Kundun, biopic du Dalaï-lama.

Publié le par Nostalgic-du-cool

Kundun, Martin Scorsese, 1997, USA.




 J’avais parlé d’un second film sur le même thème lors de mon article sur Samsara (Pan Nalin), et bien le voici. Vous n’en croyez pas vos yeux, j’entend d’ici les frottements de vos paupières ébahies, et bien si, c’est bien un film américain, qui plus est de martin Scorcese (voila qui va faire plaisir à un blogueur bien particulier !). Ainsi, après une première incartade Clinteaswoodienne, nous récidivons avec un autre long métrage étranger au risque de choquer notre lectorat ! Oui, mais Asiaphilie c’est aussi ça, des choix éditoriaux (oué on parle d’édition puisque ce sont de grands articles qui bientôt seront publiés sur 20 minutes. D’autres passent au Masque, ben nous on tape plus haut et spirituel !) osés et difficiles à assumer mais qui font avancer le monde (tout court et du cinéma).

C’est ainsi que j’abordais la séance DVD que m’a offerte le nouvel Obs (oui j’avoue je l’ai acheté juste pour le dvd et pour lire des conneries en attendant un train…). Le film début, premier dialogue, et la première déception : c’est de l’anglais !


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 Maintenant que vous êtes prévenus, un petit résumé : Le 6 Juillet 1935 naissait à Taktser dans l’Admo (prêt de la frontière chinoise) un petit garçon nommé Lahmo. Suite aux visions du régent Reting Rinpoché, il est emmené à Lhassa, reconnu comme réincarnation du XIIIème Dalaï-lama et élevé pour prendre la succession spirituelle et temporaire du défunt. Son enfance se passe plus ou mois normalement, Reting qui accaparait un peu trop le pouvoir est chassé du pouvoir et meurt peu de temps après en prison pendant que la Chine, toujours en guerre avec elle-même voit les communistes gagner du terrain. Tout autour des montagnes tibétaines la guerre mondiale fait rage, puis la guerre froide s’installe. Et en 1949, Mao s’installe à Pékin, chassant Tchang Kai Chek à Taiwan. Entre 1950 et 1951, la Chine populaire, dans le cadre de sa politique de « normalisation » des minorités et de leur intégration au grand bloc populaire des Han annexe politiquement puis militairement le Tibet. La mise en place de réformes drastiques ne tarde pas. Il faut dire que le régime des deux pays est diamétralement opposé : Théocratie aristocratique face à un régime socialiste à forte tendance hégémonique sur ce qu’il considère comme son « territoire historique ». Rappelons en effet, même si ce n’est pas aussi important qu’a voulu le faire croire la propagande chinoise que la majorité des tibétains était composée de des serfs ou de petits paysans au service des grands nobles et des moines qui dirigeaient le pays de Lhassa. D’où l’argument Chinois « nous allons vous civiliser et libérer le peuple ». Mais mis à part quelques utopistes rebelles et le pc tibétain, personne n’y a vraiment cru surtout après que les premiers massacres aient eu lieu. Bref nous disions donc révoltes, surtout celle de 1959, dans la capitale même qui oblige le dalaï lama, sentant sa vie menacé par les autorités chinoises (qui auraient pu s’en servir comme otage… Ou l’éliminer en temps que force réactionnaire du pays) à fuir vers l’Inde. Il y fonde la même année le gouvernement tibétain en exil, basé lui sur des institutions démocratiques. Le film raconte, du point de vue de Tenzin Gyatso, cette période de l’histoire du pays.


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 Basé sur la biographie (adaptée par Melissa Mathison (ET, Le parrain II, Apocalyspe now)) du Dalaï lama en personne, qui est venu sur le tournage répandre conseil et rectification, ce film dévoile une nouvelle facette de la personnalité de Scorsese que l’on connaissait plus pour des films comme Taxi Driver ou Casino, pas vraiment sur la voix de la paix prônée par le chef tibétain. D’ailleurs on voit qu’il a gardé les réflexes hollywoodiens : tournage en anglais, sur les plateaux du Maroc proches des studios de Ouarzazate (contrairement à Samsara par exemple, tourné sur les lieux même de l’action supposée avec population locales pour presque tous les acteurs), avec tout de même figurants intégralement tibétains, même ceux jouant les envahisseurs chinois ! Les décors, notamment ceux de Lhassa et du Potala ont été reconstitués avec l’aide du Dalaï-lama en personne et de ses souvenirs. C’est d’ailleurs ce que cherchait à faire Scorsese : un film sur cette partie de l’histoire à travers les yeux et la mémoire d’un enfant appelé à diriger tout un peuple. En voyant, dans les bonus, un temple tibétain entre deux forteresses arabes, on est un peu surpris, mais Scorsese s’est donner les moyens de réaliser un grand film, réaliste tout en conservant un cadre de travail très conventionnel et pratique.


