La cité interdite, Fresque somptueuse.

Publié le par Nostalgic-du-cool

            Actualité oblige, voici un article sur le nouveau film de Zhang Yimou, le film le plus cher de toute l'histoire du cinéma chinois, et sans doute un de ceux qui va attirer le plus de monde en France (printemps du cinéma + promo). En fait, je crée juste l'article pour signaler à la cantonade qu'il y aura ici les deux avis de Carcharoth et de Nostalgic du Cool. Les textes ont été posté presque simultanéments...

 

La cité interdite, l’avis tranché de Carcharoth.

 

 

 

                           Pour illustrer d’emblée mon propos, je citerais cette phrase : « un grand pouvoir implique de grandes responsabilités » Je n’ose évoquer les films dans lesquels elle a pu être utilisé, toujours est il qu’ici, elle tombe à pic pour commencer mon argumentation en deux points. Vous venez de lire le premier, résumé à cette citation. Le second tient en un chiffre. 45 000 000 de $. Budget de « la cité interdite ». Voila le « grand pouvoir » du dicton. La responsabilité ? Faire un chef d’œuvre. Oui, faire un chef d’œuvre. Au plus gros budget du cinéma chinois DOIT correspondre un de ses plus grands films. Hélas, Ô combien hélas, le cinéma n’est pas une science exacte : L’équation « Qualité du film = budget + acteurs » ne fonctionne pas. Et les 45 millions de dollars du film partent en pots de fleurs.

 

 

                         Voila, l’introduction est faite, et vous comprenez dès maintenant de quoi il en retourne. Plus grand est le budget, plus haute sera la chute. Zhang Yimou, qui s’est fait connaître par des films plus intimistes comme le Sorgho rouge (déjà avec Gong Li, qui fut autrefois sa muse…, ou plutôt dont il a été le Pygmalion) avant de s’essayer au Wu Xia avec  « Hero » et « Le secret des poignards volants » (Bien sur il y a bien d’autres films entre ces deux la, et j’ai plus que résumé cette période). Dans le premier cité (Hero), l’intrigue est bien ficelé, et la découverte de l’intrigue est à rebrousse temps : on commence à la fin, et le héro raconte la genèse de la situation présente : nombreux combats, couleurs magnifiques, figurants très nombreux et acteurs connus ont fait la réussite de cette œuvre. Réussite hollywoodienne ont dit certain, réussite de l’esthétisme à tout prix et d’une histoire à l’eau de rose pour d’autres, occidentalisation à outrance pour les derniers de ses détracteurs. On ne pouvait cependant pas reprocher au film de ne pas réussir son pari : Lier, comme dans la plupart des wu xia, histoire d’amour (et Histoire), trahison, et complot autour de l’empereur. Dans la veine de la Shaw, Yimou mettait au service de ce genre des moyens colossaux.    

 

          citeinterdite      Dans ce dernier film, ce qui frappe en premier ce sont les décors : reproduction de la Cité Interdite, costumes énormes, finement décorés, travaillés à la main ; intérieurs des bâtiments très baroques, surchargés de fioritures, colorés, dorés, immenses ; figurants par milliers, armées immenses habillées d’armures somptueuses, armes de guerre, etc… Pour finir avec les acteurs, Zhang Yimou aligne Gong Li, Chow Yun-fat, Chou Jay, Liu Ye et Quin Junjie : On imagine sans peine la hauteur des cachets. Voila ou sont passés les 45 millions. Un endroit où on aurait aimé que Yimou investisse plus : Les combats. Ce film n’est pas un Wu Xia : 2 scènes de bataille en 2 heures, dont une entre l’empereur et son fils, très courte et mal filmé, c’est peu. C’est bien trop peu. Le spectateur lambda (en tous cas moi) s’attend à voir un film avec pléthore de bataille et moult rebondissements. Il n’en est rien. C’est un film d’intrigue ou la fin est annoncée dès le début par l’Empereur : « Rien de ce que je ne donne pas ne peux être pris par la force ». Pour clore ce petit paragraphe, ce que j’ai trouvé de plus déroutant, c’est le fait que la Chine est vraiment décrite comme un occidental pourrait se l’imaginer : un palais somptueux, avec des tas de larbins, une reine victime de sa condition, enfermé dans sa prison dorée, un empereur tout puissant, des fils héritiers désunis et surtout des serviteurs plus nombreux que les grains de riz de l’empire et bien mieux organisé que des fourmis (scène des pots de fleur : d’ailleurs le titre original est, il me semble : « la course des fleurs d’or »).

