Infernal Affairs 3, Psychologie infernale d'une trilogie.
Infernal Affairs 3 (Mou gan dou III), Andrew Lau et Alan Mak, 2003.
Premier constat, malgré le titre à chiffre de ce film, ce nest pas une suite. Et ce, même si Infernal Affairs est une trilogie. Triptyque culte pour certains, film génial affublé de deux suites lucratives pour dautres, et ainsi de suite. Si presque tout le monde, critique, gens de cinéma et spectateurs se sont accordés sur la qualité du premier volet, les deux suivant, pourtant tournés a priori sans autres volontés que délargir un peu lhistoire, suscitent bien plus de controverses. Jai déjà parlé du second volet qui était une sorte de préquelle aux épisodes centraux, projet en soi assez classique (Tout de même moins que de réaliser une suite) mais quarrivait à porter la réalisation de Lau / Mak et le talent des acteurs, malgré un scénario un peu moins dense et haletant que le premier volume. Pour ce dernier épisode, qui aurait du logiquement être une « fin » banale et assez peu intéressante, les réalisateurs et scénaristes sont allés chercher dans loriginal, le mélange, lambigu, ce qui comme on va le voir- nest pas forcément mieux
Les événements se situent, en gros, après lenquête qui a blanchie Ming suite aux divers meurtres de taupes et de flics au sein des services de police de Honk-Hong. Celui-ci est donc réintégré dans linstitution policière, et obtient en plus une promotion à la police des polices. Cette position lui permet denquêter sur le patron de la Sûreté, Yeung, que lon a vu en compagnie dun trafiquant chinois, et dont lun des employés vient de se suicider
*Ah, oui ! Si vous comptez voir le film, ou lun des deux autres, ne lisez pas trop ce qui suit si vous voulez que leffet de surprise soit maximal. A bon entendeur *
Dans le même temps, Ming reprend contact avec le docteur Lee, ancien psy de Yan (mort dans le un, il était lagent infiltré chez Sam), et entreprend de gagner sa confiance, moitié pour elle, moitié pour les dossiers que contient son PC, qui lui permettent de retracer « la vie psychologique » de son ancien « rival ». On le découvre aussi dans une période difficile, en instance de divorce, suite aux révélations faites par Yan à sa femme (Mary, prénom intéressant pour ceux qui ont vu le 2, ou lu mon article) avant de se faire tuer.
Partant de cette trame, le film prend une autre dimension que les précédents, change de registre, et plutôt que de continuer à explorer la voie purement policière, thriller, Suspense, part vers une plongée plus intimiste des personnages, retraçant leur passé, leurs doutes, leurs personnalités, leurs motivations tout en gardant un il sur le présent et cette nouvelle chasse à la taupe à laquelle se livre Ming, même si elle sert elle aussi à révéler un aspect de sa personnalité. Ce film, sous prétexte dune suite, se livre donc plus à une introspection quà une poursuite de lhistoire, ce qui en fait nest pas plus mal, car on sait que bon nombre de films on vu lintérêt scénaristique de leur suite très vite retomber IA 3 évite donc cet écueil en offrant tout de même à ceux qui voulaient savoir ce que devenait Ming de quoi se sustenter. Néanmoins, le genre choisi comporte lui aussi de nombreux risques, peut être même plus nombreux que ceux de la suite classique, à cause de lambition et de la difficulté de tenir en haleine les gens, même ceux qui ne seraient pas fan de la série, et de réussir un film qui « marche seul ».
Pour commencer, gargarisons nous un peu avec une idée positive : Andrew Lau et Alan Mak sont de très bon réalisateurs. Toujours impeccable et soignée, cette dernière surprendra dans ce film plus que celle de ces deux prédécesseurs. La mise en musique reste égale à elle-même, sans fioritures, pas exceptionnelle mais suffisante, avec un titre signé Jackie Chan (qui a aussi fait lOST de « Il était une fois en chine ») et Andy Lau (Ming dans le film). Puisquon parle dacteurs, enchaînons avec ceux du film. Encore une fois, tout va bien, Tony Leung, Lau, Leon Lai, Kelly Chen et autre Eric Tsang sont parfaits, justes, bon tout simplement. En parlant de ça. Ne regardez jamais, Ôh grand jamais ce film en VF. Elle est pourrie, les voix sont nazes et surfaites, même pas calées sur les lèvres ni les mimiques ou la gestuelle. Et je ne dis pas ça pour passer pour un amateur de cinéma (merci les Gras). Après avoir lu tout ça, vous allez me dire : « encore un bon film ? Ny a-t-il vraiment rien qui cloche ici ? »
-Hum rassurez vous, il y a des défauts. (Dailleurs il y en a toujours, mais dans ce blog on prend le parti de ne pas trop les voir !)