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 Je parlais de thèmes communs entre Samsara et Kundun, il y en a en fait très peu dès qu’on creuse un peu, le seul qui résiste étant le bouddhisme et les moines. Kundun s’est en effet centré sur l’image bien plus populaire du Dalai-lama, de l’invasion du Tibet et de sa fuite en Inde. Fuite qui n’est pas sans rappeler -en inversé-, dans les images utilisés l’épisode de Moïse quittant l’Egypte avec son peuple. Ici le Dalaï lama ne fuit qu’a contre cœur et quitte la terre sacrée au lieu d’y arriver. Je ne vais pas en écrire des tonnes sur ce film : les acteurs sont bons, tibétains d’origine ils y mettent toujours leurs tripes et leur envie, Scorsese est un grand réalisateur, on le savait, et avec ce film il va rejoindre Richard Gere et Steven Seagal dans le gratin US soutenant la cause tibétaine, et puis il offre un biopic comme on dit de nos jours de toute beauté, très bien structuré, réaliste, même si on peut regretter que les dates ne soient pas correctes, que le film ait été tourné sur les plateaux de l’Atlas et en anglais… Et puis il permet aussi, en écho aux évènements actuels de décrire l’origine du mouvement de colonisation culturelle, économique et démographique que subit le Tibet et sa population. Et, en extrapolant un brin, il faut aussi saisir cette occasion pour rappeler les situations de même nature sur un peu toutes les frontières occidentales de la Chine dont les populations subissent, à des degrés divers une invasion semblable mais bien moins médiatique. Mongol, Turkmènes, Kirghizes, etc.. ne sont pas exempts de « l’effort civilisateur » de la Chine ex-maoïste.


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 Ainsi, il est horriblement déprimant de voir le passage cynique sous Mao puis Deng Xiaoping et consort d’un discours civilisateur et progressiste à des actes coloniaux soutenus par le seul discours du « c’est à nous, mêlez vous de ce qui vous regarde ». Enfin, c’est une insulte permanente à l’ONU et à l’ensemble des pays qui luttent soi disant pour la démocratie et la liberté dans le monde que d’avoir et de refuser encore à ce peuple une intervention armée, économique ou diplomatique, et même symbolique (boycott des JO actuellement, mais les occasions ont été nombreuses). Et encore, pour continuer avec la touche optimiste du moment, ce ne sont, avec les cas de Betancourt et du Darfour, que les arbrisseaux qui cachent la forêt qui devrait faire vibrer notre fibre interventionniste à chaque instant. Mais je sais bien qu’aller rétablir la démocratie (et faire tourner Lockheed inc. Et satisfaire la NRA d’un ex Moïse) dans un pays pauvre, musulman et terroriste est bien plus facile que de demander à Ju Jin Tao d’arrêter ses sbires et sa colonisation, d’autant que lui peut bloquer l’ONU et arrêter de financer le double déficit des USA, qui sont (ou seront) tenus par les couilles. Et comme l’empire Chinois ne fait que commencer, je souhaite bon courage à Kundun (un des noms générique du dalaï lama) et à ses concitoyens, qui devrait retrouver leur pays à peu près aussi vite que le peuple de Moïse.


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 Alors profitons bien des JO, des pubs et des retombés financiers, faudrait surtout pas priver nos athlètes de l’air pur de Pékin ou de 3 médailles qu’ils vont réussir à gagner. Et puis qui a envie de lever le petit doigt pour un peuple improductif comme ces moines, alors que les chinois, eux, exploitent le pétrole, le gaz et les ressources minières des montagnes !

 

Hum bref je me suis emballé, tout ça pour dire que ce film est très intéressant, il plaira aux soixante-huitards qui reverront Mao discuter avec le chef spirituel du Tibet et lui asséner un très étrange « la religion est l’opium du peuple », alors que lui-même instaure le culte de sa propre personne ; que c’est aussi un biopic comme on aimerait en voir plus, sur une personnalité vraiment marquante et issu d’une histoire très particulière (enlevé à sa famille à quelques années et éduqué dans l’unique but de diriger un jour le pays). Bref un bon film, un peu moins beau visuellement que Samsara mais d’un genre en fait très différent.


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A savoir: Scorsese ainsi que toute l'équipe du film n'ont depuis la sortie du film plus le droit de poser le pied sur le territoire chinois.



Carcharoth.

 



Publié dans Films

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