 

                  Une parfaite illustration du soi disant immobilisme de l’empire du milieu. En parlant d’immobilisme, le sous titre en France est « Une reine qui a changé l’histoire » : Je ne vois toujours pas en quoi, dans ce film, la reine fait bouger quoique ce soit : sa révolte est réprimée en l’espace de quelques minutes, tous ses fils meurent, et elle continue a boire son poison : L’Histoire ne retiendra sans doute d’elle que sa mort troublante, jeune, laissant le champs libre à son mari.

 

 

                     Seul élément pseudo historique laissant entrevoir un changement, même si on ne le perçoit pas du tout dans le film, l’histoire est placée au IXe siècle, lors de la dynastie Tang. Hors celle-ci s’effondra en 907, après une période de trouble et de guerre civile. Elle avait néanmoins étendu le royaume sur un territoire immense, réunifié la chine, et vu les arts et les lettres se développer à un point encore jamais atteint. Une sorte d’age d’or. On peut donc supposer, sachant cela, qu’après cet empereur (Chow Yun-fat), la dynastie va s’éteindre, puisque tous ses fils sont morts. Il semble tout de même à la fin assez confiant en l’avenir, ne montrant du moins aucune inquiétude sur son visage (mais c’est bien connu voyons, le chinois est impassible !).

 

 

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                              D’ailleurs oui, l’Histoire…. Ses précédents films étaient situés plus ou moins exactement dans l’histoire de la Chine, retraçant une période connue de l’unification des royaumes (Quin, dans Héro), ou au contraire une époque de trouble et de rebéllion contre un pouvoir tyrannique (Le secret des poignards volants, dynastie Tang, IXe s. également), ici Yimou a choisit de placer dans un siècle, mais pas de donner le nom de l’empereur (ou plutôt d’en créer un). Il s’agit donc de placer l’histoire dans un passé lointain et presque mythique de la Chine (l’histoire nous est connue par des chroniques plus ou moins fiables et scientifiques, des sources officielles) et d’y recréer une histoire plus ou moins plausible permettant de montrer au spectateur une journée importante, qui cristallise les tensions du temps : Décadence (Arts baroques, inceste dans la famille impériale), pouvoir usurpé (L’empereur a manigancé pour prendre le pouvoir à l’ancienne famille, la reine veut le lui reprendre, un de ses fils complote avec elle, un autre agit en « freelance », soudoiement des troupes, etc…), problèmes de transmission du pouvoir et de maintient de l’ordre (le père rentre de guerre incessante, il a très peu était présent au palais). C’est un peu toute l’histoire des Tang qui est rassemblée en une seule et même famille, lors d’une seule journée.

                       Enfin voila. J’ai été assez déçu par ce film, qui avait un potentiel énorme (acteurs, budget, réalisateur, renouveau Wu Xia) mais qui est en fait assez pale et d'un intérêt bien moindre que ce qu'il aurait pu (du) être.

 

 

Carcharoth

 

 

 

 

*****

 

 

 

   Trop d'épines dans le film épique, par Nostalgic du Cool.

 

 

 

 

                C'est avec une certaine impatience que je me suis précipité sur le nouveau Zhang Yimou, les bandes annonces étaient alléchantes, le casting était prestigieux, le budget était colossal et pourtant j'ai été déçu. Selon moi le réalisateur a voulu jouer sur trop de registres, de styles ce qui a fini par alourdir son film le rendant surchargé (dans tous les sens du terme) et quelque peu indigeste. Néanmoins, je ne  veux pas du tout dire que La Cité Interdite est un mauvais film, mais j'ai eu le sentiment d'un certain gâchis à la vue du résultat par rapport aux moyens.

