Springtime, un printemps nommé Choi Min Sik.
La musique n'en finit plus de donner au cinéma de très beaux films. Tout de suite, je pense à la Leçon de Piano, au Pianiste, ou dans un autre registre à Danny the dog. Ici nous parlerons de Springtime, du coréen Ryu Jang Ha et avec Choi Min Sik. Springtime, comme son nom ne lindique pas, parle d'un musicien, prof et chef d'orchestre qui se cherche, tant dans son plan technique que ... euh pardon, tant sur le plan professionnel que dans sa vie sentimentale.
Enseignant à des gens peu passionnés, enchaînant les auditions ratées, aimant toujours son ex-femme alors qu'elle va se re-marier, vivant encore chez sa mère, Choi Min Sik, alias Hyeon Woo, n'est pas heureux. Le film décrit sa reconstruction.
Le film est littéralement porté par l'acteur principal, déjà exceptionnel lors de ses précédentes apparitions (Old Boy, Frères de sang, Shiri, Ivre de femme et de peinture,
). Choi Min Sik y incarne à merveille cet homme désabusé, déboussolé qui commence à douter de ses capacités musicale', et qui décide de tenter de repartir à zéro, de refaire sa vie en quittant Séoul pour la province et un poste d'enseignant dans un petit collège. Il y découvre le quotidien très différent des habitants (qui vivent presque exclusivement de l'activité minière) et de leurs enfants. La classe musicale est réduite, et menacée de fermeture à cause du manque d'effectifs. Elle est néanmoins engagée dans un concours, qui lui permettrait peut être de survivre
. Quoique le synopsis du DVD en dise, ce n'est pas la l'objet principal du film ; on n'assiste pas à un remake musical de l'entraîneur ou de sister act (pour le justifier, il suffit de dire que le résultat du concours n'est même pas donné à la fin du film !). Il tourne bien plus autour de Hyeon et de son évolution. Le thème musical qu'il a créé est lui aussi répété assez souvent lors des scènes et accompagne le personnage. Plus que le sauvetage d'une classe, d'une école, d'élèves, c'est (plus égoïstement) celui de cet homme qui est filmé, même si au travers de ses pérégrinations on le voit aider à de maintes reprises les habitants, les élèves et leurs parents, même sil ne peut empêcher le cours tragique de leur vie très dure. Le film est ainsi ponctué de scènes pleines d'émotions, la mort dune grand-mère, la première neige, les amoures de deux jeunes élèves, un morceau de trompette sur la plage, etc
Hyeon essaie de s'intégrer pour le mieux dans ce nouvel environnement et cela lui redonne le goût de vivre et de jouer. Contrairement à ces anciens élèves, distraits et inattentifs, ceux-ci sont jeunes et passionnés, malgré les difficultés que cela implique par rapport à leurs parents qui ne voient pas toujours la nécessité pour eux d'apprendre à jouer plutôt que de travailler. Il lie donc des relations assez étroites avec certains élèves, leur insuffle l'esprit de la musique en même temps qu'ils les laissent par leur enthousiasme lui redonner des instants de joie (voir la scène du « love twist ») profonde. Parallèlement, il semble retrouver l'amour, ou au moins l'amitié dans sa relation avec l'infirmière, déjà aimée par le garagiste. Il ne perd néanmoins pas de vue son ancienne femme (Yeon hee), qu'il aime toujours et dont le prochain remariage le rend malheureux. Pas de grande rupture, d'instant clé ou autre scène charnière, juste une lente progression vers une vie reconstruite.
Le film, comme beaucoup d'autres, montre les déboires dun homme qui pense avoir raté sa vie, et sa reconstruction grâce à son art, sa passion. Ici, la trompette et l'enseignement. S'étant froissé avec ses amis, son ex-femme et sa mère, il réussi à reprendre des relations normales avec eux petit à petit, en rééquilibrant son quotidien autour de visites régulières à ses élèves, à la pharmacienne et au garagiste, pour des problèmes d'estomac et d'éclairage !
