Love and Honnor (Bushi no Ichibun), Yoji Yamada, 2006

Publié le par asiaphilie

Love and Honor (2006)

 

 

Avec Love and Honnor (Amour et Honneur), Yoji Yamada clôt sa trilogie du samouraï initiée quatre ans plus tôt avec le samouraï du Crépuscule et continuée avec la Servante et le samouraï. Encore une fois il s'agit d'une adaptation d'un roman de Shuhei Fujisawa ayant pour protagoniste un samouraï pauvre en proie à un dilemme entre amour, intégrité et obéissance au clan. Ici par contre la période est plus neutre, sans doute aussi l'ére Tokugawa mais non plus son extrême fin comme dans les deux précédents films. L'aspect politique est donc quasiment absent du film, ce qui le rend presque intemporel dans ce Japon féodal vieux d'un millier d'année.

 

Love and Honour-2006L'histoire est celle de Shinnojo Mimura (Takuya Kimura), jeune guerrier chargé avec quatre autres samouraï de tester la nourriture du chef du clan. Il coule une vie paisible avec Kayo, sa femme orpheline et Tokuhei un vieil aide de la famille. Un jour, évidemment le met qu'il goute est empoisonné et il manque de mourir (coquillage hors dates de péremption). A son réveil, il est aveugle. On s'en doute sa carrière de bretteur est terminé et son rêve d'ouvrir un dojo s'écroule. Il est devenu inutile, poids mort pour son clan, sa femme et sa famille. Cette dernière conseille alors à sa femme de rechercher des appuis puissants afin que son salaire soit maintenu. Elle en trouve un puissant en la personne de Toya Shimada. Mais ce dernier n'offre pas ses services gratuitement...

 

Un film de samouraï classique j'ai envie de dire, avec le topique combat entre devoir et amour, entre intégrité morale et pression sociale que ce soit du coté de l'homme comme de la femme. Monsieur est bien sur plus mis à l'honneur puisque le film est d'un réalisme saisissant. Ce qui ne peut manquer de nous faire remarquer le statut peu enviable des femmes dans cette société féodale nippone. Mimura devenu inutile songe à s'ouvrir le ventre (sepukku) afin de finir noblement sa vie de samouraï et n'être plus une charge. Mais lorsqu'il songe à sa femme qu'il aime tendrement et qui se retrouvera seule et sans moyens il décide d'affronter la vie avec courage, surtout que sa pension vient d'être confirmer par le seigneur et ce jusqu'à la fin de ces jours. Le bonheur est de courte durée puisque sa tante, une terrible bavarde, lavandière de la pire espèce lui rapporte une rumeur concernant Kayo. Bien sur cela concerne la fidélité et la moralité de l'épouse. Mimura charge alors Tokuhei de suivre sa femme, qui effectivement se rend dans une maison de thé avec Toya Shimada, un proche du seigneur. Il comprend alors que sa femme a du intercéder auprès de ce personnage pour qu'il conserve son statut. Ce qu'il ne sait pas c'est qu'elle a du se vendre sous les conseils pressants de la famille de Mimura qui ne voulait pas avoir à dépenser un centime pour lui, et qu'en plus son sacrifice a été vain puisque l'odieux Shimada n'a pas dit un mot au seigneur du clan qui est au contraire allé à l'encontre de ses conseillers pour maintenir le salaire du samouraï qui lui a sauvé la vie. Si sa colère le pousse à répudier Kayo (qui de toutes façons mourait de honte), son honneur le pousse aussi à venger la trahison du haut fonctionnaire envers son épouse. Et ce même s'il est aveugle et que l'homme a été l'élève des meilleurs dojos et passe pour être l'un des plus terribles bretteurs du clan.

 

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Pour la conclusion de sa trilogie, Yamada a fait confiance à deux jeunes acteurs : Rei Dan, qui interprête Kayo est une débutante complète et Kimura alias l'homme le plus sexy du Japon est une pop star, chanteur du groupe Smap. Il a joué dans quelques séries et un petit rôle dans le film de Wong Kar Wai 2046. Un pari osé et une réussite complète, les deux sont très convaincants sans doute grâce à la direction du cinéaste très expérimenté qui a su orienter leur fougue. La musique d'Isao Tomita est parfaite et on la remarque bien plus que dans les deux précédents films de la trilogie où elle manquait un peu. On retrouve par contre cet aspect très réaliste commun à tous les métrages, ce regard presque anthropologique, documentaire sur la vie des samouraïs de bas étage, sur les mœurs, les us, les règles du clan, la façon de penser particulière à cette époque, l'importance de l'honneur et de la réputation. Les combats aussisont marqués du sceau de ce réalisme. Leur rareté et leur brièveté le prouve bien. Pas d'affrontement à la Zatoichi ici, un aveugle n'y voit rien et il combat difficilement, et un duel fait peur aux combattants. On y retrouve aussi cette « simplicité qui ne s'acquiert qu'à grand prix » (pour paraphraser Ozu), cette mise en scène d'une sobriété et d'un minimalisme exemplaire, qui semble naturelle et tout ce qu'il y a de plus facile à faire mais qui si on y fait plus attention se révèle être le fruit d'une minutieux travail, d'une maitrise extrême. Se dégage encore la sérénité et le calme du samouraï du crépuscule et de la Servante et le Samouraï, cet amour de la douceur de vivre, des petites choses simples qui font le bonheur, cet humour léger, discret mais toujours présent, cette peinture d'une société à la manière des dessinateurs d'estampes, par touches colorés avec un trait fin et net.

 

love and honor-separationL'amour du mari et de la femme, malgré tout ce qui peut les séparer est dans le film opposé à l'égoïsme de la famille de Mimura, bien pensante, BCBG aurait-on envie de dire, à cheval sur les belles valeurs, bien habillés mais pourris à l'intérieur, tout comme le chef du protocole, Shimada qui promet à la jeune Kayo d'intercéder pour son mari auprès du seigneur mais n'en fait rien, la violant quasiment et la faisant chanter pour des clopinettes. Car c'est elle et son amour que Mimura va venger en risquant sa vie qui de toutes façons ne vaut plus grand chose depuis qu'il est seul... En faisant cela il respecte aussi le bushido, son code d'honneur suprême.

 

Yoji Yamada se définit lui même comme un faiseur de nouilles, qui donc aime autant la quantité que la qualité (référence à la série Tora-san pour laquelle il détient le record mondial de durée : 28 ans). Sans doute est ce la un effet de son humilité, car cette nouille ci est délicieuse, ciselé, goutue, raffinée, sobre et diablement belle... On peut de plus admirer pour l'anecdote le grand Ken Ogata dans un de ses derniers rôles puisqu'il joue le maître d'arme de Mimura qui lui donne la clef de la victoire : « Be resolved you will both die. In that lies victory. Life lies in resolve for death. » Accepter la mort pour mieux vivre. Voilà qui ressemblerez au Hagakure dont vous avez entendu parlé si vous avez vu le film de Jarmush, Ghost Dog.

 

Notons aussi au passage que le film a connu un très beau succès au box office japonais, restant plusieurs mois à l'affiche et réalisant le plus beau score de l'année pour la Shochiku.

 

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Carcharoth

 

 

Trailer:

 

Publié dans Japon

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