 

 

                    Il fait avouer que ce film était un pari difficile, un peu fou, il est évident qu'il y avait beaucoup d'ambition dans ce projet d'une fresque épique de la Chine Impériale. Il fallait oser reconstituer la Cité Interdite, ce palais à la fois fascinant et mystérieux, symbole de toute la magnificence et la démesure de L'Empire du Milieu. Il y avait certainement une énorme pression sur les épaules de l'équipe de tournage qui avait le devoir d'être à la hauteur de ce budget pharaonique. J'ai eu la sensation qu'à trop vouloir nous éblouir sur la forme avec les décors, les costumes, le nombre hallucinant de figurants le film a perdu sur le fond, l'intrigue a fini par être écrasé par cette débauche de merveilles de toutes sortes. A trop viser la perfection le réalisateur c'est perdu dans l'esthétisme.

 

 

                       Toutefois comme dit la formule "il faut rendre à César ce qui est à César" on ne peut retrancher au film sa grande qualité visuelle. Les décors sont splendides et les costumes sont d'une richesse et d'une opulence impressionnantes. C'est une explosion de couleurs tantôt dorées et éclatantes, tantôt colorées et translucides. Le décor est planté théâtral et imposant, cadre

 

 

d'une impériale majesté, dans lequel se déplacent des personnages semblables à des marionnettes, dans leurs lourds costumes d'apparat, ecrasés par le poids d'un destin qui les depasse. 

 

 

 

             Le film a été comparé aux pièces de théâtre de Shakespeare, la comparaison très flatteuse est un peu exagerée à mon goût. Il est vrai que ces personnages torturés, devorés d'ambition et de remords n'ont presque rien a envié aux Macbeth ou aux Othello. D'ailleurs la sublime Gong Li ( Encore et toujours splendide!) peut nous faire penser à Lady Macbeth tant elle est manipulatrice et fragile à la fois. Aussi l'atmosphère sombre qui régne au palais n'est pas sans rappeler l'univers shakespearien. Elle est lourde, il y a une ambiance de trahison, de complots et de mensonges dissimulés derrière un voile de bienséances et de faux semblants. Les dialogues peuvent faire penser à des répliques de théâtre avec de véritables joutes verbales, ou l'on voit les personnages en lutte avec eux mêmes pour contenir leurs émotions. Enfin il y a un aspect théâtral dans la mise en scène et dans la progression de l'intrigue qui ressemble assez a la Tragédie Grecque ou les personnages semblent les jouets d'un destin tragique et insurmontable, de dieux cruels qui jouent avec eux.

 

 

                          Toutefois l'intrigue bien qu'interessante traîne un peu en longueur, il y a certaine lenteur, le film perd parfois un peu son souffle. Surtout quand le réalisateur passe d'un genre à un autre. Ainsi après la grande scène de bataille on a un peu du mal à se replonger dans ces querelles intestines rongeant la famille royale. C'est là, la grande faiblesse du film, selon moi c'est un genre qui ne s'assume pas. En effet sur le papier La Cité Interdite c'est du Wu Xia Pian c'est à dire un film d'action, avec des combats chorégraphiés ou l'intrigue est plus une toile de fond qu'une fin en soi. Ici, il faut bien avouer que les combats, bien que très bien faits, ne sont pas très nombreux, et moins impressionnant que ce qu'on etait en droit d'attendre vu le budget. Ce mouvement de balancier entre le Wu Xia et le drame "classique" a un peu cassé le rythme du film. On ne sait plus trop à quoi s'attendre, on ne voit plus ou le réalisateur veut nous amener et alors l'omniprésence des décors imposants commence à donner l'impression que la forme esthétique prévaut sur la cohérence de l'action.

 

 

                       Quand on pense que le film a été comparé avec certains films de Maître Kurosawa on prend conscience tout d'abord de l'absurdité de la comparaison (j'apprécie Zhang Yimou mais tout de même!) mais aussi on comprend peut etre mieux le défaut du film. Ainsi si Kurosawa savait habilement mêler drame, Chambara (grosso modo l'équivalent du wu Xia) et prouesse visuelle dans un cadre historique épique (Ran, Kagemusha) il n'en est pas de même pour tous les réalisateurs. Tel est le cas de Zhang Yimou qui réussit un bon film, mais on est loin du chef d'oeuvre car le film qu'il a souhaité faire exigeait une alchimie bien complexe.

