Trilogie pékinoise de Ying Ning.
Zhao Le, Jouer pour le plaisir, Ning Ying, 1993, Chine.
L'histoire de ce premier film donc: Han est concierge d'un théatre à Pékin. La depuis le début, il connait tous les rôles, tous les acteurs, sert le thé, remplace les malades, répare le décors. bref c'est un meuble. Mais le meuble doit partir à la retraite. Et il s'ennuie ferme. Il rencontre alors dans un parc, grâce à un jeune trisomique, un groupe de vieux qui joue à l'opéra de Pékin. S'ennuyant comme lui ils ont décider de vivre leur passion en chantant des airs dans les parcs. Il se joint au groupe, obtient de la municipalité une salle pour être à l'abri des rigueurs de l'hiver, et prépare sa troupe à la fête du temple. Ses amis chantent pour le plaisir, lui veut obtenir un prix et le leur fait savoir, à sa manière...
Les premiers mots qui viennent à l'esprit quand on voit ces films sont réalisme et minimalisme. L'histoire, comme vous le voyez, est très simple, sans intrigue, sans suspense, elle raconte juste une tranche de vie, fidèle à l'idée de rapporter la vie quotidienne des habitants de la capitale. Pour le style il en va de même. Les effets de caméra sont inexistants ou presque, la sobriété domine. Elle fait le minimum pour se détacher du documentaire. On voit d'ailleurs qu'à certains moment les scènes sont filmés dans la rue même, sans aucun apparat, les passants regardants fixement la caméra, etc... Les acteurs ne sont bien sur pas des stars. L'intérêt du film n'est donc pas la divertissement pur ou le suspense, la tension dramatique. Du moins pas plus que des scènes de la vie courante ne le permette. Pas d'effets spéciaux, pas de grandes tirades, pas de larmes accompagnées de violons. Le plaisir vient de la découverte d'une ville, de ses habitants, des bouleversements que subissent leurs existences qui ne sont pas "normales", puisque Pékin évolue plus vite que n'importe quelle autre ville ! L'intérêt est aussi dans les sourires et les rires provoqués par les scènes comiques, par les émotions apportées par les déboires des personnages, par leurs disputes (plus souvent comiques d'ailleurs) et leurs défauts, leur mauvaise foi, etc...
Zhao Le, jouer pour le plaisir est donc un petit film très sympathique, qui nous fait découvrir un aspect à présent disparu de la vie pékinoise, à savoir les groupes d'amateurs d'opéra qui chantent dans des lieux publics en plein air. Ce sont des personnages savoureux, des scènes amusantes et des moment de vie que l'on partage un peu avec les habitants de cette ville. Un film parfait pour ce festival, sans pour autant être merveilleux, même si dans son genre (et on sait que c'est n'est pas mon favori) il excelle.
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Ronde de flics à Pékin (1995).
Ronde de flics à Pékin (1995).
Second film. Cette fois ci on passe des retraités aux policiers de quartier. Ning Ying nous emmène dans un quartier de hutong à Pékin, amené à être détruit petit à petit. Comme dans Beijing Bicycle c'est à vélo que nous voyageons dans le district que les deux héros doivent surveiller. Les policiers, dans ce genre de quartier, remplissent toutes les fonctions. Ils empechent les couples de se battre, réconcilie les fachés, s'occupe des avortements, de l'hygiène, de tout. Face à une série de morsures, tout le commissariat part même à la chasse aux chiens ! Rien de bien palpitant donc, alors qu'à la télé passent en permanence des séries américaine pleine de course poursuite en voiture de luxe avec fusillade et batailles rangées. Surtout qu'ici on voit aussi leur vie de famille, détruite, réduite à peau de chagrin à cause des rondes de nuit et des nuits de garde. Les hommes n'ont pas un métier facile et les femmes râlent. Alors quand la tension monte avec certains prévenus, les dérapages sont faciles. Et la hiérarchie sévère. Car la police doit soutenir les masses et favoriser l'unité du peuple. pas le tabasser. Elle doit le protéger. Mais ces beaux idéaux se marrient mal avec la réalités du terrain.
