Seven Swords, entre hommage et modernité, le dernier Wu Xia de Tsui Hark.
Seven Swords (Chat Gim/Qui Jian), Tsui Hark, 2005, Chine.
Depuis la légende de Zu (2001), Tsui Hark sétait éloigné des films de sabre. Il était pourtant, avec The Blade, lauteur le plus respecté et le plus attendu dans ce domaine. Aussi, lorsque ses compatriotes Zhang Yimou et Ang Lee ont attaqué le créneau, avec Hero (2002) pour le premier et Tigre et dragon pour le second (2001), le cinéaste se devait de réagir. A la différence de La légende de Zu, ces deux films étaient en effet des blockbusters, les plus gros films que la Chine ait jamais produit, ils étaient la vitrine mondiale du cinéma national, et leurs réalisateurs les stars du moment. Aussi celui que lon considérait comme lun des plus grand depuis la fin de la Shaw et le départ de nombreux cinéastes vers létranger sest il peut être senti un peu menacé sur son terrain de prédilection, lui qui sen était éloigné avec des comédies (le festin chinois, the black mask) ou des polars (Time and Tide), dont la qualité était assez mitigée Ses « concurrents » ayant pris le parti de lesthétisme et de la poésie lors des combats, il semble quil ait choisit dopter pour un retour aux sources, au style de The Blade pour les contrer. Mais sil revient au style, à lenvie réaliste de son chef duvre, il nen oublie pas moins que son film doit rester commercial, exportable et donc être moins brut, moins typé que ce dernier et emprunter tout de même à la veine poétique très en vogue en ce moment. Il choisit aussi de sappuyer sur une valeur sure, un roman très populaire en Chine : « Les sept combattants du mont Tian » de Yusheng Liang. Il entend donc réaliser une grande fresque épique, populaire, belle et pleine daction, avec un style réaliste sans pour autant rejeter totalement un peu desthétisme et quelques mouvements irréalisables mais si propre au genre. Entouré dune pléthore dacteurs talentueux, disposant dun budget colossal, ce film était un véritable défi pour Tsui Hark. A nous de voir sil a été correctement relevé ou pas
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Résumons en un bref paragraphe lhistoire et le contexte de celle-ci, qui bien que presque pas évoqué durant le film, a son importance :
En 1644, les mandchous présents dans larmée chinoise des Ming prirent le pouvoir et fondèrent la dynastie Qing. Ils étendirent leur pouvoir à des régions encore jamais contrôlées par le pouvoir central, maintenant établi à Pékin, grâce aux actions coordonnées de lancienne administration et de la nouvelle armée, composée de Mandchous. La dynastie voulant pacifier le territoire et le contrôler plus facilement interdit la pratique et lenseignement des arts martiaux. Au cours de ses nombreux combats, elle sacquit pour vassale la dynastie coréenne Joseon. (Cela a son importance). Le film commence un peu plus tard, lorsque le territoire est presque entièrement pacifié, sauf quelques villages dans les dernières zones conquises, dont « Martial village », bourg frontalier qui refuse encore de se plier au nouveau décret. Ravage, un général qui a survécu au changement de dynastie nettoie tour à tour toutes les villes, récoltant les primes sur les têtes quils coupent. Et lui les tranche toutes : hommes, femmes, enfants, vieillards. Cest ce quon appelle la rentabilité à court terme. Martial village est le dernier endroit ou il peut espérer faire fortune. Tous les habitants connaissent les arts martiaux quils pratiquent pour se défendre face aux bandits. En plus de cela, ils ont recueillis Fu Qing Ju, ancien bourreau qui essaie de racheter ses crimes passés en sauvant des villageois. Il décide alors, pour aider le village, de faire appel aux guerriers du mont céleste. Il séchappe donc du village ou il allait être pendu pour ces anciens crimes en compagnie de deux de ses habitants, et se rend sur la fameuse montagne. Il convainc le maître à lombre incandescente denvoyer les guerriers quil abrite. Ces derniers vivent retirés du monde suite à diverses mésaventures, mais vont, pour aider les villageois, se risquer à pénétrer de nouveau dans le tumulte de la vie. Et on peut dire quils prennent cette décision au bon moment.
