Un blog collectif de deux amoureux de ce cinéma qui nous vient d'extrême Orient et qui nous dépayse tant. Notre blog se fixe un objectif unique le cinéma asiatique mais essaie de le traiter de la manière la plus large possible passant des films en noir et blanc aux plus recents, du Japon a la Thailande en passant par la Corée, d'Ozu le contemplatif à Takashi Miike le "fou filmant".
L'histoire, cette fois, tourne autour d'une double affaire. D'un coté, Hanzo retrouve la cadavre d'une fille de petits marchands qui est morte après avoir avorté. De l'autre, une rixe avec le ministre des finances et sa garde l'amène à s'intéresser à ce personnage et aux agissement d'un certain monastère aux pratiques étranges. Pendant ce temps le gouvernement opère de douteuses mutations de monnaie et le peuple grogne et vole. On demande donc, pour l'exemple, à Hanzo d'arrêter le pire d'entre les voleurs, qui projette de voler la banque d'Edo. Le flic accepte, mais il a son idée derrière la tête et voit plus loin que ce simple voleur...
Rapidement enchainé après le succés du premier épisode, ces aventures d'Hanzo sont confiées, un peu comme Shintaro Katsu avait pu le voir sur le tournage de Zatoichi, à un nouveau réalisateur. Après Misumi, c'est donc au tour de Masumura de s'y coller, avec joie. Tout comme le héros, ce réalisateur a un problème avec les codes, l'étiquette et les coutumes qui oppressent et jugulent le désir. Ils s'intéresse plus particulièrement au sort des femmes d'ailleurs, peut être à cause de son initiation auprès de Mizoguchi dont on sait les combats "féministes". Bref, si Hanzo le "rasoir" reste le héros, il serait intéressant d'étudier la mise en avant des femmes, sujet très important pour ses enquêtes. A cet égard, cet épisode est spécial à au moins un aspect : une bonne partie des femmes que questionne l'inspecteur au braquemart* sont des nonnes, ou des veuves.
Ainsi, il commence par démasquer une avorteuse clandestine qui profite du malheur de pauvres femmes apeurée par la naissance d'un enfant clandestin pour se faire une petit fortune, assaisonnant sa terrible pratique de rites plus ou moins officiels, tissant avec ses patientes des liens étranges. Hanzo tombe ensuite sur une véritable maison close, alliant sado masochisme et voyeurisme dans un très honorable couvent, le tout sous la houlette du ministre des finances lui même. Enfin, il doit surveiller la banque d'Edo, dirigée par une veuve, qu'il aide à combler son manque d'homme pour la rendre plus humaine. Mine de rien, et même si ce n'est pas de la plus belle des façons, les femmes sont mises en avant et défendues par Hanzo, qui les sort de leur carcan lorsqu'elles en valent la peine. Il se montre aussi très compréhensif vis à vis de celles qui sont obligés de se faire avorter, au péril de leur vie. Aucune pitié ou miséricorde pour ceux qui exploitent des prostituées et remplissent le rôle de maquereaux. Encore une fois, Hanzo se montre compréhensif avec la femme qui s'occupait de cela, il cherche à atteindre la tête, l'origine de l'organisation criminelle, et ne s'arrête pas à cette simple exécutante, même s'il la torture et la "viole" pour la faire parler. Comme toujours d'ailleurs, sa séance de torture "paradisiaque" se termine dans son bain, avec un verre de saké, en compagnie de la jeune femme qui fraternise avec lui. Ce coup ci il va jusqu'à la sauver, usant des pièges que nous avions pu admirer dans le premier épisode, des griffes d'horribles ninjas gouvernementaux.
Hanzo est d'ailleurs toujours aussi insolent, en porte à faux avec l'étiquette et sa hiérarchie. Il ne se gène pas pour attaquer une escorte ministérielle pour capturer deux insignifiants bandits, pour insulter le général du shogun en la présence d'un ministre, pour appeler son supérieur "le serpent" devant un juge d'état, pour entrer dans un monastère, hors de sa juridiction qui plus est. Dans un monde régi par le respect, la règle et l'extrême soumission à la hiérarchie, Hanzo fait figure d'anachronisme et dexception. Il le montre encore un fois, dès le début du film, en s'écriant à la face de ses deux acolytes qui lui font remarquer que l'affaire se déroule hors de sa zone : "Nous poursuivrons l'injustice jusqu'au bout du monde s'il le faut !". Il n'hésite pas non plus à rappeler au juge sa mission, qu'il n'accomplit pas avec assez de zèle selon lui, et à critiquer devant lui l'action du gouvernement qui baisse la qualité de la monnaie et créé une forte inflation, obligeant les plus pauvres à voler pour survivre. Défenseur du peuple et des honnêtes citoyens, il cherche toujours derrière la petite criminalité une cause plus haute placée. Et il y en a toujours une dans les affaires qu'il traite. La transformation d'un temple en maison close est du au bon vouloir d'un ministre, le vol à la dévaluation de la monnaie par le même haut fonctionnaire, qui au passage se garde une partie de l'or économisé...
En parlant de ça, je me permets un petit délire interprétatif. Ça fait longtemps que je ne l'avais pas fait, alors j'espère que personne ne m'en tiendra rigueur. Anyway, "les spectateurs ne nous regarde plu s..." Donc, comme vous avez pu le remarquer, le film a été réalisé en 1973. *tilt* Année du choc pétrolier, juste après la fin du SMI, et plus particulièrement au Japon, période de forte inflation car depuis deux ans le yen "flotte", ce qui n'est pas sans poser divers problèmes aux ménages et aux entreprises les plus faibles. Le miracle économique avait des pieds d'argiles, la société japonaise n'encaisse pas si bien que ça. Enfin, entre 1972 et 76, c'est l'affaire Tanaka Kakuei: ce ministre est mis en cause dans de nombreux scandales financiers. Il n'est donc pas impossible de faire des rapprochements entre la situation contemporaine à l'écriture du scénario et l'histoire de ce dernier. Par ailleurs, cette situation financière était loin d'être inconnue des japonais du XVIIIème siècle. Bon après j'ignore si ça colle à un épisode du manga ou pas. Ce délire doit donc être tenu pour ce qu'il est.
*Si si, son arme favorite est bien une petite épée.
La fiche imdb du film.
Le premier épisode d'Hanzo sur le blog.
Carcharoth.