Encore une fois les mots de sobriété et de minimalisme conviennent à la manière de filmer et de conduire le récit. En plus cette fois ci aucun acteur n'est professionel. Le réalisme est donc total, bien avant Cantet, bien avant la palme, bien mieux, plus drole, plus incisif, plus instructif. Encore une fois c'est un visage de Pékin qui se révèle à nous. Avec toujours pour fil rouge le lien social qui se distend dans l'explosion urbaine de cette dernière décennie.
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Un taxi à Pekin (2000)
Dernier volet de la trilogie, I love Beijing (traduit un taxi à pékin, allez savoir pourquoi) parle des aventures d'un taxi. Après le vélo des policiers du deuxième folm, voici la modernisation. Mais entre temps le moderne est devenu vieux. En effet, dans la préparation des JO les taxis ont du répondre à certains standarts qu'aucun d'eux ne satisfaisaientt bien sur. Bref Pékin est plus largement balayé cette fois ci, on sort de l'échelle du quartier pour étreindre toute la ville par le regard amoureux (cf le titre international) de la réalisatrice et aux travers des vitres du taxi. Véhicule qui brasse toutes las catégories de personnes, mais surtout deux genres bien précis: les filles qu'apprécie le chauffeur qu'il embarque pour oublier sa femme et son divorce, et les nouveaux riches arrivistes et prétentieux. Cela me fait d'ailleurs pensé que j'ai mentit. Il y a une course poursuite. Entre deux taxis, forcés par deux bandes. Elle dure quinze seconde, le temps de voir le premier taxi accélérer puis après un fondu enchainé faire un léger dérapage devant un immeuble, suivit par un autre. Et puis une scène de ce genre avec une vieille VW, ça décoiffe pas vraiment... Bref, on voit peu de très pauvres, trop pauvres pour payer une course, ou de vrais riches qui ont des voitures personnelles. Juste une sorte de classe moyenne naissante, assez hétéroclite. Panorama plus large, mais aussi vue plus précise d'un Pékin dans sa phase la plus critique de destruction-reconstruction. On ne voit plus de hutong (petit quartiers résidentiels traditionels de Pékin), par contre des grues se dressent à perte de vue au dessus d'immeubles tous identiques en béton. On se croirait dans les banlieux construites autour de Paris dans les années 60. Triste, gris, sans âme. Des périphériques à perte de vue, encombrés par des bouchons et une foule immense. Et la le titrre français prend tout son sens. On ne peut aimer cette ville telle qu'elle est en ce moment. Transition violente, trop rapide, cause de perte de repère et de chamboulement énorme dans les relations sociales et le tissu de la population.
Dans son style toujours fait d'image capturée sur le vif et de scène de vie quotidienne, Ning Ying signe son film le plus touchant, le plus personnel de la trilogie, sur Pékin. On sent son espoir de voir renaitre la ville, de voir ses habitant se reconstruirent un environnement mental et social aussi rapidement que l'on reconstruit des quartier d'immeubles. Habile, profond, humain, amusant, réaliste sans être ennuyeux ou misérabiliste, elle filme la misère et la réussite sans en tirer de larmes ou de hurlement de joie. Tout l'inverse de l'entertainment dans lequel verse le cinéma chinois par moment. Alterner les deux genre serait une bonne idée, il y a du bon dans les deux en ce moment au pays de la cité interdite.
Pour conclure sur la trilogie entière... Dur dur, j'ai vu les trois dans la journée, j'ai l'impression d'avoir visité Pékin il y a une semaine et d'en connaitre les habitants, je me croyais en chine à force d'entendre du chinois. J'en conclus donc que c'est un très bon moyen de pénétrer dans la Chine d'aujourd'hui, ou plutôt dans Pékin. Pour autant il n'y a pas qu'un intéret "touristique" à voir la trilogie, puisqu'elle est composée de véritable films, qui valent la peine pour eux même, pour découvrir ce courant très vivace dans le cinéma indépendant chinois.
Carcharoth