A family, de Lee Jung Chul.

Publié le par Nostalgic-du-cool

 

 

A Family / Gajok, Corée, 2004. Sélectionné au festival du film asiatique de Deauville en 2005.

 

Après Springtime et Foul King, il était temps pour moi de revoir un vrai film coréen. Vrai, je veux dire qui finit bien. Hum. Sans ironie aucune cette fois, je voulais dire avec une histoire dure, sombre, et une fin d’une gaieté toute kafkaïenne (comme dirait notre amie du « Vieux Jardin »). Et bien A family est la pour ça. J’avais presque oubliais ce qui faisait tout le charme de ce cinéma et tout son style, je m’étais habitué à la joie et aux rires, mais voila que ce film vient me rappeler la joie de vivre du petit peuple coréen, et notamment des taulards et ex taulards. A family, titre simple et juste, qui permet vite de comprendre le sujet principal, contrairement au synopsis du dvd qui est lui plus que discutable (on est habitué…), à savoir la vie d’une famille…

 

 Lorsque Jeongeun sort de prison, après trois ans de détention, elle commence par essayer de trouver un travail. Grâce à l’aide de la ville, elle est embauchée chez une coiffeuse, qui ne l’intègre pas vraiment à son commerce et se moque d’elle, de son travail, du fait qu’elle viennent ou pas… Réintégration plus que superficielle donc ! Elle profite ensuite de son après midi pour retrouver sa famille, et surtout son petit frère, à qui l’on a fait croire que sa grande sœur était parti étudier aux Japon… Il lui apprend à jouer à un jeu de foot, lui montre ses talents de dribbleur et passe ainsi l’après midi à se raconter leurs vies respectives, jusqu’au retour du père, qui se montre plus que froid à l’égards de sa fille. Très vite on apprend que la mère est morte, que la jeune fille a fait de la prison à cause de plusieurs casses. Le père semble en vouloir beaucoup à sa fille, à la limite du reniement. Il souhaite la voir partir le plus vite possible. Elle, pourtant, se montre plus attachée qu’on ne pourrait le croire à sa famille, surtout son frère, mais aussi son père, qui reste néanmoins assez fermé bien qu’on décèle en arrière fond les reste d’un amour paternel encore bien présent.

Mais ce semblant de bonheur, cette vie tranquille ne peuvent pas durer pour Jeongeun que son passé finit par rattraper, comme on pouvait s’y attendre. Son ancien petit ami et chef de la bande à laquelle elle appartenait avant de se faire pincer la retrouve (ou plutôt c’est elle qui va le trouver pour lui demander de l’argent en échange du silence qu’elle a gardé pendant trois ans en prison) et la somme (en l’assommant d’ailleurs…) de restituer l’argent qu’elle aurait volée au gang avant de fuir. Argent qu’elle semble bien avoir subtiliser dans le but de réintégrer la vie légale en ouvrant un salon de coiffure, ayant été depuis le plus jeune age attiré par la taille des cheveux (ce détail a son importance par la suite). Devant la pression du malfrat, un bras de fer s’engage entre lui et Jeongeun, mais aussi entre cette dernière et son père, qui entend protéger son fils et son honneur, sa respectabilité d’ancien policier. Tandis qu’elle tente de trouver une solution financière entre préservation de son capital et protection de sa famille, elle découvre une des raisons de l’humeur maussade de son père : il est gravement malade, condamné même s’il ne trouve pas un donneur pour une greffe de moelle osseuse. Le même médecin, ami de longue date de la famille (et qui a vu mourir à petit feu la mère de la jeune fille, mort qui est en partie responsable de l’opposition père/fille, cette dernière croyant son père fortement responsable de ce décés) révèle à la Jeongeun que si son père a du quitter la police, son gagne pain et sa raison de vivre, c’est à cause d’elle. Petite elle a en effet laisser tomber une paire de ciseau (alors qu’elle voulait s’entrainer à couper les cheveux !) sur le visage de son père… Qui ne lui a jamais rien dit, suite aux dernières volontés de la mourante, qui ne voulait pas voir sa fille accablée par le remord… cet aveu, tardif, permet aux deux êtres de se retrouver et de se réconcilier, puisque dans le même temps le père a payé le mafieux pour sa fille et a mis son orgueil de coté pour supplier le mafieux de laisser sa famille tranquille. Il est même aller jusqu'à risquer des coups pour protéger sa fille, dont on se rend qu’il l’aime énormément malgré son apparence et ses manières bourrues (peut être a-t-il du mal à incarner à la fois l’autorité paternelle, policière même et le coté protecteur, tendre que lui a légué sa femme…). On retrouve donc le père et la fille unis pour la fin du film, unis dans l’adversité de la maladie (la fille n’est pas compatible et les mois sont dorénavant comptés, avec leurs lots de misère : cheveux qui tombent, faiblesse, etc…) et de la vie.