Car à peine arrivent-il au village que celui-ci est attaqué, envahit, et manque de disparaître sous les flammes. Après avoir sauvé ceux quils pouvait, les 7 guerriers (5 du mont céleste plus les deux « nouveaux » issus du village lui-même et à qui le maître forgeron a remis une lame) se mettent en route pour prendre de vitesse Ravage, avant que celui-ci ne mettent sur pied un nouvel assaut. Ils lattirent ainsi hors de son campement (un ancien palais), font semblant de négocier pendant que quatre dentre eux empoisonnent les chevaux et le vin médicinal utilisé par larmée du général. Après avoir semé la pagaille et tué de nombreux guerriers, ils repartent, emportant avec eux un précieux butin : lesclave-concubine coréenne de Ravage. Ils font ensuite évacué le village et senfuient. Mais un traître se trouve parmi eux, et laisse des traces de leur passage à lintention de larmée qui les suit. Aussi choisissent-il de se retirer dans des grottes, faisant diversions en lâchant leurs chevaux dans la plaine. Lun des combattants, celui qui sest épris de lesclave (coréenne comme lui) tente en solitaire de semparer du trésor qui permet à Ravage de payer ses troupes. Il tombe cependant dans un piège, voit son amour mourir sous ses yeux (il la tue lui-même sans sen rendre compte) et se fait capturer, ce qui oblige ses amis à voler à son secours, laissant les villageois et le traître seuls dans les grottes. A partir de la le récit se divise ; dun coté les combats des sept pour tuer Ravage et abattre son armée, de lautre celui de Fang et de son père pour trouver le traître et le tuer
Après que tous aient accomplis leurs tâches, le film sachève sur une promesse davenir : les combattants sen vont, à cheval, vers la capitale, pour faire abolir le décret, gardant avec eux les deux villageois. Fang quant à elle reste au village pour le rebâtir avec les nombreux enfants dont elle a dorénavant la charge, puisque leurs parents sont morts
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Cest ainsi que Hark répond à ses collègues chinois. En inscrivant son récit dans une période lourde de sens et chargée de symbole pour ses compatriotes, celle ou des Mongols ont dirigés la Chine, et ou les « chinois » ont du se battre pour conserver leurs droits. Symbole aussi dune culture qui résiste à une autre, comme un message de Hark à ses contemporains, un appel à ne pas céder aux chimères outre pacifiques. Et ce alors que les réalisateurs précédemment cités (Ang Lee et Yimou) avaient choisis des périodes plus neutres : les royaumes combattants (à la limite on pouvait y voir une invitation à rester unis, à ne pas céder aux particularismes) pour Hero et une antiquité indéfinie pour Tigre et Dragon. Le récit du film se situe justement sur une frontière, en Mongolie extérieure sans doute (puisquils regardent en direction du soleil couchant lorsquils parlent de Pékin), dans un endroit ou la loi et lordre du pouvoir central ne règne pas : La loi coutumière des clans est appliquée et le chef du village dirige avec laccord des villageois influent, sans aucunement en référer auprès du pouvoir central. Il ne sagit donc ni de résistance nationale face à un envahisseur (bien que quelques couches de la population chinoise laient ressentie comme telle, larrivée des Mandchous na pas se faire aussi efficacement que grâce à laide de nombreux membres des élites de lancienne dynastie) ni dune lutte entre état, mais simplement du combat quotidien dun village face à une armée, dun mode de vie face à un autre, en tous cas dun très bon motif pour un Wu Xia Pian aux allures de remake
Perçons tout de suite labcès que constitue ce potentiel remake. On laura remarqué, les épées et les guerriers qui les manient sont sept. Ils défendent un village face à des bandits qui souhaitent le détruire. Ce sont des combattants vertueux, issus dun peu nimporte ou. Lun deux a été élevé parmi les loups et entre dans une sorte de rage lorsquil combat. Enfin bref, ces éléments rappellent inévitablement Les sept samouraïs dAkira Kurosawa, chef duvre intemporel quil semble toujours présomptueux de vouloir plagier et égaler. Dun autre coté le roman original est assez ancien (70 ?) et ne sinspire pas je pense du film. Revenons donc à la controverse, si on peut qualifier les quelques lignes que jai lu à ce sujet dune telle façon On lui reproche par exemple de ne pas avoir renouvelé le genre, davoir voulu faire comme son aîné nippon, en sattardant sur les personnage sans utiliser de véritable héros (peut être pour faire chier Yimou ? éhéh). Je trouve pour ma part quarriver ne serait-ce quà la cheville de Kurosawa est déjà une belle ambition, et que réaliser une fresque épique qui tienne la route sans grande figure héroïque est la preuve dune certaine maîtrise Bien sur reste à se convaincre que le film est cohérent, aspect sur lequel le film est aussi attaqué, en raison de ses coupes franches. Tout le monde ne peut pas se payer le luxe dimposer 3h30 de