 

   

 

                               Enfin, pour conclure sur un point positif, j'evoquerais la très bonne prestation des acteurs et en particulier celle de Gong Li. Sa présence seule peut constituer une raison d'aller voir le film, son interprétation tout en finesse et en rage contenue est excellente. Elle incarne son personnage avec toute la majesté d'une impératrice à la fois digne et terrible, manipulatrice et sensible, ambitieuse et torturée. C'est à la fois une mère et une épouse fragile et émouvante et aussi une maitresse et une femme fatale habile.  Elle est, comme toujours d'une beauté troublante, beauté qui est magnifiée par ses costumes (d'ailleurs les decolletés des costumes du film mettent bien en valeur les attributs naturels des femmes). Sa superbe plastique semble même devenir un instrument de son jeu d'actrice car elle semble réussir à la maitriser et tantôt elle a le charme d'une maitresse, tantôt la beauté digne d'une mère. Personnellement cela m'a fait penser à une replique du film les Invasions Barbares lorsque le personnage dit : "elle était d'une beauté à faire fondre les soldats en terre cuite de Xi'an". (Ici photos de ces fameux soldats en terre cuite).  

 

 

 

 

 Nostalgic Du Cool     

 

 

 



Publié dans Chine et HK

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C
Vu en salles. Epoustouflante fresque !!
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B
Superbe pièce de théâtre !Un proverbe chinois (vrai ou faux, peu importe même s'il est véhiculé avec la promotion du film) traduit bien cette double-face : Or et jade à l'extérieur, pourriture et décadence à l'intérieur.<br /> Un peu avant l'an mil, il y avait donc bien quelque chose de pourri dans l'Empire du Milieu, pour citer à nouveau Shakespeare ...<br /> La scène finale (l'une des plus belles du film) où l'on remet en place le décor de la fête en est d'ailleurs une belle métaphore : quelque soit l'horreur des crimes commis, le pouvoir impérial ne saurait perdre la face.<br /> Et puis Gong Li, bien sûr ... ah, Gong Li ...
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A
Je suis d'accord avec vous, malgé son budget énorme et sa mise en scène grandiose, ce film n'est pas un chef-d'oeuvre. Il y a des lenteurs, puis soudain des scènes de combats désordonnées qui font irruption sans transition et on perd un peu le fil... Dommage, il fallait peu de chose pour avoir la merveille. Gong Li et l'ensemble des acteurs sont parfaits et les décors et costumes de toute beauté. Je suis en ce moment en plein festival asiatique de Deauville. Deux films pour moi aujourd'hui : à 15h Getting home de Zhang-Yang et King and the clown à 20 heures de LEE Jun-ik. A bientôt. ARMELLE
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N
Tiens je n'avais pas pensé a cet aspect, mais maintenant que tu le dis c'est vrai qu'on a l'impression que le réalisateur célèbre sa muse dans le film, Gong Li est omniprésente. Puis ce film est nettement différent de ces précedents Wu Xia qu'etaient Hero et le Secret des Poignard Volants, l'intrigue a une place beaucoup plus importante et le personnage feminin est beaucoup plus developpé. Il faut dire que leur dernière collaboration remontait en 1995 avec Shangai Triad (très bon film), j'imagine alors l'impatience de Zhang Yimou de retrouver sa muse. Hélas elle n'a pas réussi à lui inspirer le chef d'oeuvre, peut etre que ce dernier c'est perdu dans la contemplation de son modèle au detriment du film. Sinon cela fait toujours plaisir de voir que notre blog plait, Carcharoth et moi apprécions beaucoup votre blog. D'ailleurs c'est ce dernier qui nous a donné l'idée de faire un article ou nous donnons chacun notre point de vue!
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T
C'est avec impatience que j'attendais vos critiques et suis bien sûr tout à fait d'accord avec vos analyses. Plus j'y repense plus je soupçonne Zhang Yimou d'avoir fait de ce film un sorte d'hommage à sa muse Gong Li, tel un cadre sompteux mettant en valeur sa beauté et la qualité de son interprétation. Même si on ne peut pas lui en vouloir, les amateurs de cinéma que nous sommes ne peuvent qu'être déçus...<br /> Enfin, je voulais vous dire que j'apprécie beaucoup votre blog : il est bien tenu, les critiques sont tjrs très bien documentées et argumentées. A bientôt pour de nouveaux commentaires sur votre blog et/ou le notre.
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