Tropical Malady d'Apichatpong Weerasethakul

Publié le par Nostalgic-du-cool

tropical malady

 

 

Tropical Malady est un film étrange : Les inrocks et Télérama l'ont adoré. Les cahiers du cinéma l'ont élu meilleur film de l'année 2004. Le jury de Cannes lui a donné son prix. Tous ont été infecté par la "malady".

Apichatpong Weerasethakul signe son troisième film. Tout aussi expérimental que les deux précédents, Tropical Malady est scindé en deux parties distinctes ayant pour seul lien Keng, un jeune soldat. Dans un premier temps, on assiste à ses amours avec Tong, un jeune campagnard qui travaille dans une fabrique de glace (comme Bruce Lee dans un film précédemment commenté, mais aucun rapport). Ils sortent en ville, Keng apprend à conduire à Tong, il se promènent et s'assoient souvent près de la forêt. Candide, naïve, leur relation est touchante, presque hors du monde. Ils sont heureux, le film est lumineux, les gens sourient (La Thaïlande est le pays du sourire : voir le blog Tony Jaa), rien ne leur résistent. Les scènes sont entrecoupés de plans noirs et d'intermèdes musicaux : Karaoké, gym tonic, etc... Un soir, Keng ramène Tong sur sa moto. Il le dépose sous un lampadaire, lui embrasse les mains, puis son ami fait de même et s'en va, disparaissant dans l'obscurité hors du halo lumineux.

tropical malady1  La deuxième partie commence alors. Des vaches sont égorgées, éventrées dans les champs voisins, par une bête que les habitants n'arrivent pas à identifier. Keng par à sa recherche dans les bois. Il va vite se transformer en proie. Le tout est complété par des passages narratifs qui retracent l'histoire d'un garde forestier et d'un tigre, réincarnation d'un puissant chamane. Des peintures traditionnelles illustrent le récit. La plupart des scènes sont nocturnes. Keng retrouve un homme nu, peut être Tong, qui crie et grogne, qui se jette sur lui et l'envoie bouler au bas d'une falaise. Keng se met alors en tête de libérer son esprit de ce corps. Un soir, il retrouve sa piste et aperçoit un arbre étrange: il brille dans l'obscurité; des lucioles se sont posées sur ses feuilles. Lorsqu'il parvient à tuer son ancien ami, l'arbre "s'éteint". Mais Keng doit encore échapper à un tigre. Illusion, émanation de son esprit ou véritable fauve ? On ne sait pas, le jour se lève, la forêt vit, dans son sang coule la mémoire de tous les contes du passé. 

Film contemplatif, mi-onirique, mythologique et légendaire, poétique, intraduisible, doux, sucré, sombre et terrifiant, duel, schizophrène, immense, vert et humide, tropical... Voila une partie des adjectifs que l'on peut accoler à ce film. Fresque sur la forêt vierge (qui disparaît d'ailleurs à un rythme effrénée, mangée par les compagnies de bois exotique et par la culture d'exportation du riz), poème sur l'homme, ode à l'amour...

tropical-2  Ce film est « invisionable » sans préparation psychologique préalable. Il est tout sauf un produit finit, Tout sauf un "film à message" (comme on l'attend habituellement bien sur), tout sauf un film qui plairait à Thibaut (je vérifie s'il lit un peu les articles et le blog :/), tout sauf... tout le reste. Il explore les espaces vierges de la forêt et du coeur (de l'âme) humain. Coupé en deux par un nouveau générique, on ne peut s'empêcher d'évoquer la notion du dualisme de l'homme... Une petite introduction tirée d'une sagesse Thaï nous rappelle que l'homme n'est qu'un animal qui s'est dompté. Le film démontre que le chemin inverse est possible. Très beau visuellement (si l'on aime le vert, la forêt et les hommes nus boueux), d'une réalisation nouvelle, avec un duo d'acteur convaincant, ce film est une expérience (n'est ce pas la le but du cinéma expérimental, mais aussi du cinéma en général; Faire Vivre des expériences, des choses, des émotions ? Parfois nos émotions ne sont que des instincts, mais le film se charge vite de les transformer, de les accepter.), quelque chose qui vaut le coup d'être vécu, que l'on ne peut comprendre entièrement, que l'on ne doit pas forcément interpréter (Le cercle de lumière qui se forme et englobe la moto des deux jeunes gens puis disparaît doit il être compris comme la césure entre la période d'idylle et celle de noirceur ?) mais que l'on doit vivre. Il nous surprend de part sa lenteur; on sent le temps s'écouler, on sent l'humidité du film, l'oppression et le danger. On sent l'humanité de Keng disparaître, aspirée par les sangsues et le tigre, on voit la forêt vivre, on entrevoit ses mystères qui passionnent tant Apichatpong...

 

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Les deux parties s'entre dévorent, elles se nourrissent et sont quelques fois symétrique (ou parallèle : Est ce le même film mais en creux, du coté sombre, ou un cheminement divergent ?), surprennent en tous cas le spectateur. A l'insouciance quasi paradisiaque (l'Eden... Auraient ils mordu le fruit interdit en pénétrant dans la grotte sous le temple, ou en côtoyant des femmes pas très nette, ou autre chose ?) Succède, ou plutôt s'oppose la forêt sombre et torturée (certains arbres ont des formes de grilles en fer forgé...).

 Voila, j'en est fait l'expérience, j'en suis sortit et je ne sais pas trop quoi en dire si on me demandait mon appréciation. (Je mets 4 pour faire joli, par principe et soutien pour l'expérimentation). Je peux juste dire que c'est intéressant, que le réalisateur est plein de talent, que c'est peut être un arnaqueur qui se veut intellectuel et sûrement un gars plein d'idée et rêveur.

Enfin, comprenne qui pourra, c'est une expérience à vivre. Faite confiance à Cannes (je ne vous direz pas cela souvent. Encore moins à propos de films que les inrocks et télérama ont tous deux aimés !)

 

                                            

Un petit casting:   -Keng est joué par Banlop Lomnoi

                           -Tong est joué par Sakda Kaewbuadee

 

 

 

 

 

Carcharoth

 



Publié dans Thaïlande

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