Les anges violés, Koji Wakamatsu (1967)
Les anges violés (1967) :
Il y a entre l'Embryon part braconner et ce film sept autres réalisations de Koji Wakamatsu, alors que seulement une année sépare les deux métrages ! Admirez un peu le stakhanovisme du bonhomme qui tourne à la vitesse d'un Takashi Miike avec en gros les même budgets (voire moins) et la même ambition, foutre le bordel !
Les anges violés bat le record de l'Embryon, puisque il fut tourné en trois jours, au beau milieu du tournage de « Histoire de la violence de l'underground japonais le sang de l'homme étrange » où le réalisateur et l'acteur principal ont eu l'idée de tourner ce film pour leur usage personnel, suite à un fait divers américain.
L'histoire est en effet basée sur un fait réel, une histoire sordide et sanglante arrivée aux USA quelques temps plus tôt (Richard Speck a en effet tué huit nurses à Chicago). Hormis cette base scénaristique, le reste est pure invention.
Une nuit, dans une maison dorment six infirmières, dont deux sont lesbiennes et gémissent. Leurs camarades, voyeuses, se préviennent les unes les autres pour les espionner par un trou. Sauf une, qui aperçoit par la fenêtre un homme. Elles l'invitent à entrer et à regarder avec elles. Il ne supportent pas la scène et tue l'une des deux lesbiennes. La soirée vire alors au cauchemar pour les infirmières qui sont torturés et tués les unes après les autres. Seule la dernière, celle qui n'espionnait pas et s'est tue durant toute l'horrible nuit n'est pas froidement exécutée...
Les anges violés, s'il devait être un film non commercial ne l'est pas resté longtemps puisqu'il a été présenté à la Quinzaine des réalisateurs du festival de Cannes 1971. Et on comprend en le visionnant pourquoi Wakamatsu n'a pas voulu le cacher au public. On est bien sur en plein dans le pinku, avec son lot de scènes érotiques et de sévices (baisers saphiques, infirmières en chemises de nuits, viol, fouet, tout y est) infligés, mais on est aussi au centre des thèmes du réalisateur à savoir l'oppression des faibles par un pouvoir dictatorial, la violence, la passivité/lâcheté des oppressés et l'impuissance lié à un grave complexe d'oedipe.
En effet, si le premier meurtre est explosif et commis sous le coup de la colère déclenchée par la vision des deux lesbiennes, les suivants sont effectués de sang froid, et parfois après de longues tortures. Ainsi, après n'avoir pas réussit à faire l'amour à l'une des captives qui s'offrait à lui pour sauver sa peau, il la tue en lui tirant une balle dans le vagin. Scène atroce, acte barbare commis après une anticipation, une hallucination de l'homme s'imaginant que les infirmières le méprisent après son échec. Il en vient ensuite une autre qui tente de lapitoyer sur son sort, jouant le misérabilisme. Erreur ! Il en découpera une autre en morceau pour lui prouver sa méprise et la tuera ensuite...
Jusque la vous allez, me dire, c'est du pinku et rien que du pinku. Oui mais... Wakamatsu débute et clôt son film sur deux séquences hautement symboliques et explicatives du comportement de l'homme. Tout d'abords on le voit embrasser des affiches de star, se coucher sur des photos de modèles. Impuissant, il ne peut donner son amour qu'à des femmes inertes. Puis on le voit sur la plage, une arme à la main, tirant vers la mer. Sa frustration doit sépendre et s'exprimer par la violence. La suite, je viens de la raconter, elle constitue le corps du film. Avant la fin, alors que le « héros » rêve en bleu à des scènes d'amour sur la plage, Wakamatsu introduit la violence du régime et du système dans le film. On voit en effet diverses images de la guerre du Vietnam se succéder et une intervention policière à la matraque. Cette dernière scène entre clairement en collision avec les images idylliques du bourreau dans les bras de sa bien aimée, la dernière des infirmières. Cette femme, presque muette et inactive lors du film, qui ne matait pas ses deux consurs est la figure patiente et attentive de la mère, figure que semble rechercher l'homme puisqu'il se blottit en position ftale sur son ventre.
Remarquons aussi que la technique de part-color (une partie du film en couleur, tout le reste en noir et blanc), où la couleur est d'ordinaire réservée aux scènes d'ébats sexuels est ici détournée pour se focaliser sur les sévices et tortures infligés aux femmes. Il ne s'agit plus de montrer mais de dénoncer via une technique qui servait surtout d'argument publicitaire de choc sur les affiches.
Encore une fois il s'agit chez Koji Wakamatsu de voir le démentellement de la mise en scène classique, le travail sur la photographie avec cette technique de la saturation ou du « bleutage » des images, cette envie de montrer les choses par l'art du seul mouvement et non pas par des dialogues ; et surtout cette rage bouillonnante, cette envie de montrer ses sentiments, d'éveiller et de choquer ces masses si passives qu'il critique allégrement dans ce film où il égratigne aussi au passage le pouvoir en place, rigide et sourd aux aspirations de sa jeunesse que l'on voit ici saignée à blanc. Et encore une fois c'est réussit, cette violence et cette hargne explosent à l'écran et ne peuvent que remuer le spectateur...
Carcharoth