cependant pas ce film s’il ne fallait en voir qu’un dans celle-ci.

 

La fiche IMDB.

 

 Carcharoth.



Publié dans Chine et HK

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