Izo, Miike au bout de lui même.

Publié le par Nostalgic-du-cool

Izo, Takashi Miike, Japon, 2004.


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Izooooooooooo !
Izo, un film qui touche toute les sensibilités, et éclaire le cinéma.


 Izo, film de compensation pour Miike, est le plus extrème, le plus auteursiant de ses films qu’il m’ait été donné de voir. Réalisé après la frustration de s’être vu ôter des mains le projet Zatoïchi, Izo prend comme point de départ la fin d’un autre film de légende, sortit récemment en dvd (après 30 ans d’invisibilité !), Hitokiri.

 Izo Okada est un ronîn, engagé par un anti-shogun, Takeuchi Hanpeita. Pour avoir osé se soulever, il est crucifié et tué en 1865. Mû par une rage immortelle et une folie destructrice, il renaît de ses cendres et parcours le temps à la recherche de ses bourreaux, tuant tout sur son passage, en arrivant même à défier les divinités et leurs représentants sur terres, gouvernement, armée, etc…


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 Scénarisé par Shinegori Takechi, qui écrit souvent pour Miike, Izo est ultraviolent, métaphysique et hermétique. A déconseillé totalement aux néophytes en matière Miikienne (s'ils veulent le découvrir. Lui préférer Bird people in China ou Dead or Alive) et à ceux qui ne l'aimait déjà pas. Long (128 minutes), il les goinfrerait d’incompréhension, répétitif, il les ennuierait, violent il les dégouterait, amoral il les écoeurerait. Pour les fans, c’est un régal. Si le projet est à la base un Jidai-Geki classique, genre que souhaitait aborder Miike depuis longtemps, les tics et thèmes de prédilection du réalisateur reviennent à la charge, pour occuper totalement l’écran et être pousser à un point extrème, dans un puissant crescendo ultra-sanglant.

 Izo est extrèmement dense, extrèmement compliqué et presque incompréhensible. Il fait penser à bien des films, à bien des auteurs et laisse le spectateur bouche bée à la fin du générique, sans qu’on ait pu décrocher les yeux de l’écran de peur de rater quelque chose.

Que ce soit Dead or Alive, Zebraman, Gozu, Versus, Matrix ou quelques autres, Miike montre bien qu’il a pioché ça est la dans ses films et ceux des autres pour créer à nouveau quelque chose de neuf, d’inventif. Nous reviendrons sur les évoquations plus tard…


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Izo est avant tout un film de vengeance, à coté duquel Kill Bill fait office de film pour catéchumène. Izo est un carnage, une tuerie incontrolée, proche de Versus quant à l’apparence, une longue suite de combats de 2h. Et pourtant, derrière cette première approche qui en dégoutera plus d’un, se cache un petit bijou de réflexion et un film somme toute plus réfléchi que la moitié des pudibonderies scandinaves tant appréciées à Cannes. Izo parle de violence, de mort, mais aussi de repentance, de naissance, d’évolution, de dieu, du pouvoir, de la vie, de l’Humain. Ça fait beaucoup pour un seul film ? Non, c’est du Miike ! Un Miike que j’ai déjà qualifié d’hermétique, d’incompréhensible ou au moins de difficile d’accès. Il faut avoir le cœur bien accroché et le cerveau ouvert pour apprécier ce film. Il faut le voir jusqu’au bout pour en sortir changé.

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  Izo est un le héros du film, mais l’anti-héros de son histoire. Il est le mal personnifié, le démon, le demi-mort, la personnification de l’absurdité de la vie, l’imperfection qui permet la perfection de l’homme. Il est le cataclysme qui permet l’évolution du genre humain, qui doit peu à peu s’améliorer jusqu'à atteindre un statut quasi-divin. On dirait presque du Nietzsche… Pourtant Izo est bien loin d’être un surhomme, à défaut d’être une preuve de l’Eternel retour (puisqu’il ne cesse de se réincarner, du moins d’apparaître, dans toutes les époques, y répétant la même danse macabre). Izo était un homme, il devient petit à petit quelque chose d’autre, car la violence et le meutre, bien loin de le soulager, le détruisent à chaque fois un peu plus, le font souffrir, l’entraînant un peu plus à chaque fois vers un autre meurtre, vers le sommet de la pyramide de ses crimes, vers le Gouvernenemt. La somme de ses réincarnations ne serait-elle pas le lot de tous les hommes, dans la philosophie bouddhiste ? Les échecs, très nombreux, se succèdent et doivent ne se terminer qu’en dépassant la vie, en atteignant le nirvana, par délà la souffrance et la mort. Loin d’atteindre cela, Izo disparaît face à celui qui semble être le grand archistecte, le seul qui ne lui répond pas, qui ne l’attaque pas et par conséquent le détruit, le renvoyant à sa scène primordiale, sa crucifiction. Cet homme, un heune éphèbe avec un serpent comme écharpe (rappellons que le serpent n’a dans les culture asiatique aucun rapport avec un quelconque pêché, mais symbolise au contraire la sagesse), siège à la table de ceux qui s’appellent entre eux les ministres ou l’aristocratie. Ils disent avoir dirigé le monde depuis que l’homme existe, et sont affolés par l’apparition d’Izo, qu’ils connaissent tous instinctivement et dont ils ont peur comme de l’apocalypse. De fait, il signifie pour eux la mort.


