Mad Monkey kung-fu, Liu Chia-Liang répond à Jackie Chan.
Mad Monkey kung-fu, Liu Chia-Liang, 1979, Honk-hong.
Ou la réponse de Liu Chia-Liang à Jackie Chan.

Hop, je reprend une attitude logique: J'ai enfin vu la première comedie de Liu Chia-liang. Comme je le rappellais dans l'article précédent concernant Lady kung-fu, le grand réalisateur en a produit (enfin la production techniquement parlant est assurée par Run run Shaw) trois d'affilé (ou presque). Celle ci est donc la première pour l'immense artiste martial-réalisateur. Mais du point de vue général, il est assez loin d'être le premier, il appartient même à la seconde vague, celle des réponses tardives au film qui marque la naissance du genre: « Snake in the eagle's shadow ». Je parlerais de ce film un de ces jours, histoire que vous ayez un aperçu de différentes comédies de l'époque. Bref, Liu Chia-liang a tardé à se mettre dans le vent, il a pris son temps pour s'approprier les codes de ce genre nouveau. Et le résultat m'a bien plus convaincu que « Lady kung-fu », contre toute logique. Premiers pas dans le genre, et déjà un bon film, même meilleur que ceux qu'il fera ensuite ! Il parvient en effet à reprendre les codes tout en imprimant fortement sa marque personnelle dans la mise en scène, dans le jeu mais aussi dans l'histoire et les thématiques abordées.

L'histoire, comme il convient, est simpliste et gentillette : Chen et sa soeur sont des artistes martials qui gagnent leur vie en faisant des représentations. Lors de leur dernier soir dans la demeure du seigneur Tuan, celui-ci leur tend un piège, convoitant la soeur et jalousant Chen : Il saoûle le combattant, l'allonge dans le lit de sa femme et fait croire à un viol. Pour sauver son frère, la jeune femme se sacrifie et s'offre comme concubine à Tuan, qui feint d'être magnanime en acceptant ce marché, mais demande que Chen ait les mains brisées afin qu'il ne puisse plus exercer son art, obtenant ainsi une double satisfaction : La jeune femme comme suivante (et future attraction du bordel qu'il possède secrètement) et un rival en moins. On retrouve le pauvre Chen quelques mois plus tard, gagnant son pain en faisant des numéros avec son singe dans le rue. Sa pauvreté l'empêche néanmoins de payer la « taxe » que prélève les voyous de la ville. Un jeune homme répondant au surnom de « petit-singe » le défend et devient petit à petit son ami. Mais ses constantes rebellion faces aux receleurs lui valent de nombreux coups et la haine farouche des voyous. Dans le même temps, Chen est agressé par les mêmes bandits qui tuent son singe pour le punir d'avoir osé se défendre, avec son kung-fu. Petit singe, ulcéré décide alors d'apprendre à se battre pour défendre son ami et libérer le quartier du joug des mafieux. Chen décide alors, sur les incessantes demandes de son jeune et facétieux ami de lui apprendre la technique du singe. L'entrainement est rude, dans la montagne : bonds dans les arbres, musculation des doigts, développement de l'agilité, repos dans les arbres, etc... Au bout de quelques temps, se sentant apte, Petit-Singe veut repartir, venger son maître et débarasser la ville des truands. Après un début prometteur, sa morgue se heurte à la maitrise technique du maitre des bandits, qui n'est autre que... Tuang ! Alors que ce dernier et ses lieutenant sont sur le point de manger sa cervelle après l'avoir capturé, (la cervelle de singe est un met très raffiné en Chine, humour un brin cruel...), La soeur de Chen, apprenant l'origine du savoir martial du prisonnier l'aide à s'échapper, le payant de sa vie... Le jeune homme revient donc voir son maître, dans la montagne, lui apprenant la condition de sa soeur et révélant le piège dans lequel ils étaient tombés quelques moins plus tôt. Décidé à se venger, Chen entraîne d'arrache pied Petit-singe, qui devient vite un combattant de très bon niveau, prennant au pied levé la relève de son maître. Les deux hommes se sentant prêts, ils attaquent la maison close. Combat, puis duel avec Tuang. Chen n'étant pas assez fort pour se venger lui même, il laisse faire son disciple qui vainc le bandit. FIN.

