Rainy Dog, une douche Mikkienne
Rainy dog est le second volet de la trilogie « Black Society » (entre Triad Society et Ley Lines), et bien que cela puisse paraître illogique et incohérent, je commence par lui. Ni épisode charnière, ni simple intermède, le film vit par lui-même dans cette trilogie sans queue ni tête que nous sert Miike. Ca y est, vous avez entendu ce nom, vos sens doivent être en éveil, vos yeux se dilater, vos doigts trépigner Ici, pas de violence excessive, pas de viol, pas de sang à tous bouts de champs, pas de spermes ou de membres coupés, mais une simple histoire de Yakuza comme le réalisateur les aime tant. On apprend en effet dans les bonus du DVD (toujours grâce à J.P. Dionnet !) que Miike a quelques amitiés chez les mafieux tokyoïtes, et quils lui rendent parfois un coup de mains lors des tournages Une facette intéressante du personnage nest ce pas. Ceci me fait aussi penser quil faudrait un jour que Nostalgic ou moi-même (ou les deux) rédigions un petit article sur cette institution japonaise que sont les yakuzas.
Yuji et son ennemi, une relation de longue date
Rainy dog donc (ou Gokudô kuroshakai), tourné en 1997 à Taiwan, et plus particulièrement dans les rues de sa capitale, Taipei, raconte lerrance de Yuji, un ex yakuza qui a fuit le Japon pour attendre que les choses se tasse, et qui travaille comme tuer pour un potentat local. Il pleut, il pleut souvent, les rues sont bondées, les petits commerces sont légions, on y déguste toutes les spécialités de lAsie, dans des quartiers ou les touristes viennent peu Tous les habitants connaissent les mafieux, les acceptent et vivent avec. Yuji, errant au milieu de tous ça, vivant dans un taudis à peine construit, qui le protège à peine de la pluie (de laquelle il se méfie comme de lacide, ne sortant jamais quant elle tombe, ajournant ainsi maints contrats !), est poursuivi par un homme (Tomorowo Taguchi) qui veut apparemment le tuer, mais ny arrive jamais, et cela depuis très longtemps. La routine donc.
Mais comme la vie ne vaut la peine dêtre vécue que si elle rebondit souvent, Miike introduit un élément déclencheur. Un beau jour, alors quil pleut à verse, Yuji reçoit la visite dune femme, qui dit avoir eu un fils de lui. Ayant marre de sen occuper, elle le lui laisse et senfuit avant que le pauvre yakuza, déboussolé, nait eu le temps de protester. Lenfant, complètement muet, reste sous la pluie. Il se met ensuite à suivre son « père » dans tous ses déplacements, lorsquil parle à son chef, lorsquil mange, dort, ou exécute un contrat Yuji ne semble pas gêné par sa présence, on peut même dire quil se fiche royalement de lui, malgré ses 8 ans et son air tout triste. Presque tous les éléments sont maintenant posés, il ne manque plus que La femme ! Comme nous sommes dans un film de yakuza, il sagit dune prostituée idéaliste, Lily (Ming Jun Gao), avec qui Yuji entretient des rapports réguliers mais ambigus.
Ces trois personnages forment une sorte de petite famille complètement déstructuré, dans laquelle aucun des membres ne soccupe des autres, tous vivotant comme il le peuvent, jusquà ce que le patron de Yuji ne le trahisse, après quil ait abattu un chef rival. Il senfuira alors avec son fils et « sa » femme, avant que lhistoire ne se termine dans un final ahurissant sur la place publique. Mais nallons pas trop vite en besogne Fuyant la mort, le trio va se retrouver sur la plage, dormir dans un abri de fortune, et vivre un semblant de bonheur ensemble, chacun essayant de faire plaisir aux autres. Ils trouveront un scooter ensablé, suniront autour de son extraction et de sa réparation, puis rouleront tout trois à son bord, dans une scène ou lon ressent tout ce qui peut les unir, et ou lon voit le bonheur suinter de leurs pores
Il en faut peut pour être heureux
Malheureusement, arrivée dans une ville pour y faire une pause et récupérer chez un ami de Lily, ils seront surpris par un guet apent. Ils devront fuir sous la pluie, Lily mourra, Yuji aussi, finalement abattu par lhomme qui le poursuit depuis le début (et qui hurlera de joie, enfin libéré de sa tache, assigné il y a plusieurs années par ses maitres au Japon !). Enfin le fils parlera, hurlera plutôt, de voir son père mort après lavoir sauvé, père quil ne connaît que depuis très peu de temps mais à qui il sétait énormément attaché. Final cathartique donc, puisquil permet aux personnage de relâcher toutes leur émotions, de les libérer, et pour nous tout séclaire
Une dernière réplique (qui inspira Tarantino pour Kill Bill lors de la scène entre Uma Thurman et la fille de Vernita Green) sur la vie, la mort et la haine, et le film se termine sur des accords lancinants de guitare
Voila donc pour lhistoire. Coté acteurs, jai oublié de dire que cétait lhabituel Sho Aikawa qui tenait le rôle de Yuji, et quil est toujours aussi bon. Au fil des films, on comprend pourquoi il est lun des acteurs fétiches de Miike. Pour la musique, elle est très psychédélique. Ce nest pas un biais par lequel Miike est habitué à faire passer des émotions. Elle ne fait souvent quaccompagner laction, ou alors est carrément absente. Ici, au contraire, on la sent très présente, elle empli lespace, oscillant entre guitare électrique et instrument traditionnel japonais. Intéressant aspect que Miike na pas vraiment reconduit dans ses films suivants. Il faut dire que ce film ne ressemble pas tellement à ce quil a pu faire par la suite. Ce serait presque un film normal, par lequel entamer la filmographie du réalisateur serait une bonne chose.
Comme dans Bird People in China, il nous parle de Yakuzas hors du Japon. Jai déjà pu souligner cet aspect de Miike. Il nest pas fermé, pas attaché à tout prix au Japon, à sa culture, etc Il considère les peuples de lAsie comme un seul et unique ensemble quil aime à confronter et à filmer. Ici donc, Taiwan, pays qui peut admirablement servir dintermédiaire entre la Chine (par son peuplement) et le Japon (par son économie, son style de vie). Pays ou la mousson fait rage la moitié de lannée. Et on a pu voir que la pluie était un des éléments principaux du film, puisque la seule fois où Yuji laffronte, il meurt.
Que dire de plus Le film passe vite, bien, il sen dégage une atmosphère à la foi étouffante, oppressante (la pluie quasi permanente, les nuages, la végétation toujours verte, le sable gris, la mer grise, les bâtiments gris, le vie grisâtre des personnages, etc ) et euphorique, poétique. Le mutisme du fils, le peu de paroles prononcées par Yuji et Lily plonge le spectateur dans une sorte détat second très spécial
Enfin, ce film se voit comme un Miike, même si on peut parfois oublier quil en sagit dun.
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Citation : (dernière scène, après la mort du père, le fils voit le chef des bandits se relever, sauvé par son briquet )
« -aahahah . Tu me détestes hein ? Mais cest la vie. Lamour, la haine, la colére, cest toujours la vie (Il le vise avec son arme puis la baisse) Je serait toujours la Grandit, et viens me tuer »
Carcharoth