Va, va vierge pour la deuxième fois, Wakamatsu et la jeunesse (1969)

Publié le par Nostalgic-du-cool

 

Va, va vierge pour la deuxième fois (vierge violée cherche étudiant révolté) 1969 :

 

 

Cela fait six ans que Koji Wakamatsu est réalisateur lorsqu'il tourne Va, va vierge pour la deuxième fois. Six ans c'est relativement peu pour un réalisateur, mais quarante et un films, c'est bien plus impressionnant, surtout lorsque l'on sait que cela fait une moyenne de sept films par an (avec des pointes à dix!). Comme pour les deux autres Wakamatsu dont nous avons parlé précédemment l'action prend place dans un lieu presque unique, cette fois ci un toit d'immeuble et plus généralement les divers étages de ce bâtiment, lieu fétiche investit par une bande de jeune pseudo hippies.

 

     

 

Ces dernier ramènent un soir un jeune fille qu'ils violent ensuite chacun leur tour, la laissant comateuse sur le toit. A son réveil elle est comme surprise de vivre encore. C'est à ce moment qu'entre en scène un autre larron, qui le soir a assisté au viol sans rien faire pour l'empêcher ou y participer, et décide à présent de lui parler. Elle assure vouloir mourir. Non pas à cause de ces deux viols (car c'est la seconde fois qu'elle se fait violer dans sa jeune vie) mais parce qu'elle est désespéré et n'a plus goût à la vie. Le jeune homme promet de la tuer si elle lui demande de le faire pour une bonne et vrai raison. Il lui apprend impromptu qu'il est un assassin. Et en effet dans son appartement deux couples gisent, poignardés,à terre. Il finira par tuer aussi les violeurs du toit, pour épargner une nouvelle tournante à sa nouvelle amie, complètement amorphe dans leurs bras. Puis tout deux sauteront la barrière pour finir sur le bitume, quelques étages plus bas. Le film se clôt sur une affiche conseillant à la jeunesse de ne pas respirer les vapeurs de diluant.

 

 

Comme dans tous ses films Wakamatsu parle de la jeunesse, à la fois pour la défendre mais aussi pour la critiquer, lui donner un électrochoc qu'il espère salvateur. Ici des jeunes complètements exclus du miracle économique japonais et des valeurs de la société nouvelle violent sans aucune culpabilité des jeunes femmes. Celles ci d'ailleurs ne sont pas toujours aussi opposées à ces pratiques, puisqu'on les voit entrer dans le jeu de leurs ravisseurs et ensuite faire mieux que les imiter. Il parle aussi du mal être de ceux qui refusent ces deux chemins, celui du haut de l'immeuble, barbare, et celui de la belle route où circulent toute la journée des voitures qui se suivent impeccablement, sans jamais sortir des rails. Et la troisième voie de Wakamatsu n'est pas celle de Nehru ou Gandhi, c'est celle de la violence, du sang, du surinage et de la mort. On le voit d'ailleurs marqué par cette violence, puisque le jour qui suit le premier viol est un 8 aout, veille de l'anniversaire de Nagasaki (ce qui veut aussi dire qu'elle a été violée la lendemain de celui d'Hiroshima).

Cette fois ci les dialogues sont un peu plus présent même si le réalisateur reste fidèle à lui même et entend expliquer ses personnages via des images et la mise en scènes. On a toujours droit à quelques flashbacks en bleu, et aux scènes chocs en part-color. Comme dans Les Anges violés les séquences colorés ne sont pas celles de viols ou érotiques, mais le souvenir du jeune homme lors de son premier crime.

 

 

Le final-affiche est lui aussi empreint d'une ironie un peu cynique qui fait référence à cette jeunesse perçue comme déviante, cherchant tous les moyens pour s'évader et qu'il faut ramener dans le droit chemin (les deux derniers qui ont rejoint la route de la normalité sur laquelle roulent tous les jours les millions de salary-man l'ont sans doute fait un poil trop vite et en sont mort...).

 

On a aussi cette caractéristique récurrente chez les héros qu'est l'impuissance. Bien qu'ici il s'agisse plus d'un pucelage farouchement (par timidité?) gardé et d'un dégout pour les perversions sexuelles que lui ont fait subir ceux qu'il a ensuite tués. Ces derniers, pourtant bien intégrés à la société était en fait dans l'intimité d'un appartement de pires pervers que les jeunes du toit. L'impuissance s'exprime chez ce jeune homme dans son incapacité à vendre ses livres, qu'il entrepose dans une cave. Son malêtre transparait merveilleusement dans la chanson qu'il entonne parfois (et qu'il a parait-il écrite). On y parle d'une homme exclu, dans le noir, seul...

 

 

 

La jeune femme n'est pas frustrée ni impuissante, elle est inapte au bonheur et à la vie, marquée du sceau du malheur dès sa naissance. Fille de deux suicidés, dont un père partis pour mieux mourir avec sa maitresse, violée une première fois jeune, apparemment abusée par son père elle n'a jamais pu intégrer le monde complètement, perdant tout espoir, toute envie. Cette société qui avait brisé ses parents la brise aussi, nul ne l'écoute et ne la respecte hormis le jeune étudiant qu'elle supplie pour qu'il la tue.

Il en va de même pour ces jeunes complètements détachés du monde, qui ne craignent rien et n'espèrent plus rien. L'affiche de fin de film peut aussi être vue comme une manière bien dérisoire des bien-pensants de laver leur conscience à moindre coût ; même si dans le cas présent ils sont bien en deçà au niveau de la gravité des actes à prévenir...

 

 

En bref Va va Vierge pour la deuxième fois est un huis clos qui alterne moment de poésie et de réflexion avec des scènes crues et violentes, un film qui parle avec lucidité et fraicheur de la jeunesse nipponne désorientée, mettant chacun face à ses défauts et ses manquements mais sans être moralisateur. Une œuvre puissant, provocante qui manie l'érotisme comme une arme sociologique.

 

 

Carcharoth




Publié dans Japon

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