pellicule aux producteurs et distributeurs, surtout quand on sait les pressions de notre temps sur la durée des films, qui bientôt va être fixée par décret, comme les séries ou les clips Académisme désastreux que seul les plus grand arrivent à briser. Mais on digresse Pour en revenir à la cohérence, je trouve les ellipses contraintes plutôt réussies, elle donne un ton de mystère aux personnages, elle donne envie de voir un pré quel, et en même temps elles nous dispense des scènes pseudo psychologiques sur lenfance et les malheurs des héros. Et puis il faut peut être aussi revoir ses attentes. A coté de Wu-ji, ce film est un chef duvre. A coté de Hero cest un très bon film, et je le préfère à Tigre et dragon, bien que la ce soit par pur goût du brut de décoffrage et des combats un peu réaliste. Justement, les combats, qui après tout sont laspect le plus important dans un Wu Xia : Ils sont tout simplement parfait. Daucun auraient voulus que Tsui Hark renouvelle encore le genre, fasse une seconde fois preuve de génie et bouleverse les techniques cinématographiques et les codes du genre 10 ans seulement après the Blade. Il la fait une fois et cest suffisant. Je ne lui en demande pas plus. Surtout que mine de rien les combats mêlent technologies récentes (les décors sont magnifiquement stylisés, ainsi que certaines scène, le première notamment ou les légions de Ravage annihile un village et affrontent Fu : Le gris et le rouge sont très joliment opposés) et chorégraphies parfaitement huilés (Liu Chia Liang a beau être de la vieille école, on ne peut nier son talent) et interprétées par des acteurs rodés : Donnie Yen, Leon Lai, Charlie Yeung. Et puis Hark abandonne le réalisme pur et brutal pour sorienter vers un mélange entre celui-ci et une touche plus légendaire, fantastique, en la « personne » des épées. Ces dernières, forgées par le maître du mont céleste sont le reflet des sept états desprit par lequel il est passé au cours de sa retraite. Chacune a son caractère, son style et son guerrier attitré. Les noms anglais des noms dépée et leur traduction françaises nont bien sur rien à voir, mais je donne a peu prêt ce que ça peut donner : Goutte deau (Wu), Divinité (Han), Chimère (Chu) (le dragon en anglais), lOubliée (Fu), Les chasseurs détoile (Xing), Transcendance (Yang), le Fléau céleste (Mulang). Dailleurs remarquons le rôle central de ce personnage qui forge aussi bien les lames que les âmes, et qui oriente chacun vers sa destinée, sa voie.
Donc pour moi ce film est très loin dêtre une déception, même si en effet on pouvait attendre un chef duvre de plus de la part de Hark, ce que ce film nest manifestement pas malgré la musique entraînante de Kenji Kawai. Il reste tout de même un incontournable pour tout fan de film de sabre, un film ayant une approche nouvelle, qui tend à briser la vague desthétisme des Yimou et Lee, renouant plutôt avec le réalisme de la Shaw ainsi quavec ses thèmes (le film se déroule durant la même période que la célèbre trilogie de la chambre de Shaolin). Le personnage de Xing est dailleurs un hommage vibrant à San Te, le héros de la 36ème chambre (Scène hommage hilarante lorsque Xing, affublé de son bonnet qui lui donne une apparence de chauve donc de moine shaolin porte des seaux deau à bout de bras comme la célèbre épreuve de lune des chambres du temple bouddhiste.). On peut aussi penser au célèbre studio lorsquon voit le déploiement dinventivité dont fait preuve Tsui Hark dans la forme et lutilisation des armes, qui ne sont pas sans rappeler cette que lon voit notamment dans « les 18 armes légendaires du Kung-fu ».
Dernier point, remarquons que le titre est une métonymie, les guerriers étant désignés par leur sabres (comme dailleurs cétait déjà le cas pour « The Blade » ) : ce ne sont pas « les 7 combattants », mais 7 épées. Et ce nest pas quune formule de rhétorique puisque les lames et leur « caractère » sont à limage de ceux qui les portent
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Bref bref bref, le film tient la route, il est magnifique, on a droit à quelques plans très beau, avec des paysages rappelant ceux du mariage de Tuya, les combats sont parfaits et lhistoire bien quassez académique offre une ou deux surprises intéressantes. On pourrait bien sur disserter des heures sur les valeurs défendues, leur portée actuelle, sur le positionnement de Hark par rapport à Lee et Yimou et sur sa vision du Wu Xia qui diffère sensiblement de la leur, mais je nai ni le talent ni le temps de le faire ! Enfin les ellipses dont jai parlé tout à lheure ont été réalisées une telle façon quon ne peut quattendre une ou plusieurs suites de ce film. Gageons que Tsui Hark prendra son temps, mais nous gratifiera de nouveaux opus aussi bien réalisés. Alors je vous dit à bientôt, et espère que vous saurez apprécier ce film à sa juste valeur, sans trop en attendre et en noubliant pas que ce nest quun Wu Xia, et que Tsui Hark nest pas Kurosawa
Carcharoth