Samouraï - Kihachi Okamoto
Samouraï (1969), réalisé par Kihachi Okamoto, et avec (entre autres...) : Toshiro Mifune (Rebellion, le sabre du mal, sugata sanjuro, entre le ciel et l'enfer, les sept samouraïs, etc...) et Keiju Kobayashi (Le sabre, Sajunro, Nuages d'été, ...). A une époque où le film de sabre revenait (60') à la mode (alors que pendant une période il avait été interdit et stigmatisé car archinationaliste), cette oeuvre d'Okamoto est très vite devenu un classique, une référence, et notamment ce duel entre Toshiro et Keiju (Niiro et Kurihara dans le film).
Evidemment, Toshiro Mifune réalise une performance énorme, à la hauteur de ses films avec Kurosawa, et montre ainsi (s'il en était besoin) qu'il n'a pas besoin du maître pour briller, qu'il n'est pas une simple Lune gravitant autour du Soleil, mais que lui aussi, à sa manière, et un astre lumineux et resplendissant de talent. Dans une réalisation très sobre (comme toujours) d'Okamoto, avec un noir et blanc très soigné (du moins dans sa restitution Wild Side, je n'ai pas eu la chance de le voir au cinéma...) et efficace au possible.
L'histoire elle aussi est efficace. Et tragique. Contrairement à ce que j'ai pu signaler dans l'article sur Harakiri, qui évitait soigneusement pour des raisons de principes et d'idéologie (sans le sens négatif qu'on peut donner aujourd'hui à ce mot dans le dialecte si particulier de nos amis journalistes et/ou politiques) de situer l'action de ses films à la fin de la période Tokugawa (1602-1868). Expliquons le contexte donc, puisqu'il est essentiel à l'histoire, dont le message est transparent pour tous les Japonais: L'ère Tokugawa correspond à une ère de paix forcé, de paix contrainte par le Shogun, dirigeant suprème du Japon (l'empereur existe, mais n'a aucun pouvoir...). L'administration et les cadres de l'armée formés par les proches du shogun dominaient et dirigeaient tout. Mais au début du XIXème siècle, l'arrivée des européens et le mécontentement grandissant commencèrent à destabiliser le régime. En 1853-1854, l'amiral Perry obligea le Japon à s'ouvrir (Bakumatsu: chute du Bakufu, politique de fermeture absolue), et les occidentaux pénétrèrent (encore très peu, mais tout de même) dans le pays. La réforme de l'armée étant bloqué par la cour, traditionnaliste, la situation semblait bloquée... Dans cette période de troubles, mais de paix, les samouraïs étaient de moins en moins nombreux, de moins en moins puissants. Voila qui amène notre histoire, qui s'inspire de faits historiques réels.
Les clans Satsuma et Chotsu veulent lever une armée de samouraïs et assasiner le premier ministre, Naosuké Li, ce qui provoquerait la chute du régime, puisque le shogun est en état d'extrème faiblesse. Mais les chefs savent qu'il y a un espion à l'intérieur de leur camps, et cherhcent à le démasquer avant l'attaque. Il y a deux suspects: Un ronîn sans passé, et un samouraï féru de philosophie occidentale (en qui on voit se dessiner l'opposition entre le vieux système féodal, représenté à merveille par le samouraï, et la "modernité" occidentale, personnalisée par des livres révolutionnaires). L'issu sera tragique, l'amitié entrera en conflit avec le devoir, le Bushido (thème archi-classique mais au combien efficace du combat entre le Girî et le Ninjo: sentiment personnels contre devoir, tradition contre modernité, tout le sujet du film en quelques minutes, en une décision qui va décider du sort du Japon).
On voit donc bien tout le tragique..., toute la terrible de la problématique "okamotesque".
Malgré cette nostalgie post-guerre mondiale, dans un contexte social que j'ai déjà evoqué (reconduction pacte de sécurité avec les USA, crise économique, grèves, nostalgie du glorieux passé et de ses valeurs), on ne peut que rester admiratif devant ce film de sabre historique, cette oeuvre magistrale qui mérite bien son rang...
Magistral à la réalisation, Kihachi Okamoto nous livre une leçon de cinéma: un final glacé, dans un hiver qui annonce le dernier acte de l'ère Tokugawa, du monde des samouraïs.
Carcharoth