Hakuchi, une idiote au message bien profond...

Publié le par Nostalgic-du-cool

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Hakuchi (où l'innocente en anglais), est un film mi-onirique, mi-SF, dans lequel on retrouve T. Asano, Mayako Koda, Reika Ashimoto et Masao Kusakari et qui raconte l'histoire d'Isawa, jeune assistant dans une équipe de Media Station, la chaîne principale de ce Japon temporellement non situé. Inspiré d'une oeuvre de Ango Sakaguchi (1906-1955, écrivain anti conformiste qui écrivit notamment un livre, en 1946, sur le rôle du Bushido dans décadence du Japon), il décrit un pays en guerre, constamment sous la menace de bombardements, habités par des habitants terrorisés et dominé par média station et par son égérie, Ginga (Reika Ashimoto, mannequin de son état). Isawa est un employé malmené par ses pair car étrange, non conformiste, rejetant la dictature de la jeune Ginga, prostré, réalisateur à ses heures de petits films sur la vie des gens, sur la guerre, ou sur des sujets bien plus poétiques (l'un d'eux a pour seul acteur le vent, faisant avancer les nuages et bruire les feuilles). Rejetant le réel, il vit dans son monde, et a des pulsions morbides (il tente de se suicider presque tous les jours, peut être la corde est elle son seul lien avec son monde ?). Il vit dans une misérable chambre, qu'il loue à un couple plus ou moins honnête, dans un quartier ou se côtoient prostituées, voleurs, bandits, malfrats, solitaires et... une idiote ! Cette dernière, mariée à un homme qui a amassé une petite fortune et en a profité pour se construire une maison au fond d'une impasse, dessine des visages aux pierres, leur permettant ainsi de s'exprimer. Isawa, tyrannisé par Ginga pour la seule raison qu'il refuse de l'aimer, s'éprend au contraire de cette idiote, muette, et entreprend de conter leur histoire.

 

 

hakuchiLes bombardements dans ce monde dominé par les médias font tout de suite penser à 1984 de Orwell (c'est d'ailleurs ce que proclame la promotion du DVD: A mi chemin entre 1984 et Brazil) même si l'ambiance n'est pas du tout la même. Des le début, on comprend qu'Isawa ne vit pas dans ce monde: il se contente de prendre en photo des cadavres calcinés et des enfants brûlés, semblant totalement insensible à leu sort... Il est un contemplateur: il observe la déliquescence de la société à laquelle il appartient, et même participe, puisque il travaille avec la superstar vide et capricieuse qu'est Ginga. Il ne vit qu'à travers ses films puis de l'amour qu'il portera à la jeune idiote...

Avec elle, il s'enfuira de ce monde, entraînant sa destruction (réelle ou symbolique, et peut être les deux) dans un geyser de feu.

 

 

hakuchi1On l'a compris, ce film dénonce les effets néfastes des mass médias, de la manipulation des esprits par ces derniers, de la dictature de ce quatrième pouvoir, sa superficialité, sa dépendance vis à vis des stars qu'il a lui même créées, l'utilisation de la guerre par une junte militaire pour gouverner et la déliquescence (presque intrinsèque au peuple japonais pour l'auteur) du peuple, qui vit dans des taudis et développe des moeurs décadents (jugés comme tel...) sans s'en préoccuper plus que cela...

Symbolisme facile, portes ouvertes me dirait vous, et bien oui, et ce pendant plus de 2h... Mais le film est tout de même très intéressant, Asano encore fantastique de profondeur dans son personnage d'introverti névrosé (qui transmet au travers de simples attitudes ce que 20 minutes de monologues n'auraient pu rendre), et puis des visuels magnifiques, travaillés, surréalistes, baroques (tout comme les costumes des show télévisés pour lesquels travaillent Isawa), surchargés par instant, très sombres et sobres lors d'autres....

Ainsi, pour moi, si les promoteurs du film ont pu le comparé au Brazil de Gilliam, c'est plus pour l'enchaînement parfois abscond des scènes et leur incongruité que pour le message philosophique dégagé. Brazil est un chef d'oeuvre, la ou Hakuchi fait encore un peu brouillon, et surtout traîne un peu et s'attarde en clichés et idées préconçues.

 

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 Visuellement somptueux, mais utilisant un symbolisme trop facile et surchargé la ou il aurait suffit de sobres idées, Hakuchi est prometteur, intéressant pour les amateurs du genre, mais rebutera peut être ceux qui aiment les dilms courts et simples. La performance des acteurs vaut le détour, ainsi que certaines scènes touchantes ou fortes.

La critique du Japon actuel bien sur est aussi un des aspects à ne pas négliger de ce film, qui même s'il a été largement ispiré par un roman de l'immédiat après guerre, n'en reste pas moins d'une actualité brulante, du moins pour certains analystes...

Enfin, au delà de la critique (facile sans doute) du système, on peut voir le parcours d'un homme, d'un artiste, "d'un auteur", dans une société à laquelle il est étranger, sa (ses) mort(s) symbolique(s) et sa renaissance, à la façon d'un phénix, dans une nuit de flamme...

 

Carcharoth



Publié dans Japon

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