La 36ème chambre de Shaolin, apothéose de la Shaw ?
La 36ème chambre de Shaolin est un film datant de 1978, produit par Run Run Shaw, réalisé et chorégraphié par Lu Chia Lang et interprété par Gordon Liu. Cest un monument du film de Kung Fu, un chef duvre, un immense classique que se doit de connaître tout amateur du genre. Apprécié par Tarantino, inspiré par le millier de film produit par la Shaw avant lui, adulé par des millions de fans, à lépoque et aujourdhui, ce film est laboutissement des 20 ans de réalisation dans ce genre à Honk Hong.
Choisissant de ne pas appuyer sur laspect historique outre mesure, sans pour autant être une comédie, il est le « chaînon manquant » entre les films de J. Chan et de S. Hung et ceux de Chang Cheh.
Lhistoire se déroule sous les Quing, et est inspirée dun récit plus ou moins historique de Woshi Shanren, romançant lui-même la vie du bien réel moine San Te (ou San De, même dans le film les différente orthographes sont utilisées ). Héros national, cet homme tua un soldat mandchou, fut bien sur poursuivit et se réfugia dans le monastère de Shaolin ou il appris leur technique de combat, puis fonda sa propre institution à Xi Chan, dans laquelle il forma des civils laïcs au kung fu. Il sagit de la célèbre 36ème chambre.
Expliquons dailleurs demblée le titre, même si cela aurait pu venir naturellement plus loin. Donc Le monastère des moines shaolin comportait 35 chambres spécialisées dans un enseignement particulier. Celle fondée par San De était donc la dernière, la 36ème, représentant le lien entre lextérieur et le monde religieux et clos des moines bouddhistes.
Le film modifie quelque peu le scénario du livre (Eric Tsang a participé à sa réécriture), en effet San Te (alors encore appellé Liu Yu De) est un jeune élève, insouciant et complètement apolitique. Sous linfluence de son professeur, il rejoint la résistance face aux mandchous. Un complot ratant, son père est inquiété et interrogé. Il aide alors son fils a fuir, mais se fait tuer ainsi que toute sa famille. Cette perte terrible pour le jeune homme quest Liu et les poursuites des Mandchous loblige à sa réfugier chez les moines de Shaolin, connus pour leur art martial sans égal. Il souhaite ainsi se protéger de ses poursuivants et acquérir la technique nécessaire à sa vengeance. Grâce à sa volonté et à sa pugnacité, il parvient à se faire accepter dans le monastère, mais ne se voit confier que des taches domestiques et ennuyeuses. Il demande alors son intégration dans lécole darts martiaux du temple, les fameuses 35 chambres. Après avoir compris la difficulté de lenseignement, limportance de suivre toutes les étapes et de prendre le temps, il commence par la plus facile. Traverser un bassin sur des rondins de bois. Il apprend ainsi à lier force et rapidité, précision et puissance dans le geste. Et ainsi de suite avec cheque partie du corps. Tour à tour bras, tête, il, poignet, etc Vient ensuite le tour des armes et différentes techniques de combat. Enfin, ayant acquis une technique presque parfaite en un temps record, il se voit proposer la direction dune chambre de son choix par le « doyen ». Mais le maître la discipline sy oppose, et lui propose un duel, condition de son acceptation (en cas de victoire bien sur). Cest ici loccasion pour San Te de tester son intelligence du combat et sa capacité à sadapter au style de ladversaire. Ici un maître des sabres jumeaux. Bien évidemment, lors des premiers combats, il perd à cause de la lenteur de son bâton. Lidée lui vient alors de modifier son arme en la rendant articulé (Jai déjà parlé de cette arme dans la trilogie de la vengeance). Grâce à cette innovation incrémentale, il parvient à désarmer son adversaire, qui consent devant linventivité et lefficacité du jeune disciple, à lui confier une chambre. Mais ce dernier, malgré les 5 ans passés au monastère na pas oublié son projet initial. Il veut se venger et chasser les mandchous. Pour cela il demande la création dune nouvelle chambre ouverte sur lextérieur, qui permettrait de former une partie de la population afin quelle puisse se défendre face à loppresseur. Insistant, il est chassé du monastère pour récolter des aumônes, raison officielle signifiant en réalité lacceptation de sa requête par le doyen des moines. Il parcourt donc le monde, et retourne dans sa ville, ou les mandchous accroissent encore leur pression sur les populations, qui sont incapables de se soulever et de sunifier sous le joug des innombrables envahisseurs. Très vite, il remarque et prend sous on aile quelques jeunes gens et sauve un des meneurs de la résistance. Il projette alors un complot contre le terrible général Tien. Avec laide de ses nouveaux élèves, il parvient à le provoquer en duel et à le battre, toujours à laide de son bâton articulé. La dernière scène nous montre ensuite les élèves sentraînant dans la chambre nouvellement créée sous la férule de San Te