La symbolique des saisons, qui elle renvoie au titre, est bien présente (enfin on peut l'interpréter comme telle) et bien mieux utilisée (plus classiquement peut être, mais je n'aime pas le symbolisme incompréhensible, surtout quand un film repose uniquement sur ça) que dans le dernier film de Nuri Bilge Ceylan, Les Climats, que je n'ai pas aimé malgré les critiques enchanteresses. Il ferait mieux dêtre photographe, même si cela est moins gratifiant que cinéaste . Enfin, revenons au film qui nous intéresse ici (mais peut on empêcher son esprit malade d'attaquer les critiques françaises bien-pensantes ? Jaime beaucoup de chose, ya qua voir les notes que je met aux films que je commente, mais dès que j'entend un flot de critiques néo-gauchiste symboliste pour pas deux, j'ai du mal), et qui utilise cette symbolique de façon très douce, accompagnant simplement Hyeon dans sa vie. Su-Yeon l'explicite à la fin du film lorsquelle parle de l'hiver avec le héros : « Avant je pensais comme vous, je n'avait pas envie que l'hiver s'en aille. Mais plus maintenant. Le printemps arrive de toutes façon, il vient et il s'en va. Il nous effleure. Comme vous... Et il revient. » Le parallèle est ainsi fait entre l'homme et les saisons. Il part à l'automne de Séoul, ou tout allait mal, ou ses amis tombaient comme des feuilles, sentant venir le froid de la solitude il se retire vers le centre du pays, dans un endroit tranquille, propre à sa reconstruction qui n'aboutira qu'au printemps, en musique (Vivaldi aurait bien accompagné la dernière séquence !). Film de musique, film de saison, il est bien sur rempli d'émotion. Jai déjà cité quelques scènes plus haut, mais on peut encore y rajouter celle ou Hyeon appelle sa mère après la mort de la grand-mère d'un de ses élèves qu'il est allé réconforter, ou celle ou il demande à cette même mère si cela lui a fait de la peine lorsquil sest lancé dans la musique, ou enfin celle ou l'orchestre joue un air (Pomp and circumstance (Edward Elgar), qui a aussi inspiré Kubrick en son temps ) devant la mine, à la sortie des ouvrier.
Il y a aussi bien sur la scène finale, idyllique, souriante, qui laisse présager du meilleur pour cet homme libéré de ses anciennes névroses.
Film simple, sensible, plein de retenue même sil nest pas aussi muet quun Ki-Duk, ne sombrant pas dans le pathos, il permet à Choi Min Sik de briller de mille feux, d'étaler son talent, porté par tous les très bons second rôles qui l'accompagnent. Il interprète une palette d'émotion importante, toute en nuance, en expressions fugaces, en demi-sourires ou larmes voilées. On sent tout le plaisir qu'il prend à jouer (Sensation que lon retrouve encore plus dans les bonus et le making of) ce rôle un peu différent des précédents.
Parlons un peu de la musique qui accompagne le film. J'en ai déjà touché un mot au début, à propos du thème principal, qui est assez souvent utilisé, mais pas trop à mon goût, subissant de multiples variations selon les émotions à transmettre. Il y a aussi les morceaux joués par l'orchestre, qui semblent réellement interprétées par les enfants (j'ignore si c'est le cas, mais si cela ne devait pas l'être, l'orchestre qui a réussit a transmettre l'amateurisme de la classe mérite le respect, ainsi que les jeunes acteurs !). Cette présence infantile justement, donne une émotion supplémentaire au film, une émotion que ne peuvent pas apporter les adultes, une innocence particulière que l'on est presque forcé d'aimer.
Voila, encore une fois je trouve la poésie de ce film intranscriptible, non pas quelle soit magique, dépassant l'écrit (ce film nest pas parfait et ce nest pas le meilleur que jai jamais vu, il est juste bon, et coréen, ce qui nous change tellement du reste que c'est déjà beaucoup) mais simplement différent. Il ne tourne pas qu'autour de la musique, pas non plus seulement autour de Choi Min Sik ou de son personnage mais aborde plusieurs thèmes, tous accrochés les uns aux autres par le personnage central, ce pourquoi je disais que le film reposait sur et tournait autour (de lui). Pas le plus grand chef d'oeuvre de tous les temps, pas un film culte, un bon film à voir, surtout pour les amateurs de musique (Bande originale composée par Seong Wo Jo, même si je ne crois pas quelle soit éditée en CD) et les fans de Min Sik.
Carcharoth