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Voilà donc la première kung-fu comedy de Liu Chia-liang. Et elle commence par une démarcation très habile, une mise en abîme qui nous rappelle que le principe de base n'est pas nouveau : le spectacle de Chen est en effet un divertissement à base de combats simulés : du théatre kung-fu en quelques sorte, façon habile de dévaluer « l'innovation cinématographique » apportée par J. Chan et son réalisateur. Il prend aussi par la même occasion ses distances avec le genre, montrant qu'il accepte de suivre la mode tout en gardant son identité et son regard critique. Première touche originale apportée : le type de combat et de kung-fu pratiqué : Le style du singe est en effet une technique existant réellement, mais que Liu Chia-liang a adapté et modifié spécialement pour le film, afin de la rendre plus comique, plus proche encore de la gestuelle simiesque. Alors que les autres comédies se contentaient de mettre en scène des situations de combats potentiellement comiques, ou de rendre le kung-fu classique plus drôle, en exagérant les mimiques, le réalisateur emblématique de la Shaw invente un nouvelle style, et joue avec pour le rendre en lui même drôle.
D'ailleurs en parlant du comique, vous avez pu remarquer que l'histoire en elle-même n'est pas vraiment hilarante : un complot, un homme brisé, une femme déshonorée puis tuée, un jeune homme contraint de voler pour vivre, une bande de bandits qui tyrannisent une ville entière, etc... Le comique résulte donc du décalage entre l'attitude des personnages et le tragique de la situation. Les combats par exemple sont toujours pris d'une façon très légère par les « gentils » alors qu'ils y risquent leur vie en permanence. Il s'agit donc de comique de geste plus que de répétition ou de situation, puisque comme je viens de le dire l'histoire est plutôt tragique, et que les personnages sont drôle par leurs attitudes facétieuses (espiègles comme des singes !) et pas spécialement redondantes. Parlons un peu des acteurs à présent : Si vous avez déjà lu l'article sur Lady kung-fu, pas de soucis, ce sont presque les même: Hou Hsiao tient encore le rôle du jeune disicple (Petit-Singe), Liu Chia-Liang celui du maître et Kara Hui celui de la jeune héroïne (même si ici son rôle est moindre que celui qu'elle tiendra plus tard). Leur jeu est égal à celui décrit pour le film suscité : pas mal, suffisant sans être génial, et largement « compensé » par leur talent dans les combats. Bref rien à dire de spécial, leur registre de jeu n'est pas plus large qu'auparavant, leur talent pas plus mince. L'air malicieux du jeune Hou Hsiao fait merveille dans son interprétation du jeune apprenti-singe. La belle Kara Hui l'est toujours autant.
Une dernière chose au sujet des combats : ils ne sont bien sur pas violent, et la manière de combattre des "gentils" est presque uniquement défensive ou neutralisante, ne cherchant jamais à faire mal ou à tuer. J'ai dit "gentil", car en effet comme le veux le genre, le scénario est très manichéen: d'un coté le bien, de l'autre le mal, il n'y a pas de nuance, les gens sont ainsi par nature...

Pour finir et faire court, je dirais donc que ce film m'a bien plus convaincu que Lady kung-fu, que l'envie de divertir est bien plus visible, et surtout que l'objectif est atteint avec plus de réussite, des moyens plus fins et personnels originaux On retrouve la patte magique du grand combattant, avec en plus une dose d'humour assez importante, une boxe intéressante, nouvelle et une histoire relativement bien construite. On arrive aussi à percevoir à travers ce film le regard que porte Liu Chia-Liang sur la « nouvelle vague » qui arrive, sur ce qui fait un carton au box-office. Pour ma part, et vous l'aurez sans doute compris, je préfère les bons vieux classiques, kung-fu ou wu-xia, où d'ailleurs l'humour n'est pas absent et qui propose des combats plus réalistes.
Ceci dit ce film rempli sa mission -divertir- en ajoutant même si l'on me suis dans mes extrapolations un supplément d'âme au genre. Pas du grand cinéma, mais du grand public bien fait et pas con.
Carcharoth.