Voila donc le synopsis, rapide, du film. Petit morceaux danalyses maintenant, inspirés en grande partie par les bonus très complets fournis avec les nouveaux DVD de la WildSide (merci à eux pour lexcellent travail, notamment la recherche de scènes de films introuvables Mais nest ce pas le nom de lune de leur meilleure collection ?). Tout dabord, sur le thème général du film. Comme dit au début, il se situe entre le film de kung fu à tendance historique, et la « kung fu comedy ». Il y a peu de passages drôles (la fin, celui de la rencontre avec le broyeur de riz, ) et presque pas de références historique, tout juste pare-t-on a un moment de deux dynasties, on entrevoit les mandchous, mais ils sont plus présentés comme « les ennemis » quautre chose pas de longs intermèdes costumés ici donc. Le genre commençait à sépuiser à lépoque du tournage, ce qua très bien su sentir Lu Chia Lang, et il a donc évitait certains aspect rébarbatifs du film pour lui donner plus de dynamisme, de vitesse, de personnalité. Autre point frappant dans le scénario et le déroulement du film par rapport à ses congénères Shaw brotheresques, il ninsiste pas trop sur la vengeance, mais plutôt sur lévolution du personnage et surtout sur son entraînement. Au tout début, lorsque le film décrit la vie « insipide » et tranquille de Liu Yu De, il sembourbe un peu et lon naccroche pas tellement, cest en effet la partie qui a le plus vieilli, mais dés que sa famille meurt et quil entre au monastère commence le véritable classique. La première épreuve est décrite assez longuement, puis chaque succès du disciple doué voit la description de la chambre suivante diminuer, pour finalement être éludés à la fin. Rassurons donc certains lecteurs, chacune des chambres nest pas décrite et filmée, il y a une sorte de pyramide des importances des chambres, qui suit lordre de ces entraînements. La première est la plus longuement abordée, les dernières sont sautées pour arriver dun coup au duel comme le maître de la discipline. Ces séquences ont surtout pour but de montrer la base de cet art martial quest le Kung Fu, allié à la philosophie bouddhiste des moines, tout en ne niant pas laspect un peu mystique quil revêt dans limaginaire collectif (Cf la dernière chambre, ou le maître le repousse à distance, avec sa force mentale). Notons aussi que le kung fu développé ici est celui du sud de la chine, qui nest pas celui de Wu Tang (Doù le célèbre film Shaolin contre Wu tang) ni celui que lon peut voir dans le nord du pays. En parlant de combats, bien sur aucun effets spéciaux, tout est tourné en studio mais avec des armes réelles et les coups sont portés, les chorégraphies sont donc très importantes, la synchronisation des acteurs devant être parfaite. Les acteurs, dailleurs, sont pour la plupart des maîtres du kung fu ou dautres arts martiaux, ce qui se comprend après ce que je viens de dire. On ne manie pas comme ça des sabres jumeaux et autres bâtons quand on combat réellement.
La réalisation est assez classique pour la Shaw, pas dinnovation majeure, le sang est toujours aussi vif, les expressions des acteurs pittoresques. Coté jeu, Gordon Liu montre toute létendue de son talent et de son charisme à lécran. Naïf, attachant, vengeur, parfois drôle, il montre une fois de plus quil nest pas quun combattant émérite, et que dès ses débuts il promettait déjà de grande chose.
Enfin bref, le film est prenant, pas ennuyant, on comprend très vite ce qui a fait son succès lors de sa sortie en Chine puis dans le monde. Début excellent dune trilogie qui nen est pas vraiment une, ce film est un monument mondial du cinéma daction.
Carcharoth