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 Izo est aussi la part d’irrationel, de désordre et d’absurde qui maintient l’équilibre, ce en quoi il est nécessaire à la perfection du monde. Un peu comme Néo, il est cette variable incontrôlable mais néanmoins prévisible qui rend le système parfait, mais aussi, et c’est moins rose, qui tend à le voir se reproduire indéfiniment. On voit ainsi Izo, après avoir tué les « Ministres » pour prendre leur place en tant que Dieux, se retrouver dans un anneau de Moebius, un symbole de l’infini, tournant en rond sur ce signe (∞), comme l’homme et sa vanité ne sortent jamais du cycle de leurs désirs… Il finit néanmoins par s’arrêter, et tranche l’anneau, rompant le cercle vicieux et atteignant par la même la demeure de la divinité, et son passé.


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Izo, au cours de ses hécatombes aura aussi touché à la maternité, à la feminité et à l’amour. Il se sera retrouvé face à sa mère, qu’il tue, peut être pour se tuer un peu lui-même, face à La Mère, à qui il fait sauvagement l’amour, et enfin face à son alter égo, son âme sœur qui tentera de le ramener vers l’humanité, sans succés. Sa violence, son entêtement involontaire en celle-ci ne sont en fait pour Miike qu’une façon d’exprimer la manière de faire de l’homme, qui se construit dans des bains de sang, qui écrit l’histoire avec. Les scènes d’archives, intercallées au milieu des combats le montre : Hitler, bombes atomiques, Staline, bombardements, sol jonché de corps sans vie, ces images en noir et blanc reflètent une partie de l’histoire, meurtrière, personnifiée par Izo.


Le film s'attaque aussi au système éducatif nippon, particulièrement à l'idée de nation véhiculée par celui-ci. Lorsque izo atterit dans une école, qu'il y massacre quelques classes, on a ainsi l'occasion d'assister à une séance assez surréaliste au cours de laquelle l'institutrice interroge ses élèves sur ces thèmes (nation, ...), auxquels ils répondent par une vision très inhabituelle, proche de l'anarchisme, en tous cas en décalage total avec ce qu'on peut voir aujourd'hui dans les manuels d'histoire ou d'éducation civique habituellement. La jeune institutrice sort ensuite de sa classe, enjambant les cadavres sans gène, passant devant un Izo couvert de sang d'une façon très désinvolte, normale. Voila peut être la leçon du film, donnée par ces quelques enfants, sur l'idée de nation et l'illusion qu'elle constitue, uniquement destinée à dresser les peuples (prolétaires aurais-je envie de dire) les uns contre les autres afin d'éviter qu'ils ne s'intéressent à d'autres problèmes, que craignent les Gouvernant. Après Nietzsche, voici Marx.


Mais Izo ce n’est pas que ça, ce n’est pas que mort et destruction, pas qu’éternel retour et volonté de puissance, c’est aussi une note d’espoir. A la manière d’un Tsukamoto, qui filme des minables, des faibles, des ratés et les fait souffrir pour les éveiller, qui critique pour mieux montrer la solution, Miike ouvre une porte, fait sonner une note d’espoir à la fin de son film, montrant la (re)naissance d’Izo (à la Gozu ou presque, il nait bébé et grandit en l’espace d’une seconde.), illustrée par cette phrase : « At dusk, every body becomes like that :

Becomes one of the birds and spits up.

Instead of your hometown, you get a brand-new piece of a sky.

People in your hometown are the mother.

The name of the disease is the singer.

