A Dirty Carnival (Biyeolhan geori), Yu Ha, 2006

Publié le par asiaphilie

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A Dirty Carnival est le premier film de Yu Ha que je vois. Ce réalisateur, scénariste et poète a aujourd'hui porté à l'écran cinq de ses œuvres et a obtenu un succès commercial et critique avec ce film sur la mafia. Il y met d'ailleurs en abyme le travail de réalisateur sur un film de ce genre et montre les implications d'une long métrage réaliste sur les triades.

 

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Le script narre la vie de Byung Du, petit malfrat travaillant pour une triade au recouvrement des dettes. Il dirige quelques hommes dont il se sert pour intimider ceux que la mafia raquette. Il est entré dans ce monde en espérant se faire une place au soleil et pouvoir aider sa famille, très pauvre et notamment sa mère malade. Alors qu'il est en passe de progresser dans la hiérarchie du clan il rencontre Min Ho, un ancien ami de classe qui le remet en contact avec Hyun Ju, son amour du lycée. Tout semble aller pour le mieux, puisque celle ci accepte de le revoir et de débuter une relation avec lui. Du coté de la triade, il doit faire face aux intrigues internes et aux guerres entre chefs et sous chefs auxquels il essaie de se mêler. Dans le même temps Min Ho, qui est devenu réalisateur lui demande de l'aider à rendre réaliste son scénario de film de gangster. Il accepte avec joie, mais lorsque le métrage sort il se rend compte que les secrets qu'il a confié à son ami sont portés à l'écran très fidèlement (assassinat d'un procureur, d'un chef de triade gênant) ce qui le met en porte à faux avec sa hiérarchie, y comprit au plus haut niveau. Devant la violence qu'il déploie, sa petite amie le plaque terrorisée par sa « profession ». Il doit aussi subir les agressions de clans rivaux, sans compter la trahison qui peut venir de tous cotés...

 

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A Dirty Carnival est un film sombre et violent. Peut être pas autant que The Murderer, mais il atteint tout de même un degré typiquement coréen et qui sied très bien au sujet évoquer : les triades. On y découvre ici le coté le plus sombre, le plus violent, le plus répréhensible mais aussi un aspect moins connu et développé habituellement à savoir leur rôle de dernier rempart contre la pauvreté puisqu'ici le héros nourri sa famille avec son maigre « salaire ». On peut voir les choses de façon plus critique et analyser la situation comme étant la résultante d'exclusion et d'une pauvreté importante dont se nourrirait la pègre et non pas celle ci comme un rempart aux causes cités plus haut. Ce qui est sur c'est que ce film dresse un portrait réaliste de la Corée moderne et de sa mafia. Il évoque bien des thématiques de façon intéressante et les lie intelligemment, donnant par exemple un aspect politique aux activités mafieuses (alors qu'on les résume trop souvent dans les films à la drogue ou à la traite des femmes). On voit d'ailleurs en comparant Dirty Carnival à d'autres classiques européens du film de mafia que celle ci est différente selon les continents et que chacune à ses petites spécificités. Le parrain de Byung Do n'est pas vraiment Don Vito Corleone !

dirtycarnivalAutre thématique intéressante, les problèmes financiers de la famille du jeune malfrat et son influence sur celle ci. A la fois modèle, raison de honte, nécessaire et aimé mais rejeté pour le sang qu'il a sur les mains ; sa relation avec sa mère et ses frère et sœur est complexe et passionnante, tout comme cette esquisse de la Corée d'en bas dont sont issu une bonne partie des truands du pays. Sans en justifier l'existence et les méthodes, cela explique grandement la popularité des triades dans les milieux populaires.

 

La figure de Min Ho, l'ami réalisateur est elle aussi très intéressante comme mise en abyme du travail qu'a sans doute du mener Yu Ha pour réaliser A Dirty Carnival et des dilemmes et problèmes qu'il a du rencontrer. Mais aussi pour souligner la difficulté d'avoir une vie sociale avec le monde réel lorsqu'on est un mafieux. Si cela saute aux yeux dans le cas de leur relation (puisque cela cause la mort de l'un des deux), c'est aussi flagrant avec la jeune et belle Hyun Ju dont Byung Du est épris mais à laquelle il ne peut offrir une vie « normale » et qui finit par le rejeter malgré la réciprocité de ses sentiments. On observera d'ailleurs, au sujet de la vie sociale des membres des triades qu'ils vivent en général tous ensemble dans un même logement, (comme les yakuzas) et qu'ils se considèrent comme une famille. Les contacts avec l'extérieur et les liens avec la société civiles sont donc la plupart du temps inexistants ou violents.

 

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On a donc au final un film bien mené, très réaliste dans son style, sa violence, assez noir dans son propos (car la aussi réaliste) avec des acteurs convaincants et poignants, une histoire qui lie action, romance, amitié, trahisons avec brio et qui malgré quelques petits problèmes de rythme se regarde très bien et passe superbement. Très bon film donc !

 

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Carcharoth

 


 

Publié dans Corée

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