Tout dabord le fait, inhérent à une suite me direz vous, que lon ne peut pas comprendre le film si lon a pas vu IA 1&2. On ne le comprend dailleurs pas très bien même si on les a vu mais quon ne les a pas très bien en tête, et quand bien même La mise en scène est en effet touffue, créant une atmosphère un peu pesante, déroutante. Les époques se succèdent, se croisent et sentremêlent, et si vous ajoutez à cela les nouveaux personnages et lintrigue un peu compliquée, et bien vous pouvez aboutir, si vous lâchez prise quelques minutes, à un beau méli-mélo. Je ne vais pas révéler qui-est-qui ni qui-trompe-qui, mais sachez que de ce point de vu, on retrouve un peu ce qui se passait dans le premier volet. On sait bien que Ming nest pas clair, et quen tous cas il nest pas innocent, mais quen est-il de Yeung, que fricote-il avec Shen et Sam ? Quelles sont les relations entre ces deux derniers ? Quavait découvert Yan à leur sujet avant sa mort, etc La fin, déroutante, retourne comme une crêpe toutes nos hypothèses et nous laisse sur une note un peu étrange : rédemption, continuité, folie ? Qui est vraiment Ming, que voulait il ? Pas de certitude, juste des indices et des conjonctures, plus ou moins probables. Idem pour Yan, qui bien que mort est un des personnages principaux de ce film, grâce aux flashback permis par son dossier médical et ses liens (lui aussi décidemment !) avec Sam, Shen et même Yeung !
La vision intérieure de Yan nest pas extrêmement intéressante, et ma un peu déçue, puisquau final on a limpression quelle ne sert quà expliquer les liens entre les différents protagoniste, même si elle offre un prisme de point de vues nouveaux, qui passent (au choix) soi pour du remplissage soi pour un développement de la personnalité de Yan, et dévoilant la teneur des entretiens de ce dernier avec Le Dr Lee . Le personnage le plus important et intéressant reste tout de même Ming, en quête dune personnalité, dune respectabilité, mais qui souffre manifestement de troubles psychiques causés par le départ de sa femme, qui lui rappelle son échec avec Mary, lex épouse de Sam
Ce dernier épisode place dailleurs pour moi toute la trilogie sous le signe de la quête dune identité, la recherche du « moi ». Thème central de cette fin, et que lon retrouve bien entendu comme fil rouge tout au long des trois films (« je suis un flic » se gargarise Yan, ou Ming). Nest ce pas en effet surtout de ce sentiment de nappartenir à aucun clan, dêtre seul, désespérément seul (même sils ont la foi chevillé au corps) que montre la trilogie, à travers les aventures des « infiltrés », de ces taupes permanentes ?
Avec ce film, la boucle est bouclée, les wagons sont raccrochés. Toute la dernière partie se borne presque à lier le tout, rendre compréhensible les différentes scènes, à expliquer le pourquoi du comment des personnages, en refermant de multiples parenthèses et en revenant au sujet principal du film. La phrase « Tout ira mieux après demain », prononcée tour à tour par Yan et Ming avant de graves événements en est un exemple frappant, la dernière scène du film (qui est aussi une des première du 1) en est un autre.
Clôture intéressante donc pour cette série de film, assez différents les uns des autres, mais qui souffre de quelques longueurs, dune trop grand ambition peut être, et justement de la trop grande disparité entre les films. On voit dailleurs à cette occasion tout le talent de Scorsese, qui a réuni quelques aspects de IA 1&2 dans son film, en les greffant habilement sur le scénario du 1. On y perd bien sur beaucoup, mais le film gagne en densité et en intensité, tout en conservant lessentiel. Ce dernier volume est donc dune qualité mitigé, difficile à juger, un peu obscur, un peu « trop » A voir si la trilogie vous tente, mais en définitive voir le 1 seul nest pas plus mal, il laisse une part au mystère et à limagination plus importante. Ceci dit on ne passe pas un moment désagréable devant le 3, mais peu de choses y sont nécessaires, même si la fin est ce quil y a de plus intéressant, après une succession un peu alambiquée de scènes absconses A voir pour les amateurs, les autres, jetez vous sur le 1, et avisez.
Carcharoth