The doctor is the audience.

The nurse is the poet.”


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 Le film est noir, mais sa fin est lumineuse, et place définitivement ce film comme expérimental, destiné à faire réagir le spectateur : « You… How did you live your life and what did you see ? ». Miike, pourtant coutumier de la démarche, ne s’était peut être jamais lancé aussi avant à l’intérieur de celle-ci. Ce film est extrémiste, par la violence visuelle et « l’attaque » qu’il représente envers le spectateur. Il plonge sans détour dans l’arrière cerveau de l’homme, dans ses tréfonds les plus sombres et gluants, il ouvre les cachots ou nous enfermons nos démons et nos pulsions, les explore de fond en comble, n’oubliant rien, mais avec des yeux humains, un regard profondément humaniste.

 Et puis ce film presque expérimental est l’occasion de voir Kitano filmé par Miike, puisque Beat Takeshi joue le premier ministre du Gouvernement que détruit Izo. Ce dernier est interprété par un acteur confirmé mais jusqu’alors cantonné aux petits rôles. Ce qui n’est pas le cas de Kaori Momoi, de Ryuhei Matsuda, Renji Ishibashi et quelque sautres habitués des castings de Miike. On voit aussi à l’écran le compositeur (Kiji Endo) de la musique du film, qui rythme les scènes ultraviolentes par des intermèdes à la guitare sèche-voix rocailleuse, un peu âpre, très proche du folk de Bob Dylan, ce son colle à merveille à la photo du film et à son ton. Et puis ça crée des instants de repos entre les périodes folie destructrice d’Izo.

 Bref ce film est une pépite, une pierre brute, aussi opaque qu’un bloc de granit, mais dont la portée brille autant que le diamant qu’on peut trouver dans sa gange, recommandé aux esprits ouverts, curieux, aimant le cinéma sous toutes ses formes, désireux de voir une expérience, une exploration et ne cherchant pas à tout prix un divertissement.

 

PS : Voila en tous cas un article qui m'aura donné bien du fil à retordre. Difficile à appréhender, le film l'est encore plus à synthétiser, à définir, à critiquer. Donner aux autres envie de le voir est aussi compliqué, car il faut éviter d'y jeter ceux pour qui la violence est rédhibitoire, ceux qui seraient déjà énervé par Miike et ses idées, sa réalisation. Ce film n'est pas grand public, et pourtant il est excellent, aboutit et sans concessions. Il constitue l'antidote parfaità un certain cinéma français, de festival, centré sur lui même, sur la famille, sur les relations parents-enfants, gentil, pas commercial et très loin de l'expérimental ou du film d'auteur, bien pensant et mou du bide. Aussi je le conseille à tous. Que vous l'aimiez ou pas, il restera comme une expérience, comme quelquechose qui vous marquera, qui laissera une trace indéfinissable dans votre parcours cinématographique. C'est un mérite qu'on ne peut lui nier. Alors osez !

Re PS: désolé pour le jeu de mot du sous-titre (Izo>>ISO...).


La fiche Imdb

Article d’Eric Dinkian. (Sisi, vous savez, le réalisateur de Kaojikara. Heureux hasard, il a écrit une bonne chronique sur ce film !)

Un autre article en anglais.

D'autres films de Miike sur le blog : DOA I, II, III, Gozu, Bird people in china, Ichi the killer, Black society trilogy (1, 2, 3), Fudoh, Happiness of the Katakuris.


 Carcharoth.



Publié dans Japon

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C
Ah tu vois que finalement je n'ai pas réussis à transmettre ce que je voulais. Je ne voulais pas dire que ce film était réservé aux connaisseurs et admirateurs de Miike, simplement que connaitre son univers et sa folie était une préparation intéressante pour aborder le film. Mais une fois qu'on est prévenu, si on n'est pas révulsé par la violence et qu'on est attiré par une expérience nouvelle, ce film passe très bien. Je modifierais l'article en ce sens...
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D
Eh bien tu l'as pondu ton article, et sans nuit de répit pour trouver tes mots et calmer ton esprit en plus. T'as même réussi à faire sentir combien le film t'a retourné, ce qui en plus du mot "métaphysique" que tu as dis plusieurs fois ici et ailleurs, donne envie... Mais comme tu écris qu'il est reservé aux bons admirateurs de Miike; quand on a vu que Visitor Q de lui c'est peut-être un peu juste, même si jl'avais quand même bien aimé ce film.
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