Simpan (Judgement), court métrage de Park Chan Wook (1999)
Simpan (Judgement), Park Chan-Wook, 1999, Corée.
Park Chan-Wook, aujourd'hui très connu pour sa trilogie de la vengeance, sa collaboration à Three extreme ou pour son poétique « Je suis un cyborg » a réalisé trois films avant de se voir offrir des moyens suffisants pour mettre en uvre ses ambitions. « Moon is the sun's dream » et « Saminjo » sont aujourd'hui invisibles pour tous ceux qui ne comprennent pas le coréen, aussi peut on considérer Simpan comme luvre visible la plus ancienne de Park Chan-Wook. Tourné en 1999, ce court métrage de 26 minutes se base sur un fait divers pour décrire avec humour et ironie la vénalité de l'espèce humaine.
On y perçoit déjà l'immense talent de mise en scène du réalisateur, ses astuces, la qualité du développement du récit, son humour noir et l'idée que quelqu'un vieille et surveille la vie des hommes (ce qu'implique le titre même du film, qui peut aussi être vu comme l'étape précédent la vengeance...).
La trame scénaristique est assez mince mais rudement efficace : Suite a un séisme et à des erreurs humaines, un demi millier de personnes meurent dans un centre commercial (c'est la base réelle de l'histoire). Les assurances et le gouvernement, pour faire passer la pilule de la négligence enrobent chaque cadavre dans une somme importante. On découvre alors un couple pleurant sur le cadavre de ce qu'il dise être leur fille. Mais après l'avoir nettoyée sous leur yeux, un employé de la morgue reconnaît aussi dans le cadavre celui de sa progéniture. L'envoyé de l'état et le journaliste présent sont médusés, et personne ne sait quoi faire. Les éventuelles cicatrices sont à des endroit ou la peau n'est plus visible et les photos fournies par les deux parties très ressemblantes (il faut dire que la pauvre fille a la moitié du visage endommagé). L'histoire semble proche de son dénouement quand le journaliste ramène une jeune fille, bien vivante qui reconnaît formellement ses parents. Mais tout à coup, une réplique du séisme affole les sismographes...
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Une fois le tremblement passé, les alarmes incendies se sont déclenchées, tout le monde est sous une table sauf le couple qui protège la jeune fille et l'employé de la morgue qui protège le cadavre... la vérité éclate... tout comme la lampe que fait tomber le journaliste en sortant de sous sa table, et vlan, électricité pour tous ceux qui baignait dans l'eau. Tous meurent, sauf le thanatopracteur, qui était resté debout...
Il faut tout d'abord noter que le film est en noir et blanc, mais une bichromie très travaillée qui fait suite aux images du séisme qui ouvrent le film. On passe à la couleur au moment de la réplique du séisme, au moment où la vérité se révèle et où tout apparaît au grand jour. Ce procédé sera par la suite réutilisé par PCW dans sa trilogie de la vengeance pour mettre en valeur certaines scènes. L'ambiance du métrage repose sur un huis clos très bien mené dans une morgue, où PCW montre déjà son incroyable capacité à tirer d'une situation dramatique des éléments comiques ; comme par exemple le fait que le thanatopracteur cache ses bière dans un des frigos, à la place de la tête d'un cadavre décapité. Ou encore le final, twist magnifique qui remet les chose en place d'un coup de cuillère à pot, et qui remet l'humanité à sa modeste place face aux destins, aux éléments ou à une volonté supérieure...
Les 26 minutes du film sont parfaitement utilisées pour mettre en place la situation, il n'y a pas de temps mort. On comprend dès le début du court métrage la situation, puisque l'employé de la morgue écoute les informations. Les éléments nouveaux sont souvent apportés par la caméra intrusive et voyeuriste du journaliste, qui bien que très désagréable au début se révèle petit à petit moins néfaste qu'on ne pouvait le penser, alors que les parents éplorés et l'envoyé de l'état sont de moins en moins sympathiques et dégagent de moins en moins d'empathie. En effet c'est lui qui ramène la jeune fille qui semble être celle du couple, c'est aussi lui qui soulève le problème des indemnités et de leur attraction sur ce couple désargenté depuis l'accident du mari.
Park Chan-Wook déjà s'attaquait aux petits défauts de chacun, à la vénalité, au manque de morale de certains et à travers eux de la société qui répond à la mort de centaines de personne (due à l'appât du gain) par de gros chèques. Simpan (Judgement), sélectionné au festival de Clermont-Ferrand est la première uvre de PCW qui connut un certain succès et lui permit un an plus tard de réaliser JSA qui le propulsa sur le devant de la scène en battant des records d'entrée en Corée.
On peut donc s'attarder sur ce film si l'on est un fan inconditionnel de PCW, si l'on souhaite découvre son uvre la plus précoce, si l'on veut chercher les commencements de ses thèmes ; mais aussi et surtout si l'on veut voir un court métrage très bien réalisé, qui ne faiblit jamais de niveau et montre déjà une belle maturité de réalisation, même si le message est un peu trop moralisateur et fortement asséné. La fin est tout bonnement hilarante même si elle fait montre déjà d'une belle noirceur ! A découvrir donc.
Le film est disponible dans le DVD « Cinéma 16 ».
-Quelques liens pour aller plus loin :
http://www.cinelogue.com/reviews/simpan
http://www.parkchanwook.org/e/rece_judgement.php