La fille se voit en effet proposer une porte de sortie à cet enfer que lui fait vivre son ancien compagnon : son second, exaspéré par sa violence et sa mégalomanie a décidé de lui succéder dans le sang. Il faut juste qu’il trouve quelqu’un pour donner le coup de couteau. Il propose à Jeongeun de lui rendre ce service en échange de son « ardoise ».

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La fin est plus que coréenne (voir la définition donnée en début d’article) puisque après de nombreuses tergiversations, d’hésitations, la fille décide d’y aller et de mettre ainsi à l’abri sa famille, malgré les risques de prison à vie. Mais en arrivant sur le lieu, elle lâche son couteau, et s’enfuit, horrifiée… Après un bref retour dans le temps, on voit la même scène avec le père, qui lui franchit le seuil, fait valser la table d’une main et de l’autre tente de suriner le mafieux, alors que celui-ci fait de même. Bien sur, ce dernier, plus jeune, rapide et vigoureux l’atteint au ventre plusieurs fois alors qu’il n’est que blessé. Entre alors son acolyte transfuge, qui le poignarde pour de bon cette fois avec l’aide de ses sbires, laissant tout de même sur le carreau le père de la jeune fille, sacrifié.

 

**

 

Voila, comme vous pouvez vous en rendre compte, la gaieté ne transpire pas, ne suinte pas, on ne ressort pas du film emplie de joie, béat ou transporté, sur un nuage… Mais plutôt en larme ou plus modestement triste, choqué, interloqué… Mon dico de synonyme est en panne, donc j’arrête avec les qualificatifs, mais si mon résumé est ne serait ce qu’un peu réussit, vous avez pu saisir ce que je veux dire…

L’ambiance est soutenue par une très bonne musique, simple mais efficace et qui souligne bien l’atmosphère de l’œuvre, les émotions ressenties par les différents personnages.

Sans être un film au scénario révolutionnaire, novateur ou original, celui-ci est bon, pas trop entendu, on ne s’ennuie pas, les personnages sont réalistes, le symbolisme et l’usage d’image forte pas trop appuyé (la scène ou la fille coupe la barbe à son père par exemple sonne juste, alors que montrée d’une autre façon et à un autre moment du film cela aurait pu vraiment faire cliché). L’histoire est simple, le film aussi, sans difficulté d’accés il arrive à toucher à des sujets profonds et universels comme la famille, la prison, l’amour filial ou paternel, la réinsertion, la mort d’un être cher, etc… Il dévoile aussi un aspect de la société sud-Coréenne que n’ont pas l’habitude de mettre en lumière les longs métrages, à savoir les femmes dans le banditisme et les difficultés que cela implique en plus. « Un homme mafieux, passe, mais une femme non » Voila ce que l’on pourrait croire entendre dans cette société.

Le tout est servi par un groupe d’acteur talentueux. Si Soo Ae a reçu le prix d’interprétation féminine à Deauville, les autres acteurs le méritaient tout (et tous) autant. En effet comment résister au sourire et aux rires du jeune Jin Bin Park, ou ne pas trembler des menaces de Hie Sun Park ? (J’exagère un peu mais à peine…). Et comment ne pas être émus par l’être tendre et attentionné que cache sous sa coquille d’ancien flic Hyeon Ju ?

 

Lee Jung Chul (ou Cheol selon les normes de traduction) réussit donc parfaitement son premier film (« une perle » diront même les éditeurs du DVD, Kubik) et signe une œuvre touchante, intéressante, sans beaucoup de prétentions mais efficace et admirablement servie par un bon casting. Ce portrait de famille est rafraichissant, puissant et sensible.

 

Carcharoth



Publié dans Corée

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