Memory of Love, Wang Chao, 2009
Memory of Love, Wang Chao, 2009
Après Voiture de Luxe, Prix un Certain regard à Cannes en 2006 (son premier film, les orphelins d'Anyang avait déjà été sélectionné en 2001) Wang Chao revient avec un film co-financé par des français et des hongrois. Néanmoins c'est bien lui et son équipe qui sont derrière ce film réaliste, envoutant et simple.
Memory of Love est l'histoire de Sizhu et Li Xun, un couple bourgeois, rangé et qui semble filer droit. On comprend cependant très vite que la jeune femme a un amant. Le lendemain, on annonce à Li (qui est chirurgien) qu'on a amené en urgence un couple, accidenté sur la route. La femme est Sizhu, l'homme Chen Mo, son prof de danse et amant. Lorsqu'elle se réveille, elle a tout oublié de ses trois dernières années, au cours desquelles elle s'est notamment marié avec Li Xun... elle se souvient à son réveil être amoureuse de ce dernier mais a complètement oublié le professeur de danse. Son mari va alors lui faire revivre son passé, afin que la mémoire lui revienne, mais en faisant en sorte de ne pas refaire les même erreurs qui ont conduit sa femme à se détourner de lui.
Alors qu'il avait filmé dans Voiture de Luxe la ruralité et la distance qui existaient en Chine entre les « exilés » de la campagne et leurs congénères des villes, Wang Chao concentre l'action de ce métrage dans une ville, Hongzhu et choisit des personnage de la haute société (du moins des classes moyennes supérieures). Le thème du film, même si on perçoit toujours au second plan un regard assez social sur la Chine actuelle, est simplement l'amour entre deux personnes et la (re)conquête d'un être. Mais Memory of Love, comme son titre l'indique ne se résume pas à un simple triangle amoureux puisqu'il inclut la dimension de la mémoire, de la reconquête d'un être aimé tout en sachant qu'on est en concurrence, qu'il faut séduire à nouveau en pardonnant la trahison. C'est tout un travail de réflexion, de mise en perspective que l'on perçoit chez le mari. A travers une mise en scène subtile, sans grosses ficelles, accompagnée de Piazzolla et Ravel à la musique Wang Chao exprime simplement et délicatement ce moment très délicat dans la vie de Li Xun. Amour, pardon, méfiance, tâtonnement dans les relations de couple sont autant de sentiments qui le traversent. Sa femme est elle aussi assaillit par les questions, les doutes car ses souvenirs reviennent par bribe et qu'elle entre à nouveau en contact avec son ancien amant, fou d'elle. Celui ci est d'ailleurs un peu laissé de coté dans le film, on le comprend surtout à travers les images qu'il a tourné de Sizhu et les quelques flash back qu'elle a.
La mise en scène de Wang Chao est surprenante, car douce, minimaliste mais aussi très travaillée et quasi-hypnotique. Le rythme en est presque parfait, variant imperceptiblement tout comme le jeu des acteurs qui semble un peu morne et froid au départ mais apparaît finalement comme très bon, tout en retenue et en silences évocateurs. Car encore une fois Wang Chao est réaliste, ses cadres sont très beaux mais montrent la réalité chinoise urbaine. A ce propos, les deux scènes en natures sont d'autant plus belles et bucoliques que le reste du film se déroule en ville. Notons que c'est là, au sein des roseaux que Li Xun emmène sa femme pour la reconquérir. Les scènes « dansantes » sont elles aussi très belles, silencieuses avec pour seul personnage Sizhu qui apprend la danse latine dans une salle feutrée.
Ainsi, malgré un univers froid, sobre et aseptisé où vivent ces citadins aisés (les maisons, hopitaux et même les fêtes auxquelles ils participent sont toujours très propres, hyper modernes et sans réelle personnalité) Wang Chao nous montre que les sentiments eux, sont toujours là même s'ils ont un peu de mal à s'exprimer et à se partager.
C'est un film d'auteur que voilà, une œuvre belle, sensible, intelligente ; il est vrai très « Cannes », avec des acteurs tout en retenue et en émotions, qui dégage une atmosphère hypnotique et envoutante grâce à sa musique douce et lancinante. Une fable sur l'amour, la modernité, le pardon.
Carcharoth