Gozu, ou comment l'oeil tordu de Miike se posa sur les yakuzas...

Publié le par Nostalgic-du-cool

Gozu, Takashi Miike, 2003

                Pretty Pictures          

 

Bon, encore un Miike vu, encore un a commenté, et on peut encore ressortir les poncifs habituels sur lui. OVNI, culte, déjanté, fantasmagorique, décalé, taré, complètement barjo, incompréhensible, interprétable de mille et mille façons (dites vous qu’une personne y a vu un remake de Alice au pays des merveilles…). Entre Visitor Q et Bird people in China, voici Gozu, qui oscille entre polar scato et Odyssée intimiste. Le sous titre japonais est tout de même « Yakuza horror theater », mais nous, Intelligentsia Cannoise  français avons la chance de le voir sélectionné à la quinzaine des réalisateurs, et donc automatiquement distribué en salle, alors qu’il n’est sorti qu’en vidéo au Japon. Enfin, les aberrations de la distribution ne m’étonnent plus…

En salle ou devant son écran de télé (voire d’ordinateur pour les moins riches, son home cinéma pour les connards plus vernis), voir un Miike est toujours une expérience et une épreuve… Celui-ci ne déroge pas à la règle, et on arrête très vite de se demander pourquoi il est sorti directement en vidéo. Non pas à cause de sa qualité (j’entendais déjà les mauvaises langues dire : « ah ! Enfin sur ce putain de blog ils vont casser un film et arrêter de tout encenser sans distinction ? ») mais de son propos et des images que l’on peut voir : pèle mêle, des peaux de yakuzas (sans l’intérieur, conservé dans des poubelles..), un homme qui n’a d’érection qu’une fois une louche dans son anus, un accouchement (un homme entier et adulte bien sur !), la bite de Frankenstein (combien de temps faudra-t-il dire que Victor Frankenstein est le docteur qui créé le monstre, et que ce dernier n’a pour seul appellation que celle de « créature », sacré japonais alors ! lol) et encore bien d’autres… (ah oui : peut être un petit clin d’œil au Tetsuo de Tsukamoto, il y a un dialogue téléphonique cocasse !)

Tout d’abords, un petit résumé de l’histoire, car oui il y en a une, et plutôt suivie et « logique » (enfin logique de Miike quoi, si vous voyez ce que je veux dire…) : Ozaki et Minami sont yakuzas. Ils assistent tout deux à une réunion de leur boss, obnubilé par la gente féminine. C’est alors qu’Ozaki aperçoit un chien blanc qui le fixe dans la rue, à travers la devanture du café ou ils sont. Son esprit vif et alerte ne fait qu’un tour, il prévient son chef que le vil canin est un agent anti-yakuza, et sort l’éliminer : Il le jette par terre à plusieurs reprise, l’écrase contre la vitre, le frappe, puis rentre poursuivre la discussion, sous l’œil plus ou moins éveillé de ses congénères. On comprend donc très vite (surtout parce qu’on a le résumé du dvd et des divers sites sous les yeux, je doit bien dire que depuis que je vois des Miike j’oublie d’interpréter ses films ou de chercher une raison aux actions de ses personnages…) qu’il souffre à un degrés assez avancé de paranoïa, sans doute à cause du stress engendré par la trop longue pratique de sa « profession ». Son patron décide alors de le renvoyer au placard et confie cette tache au jeune Minami, meilleur (et peut être seul) ami du yakuza comme je l’ai déjà dit plus haut (mais je sais que vous ne lisez pas tout alors…). Il est chargé de l’amener à Nagoya, dans la campagne nippone, dans un lieu fort justement appelé « la casse des yakuzas » (nous en reparlerons…). Malheureusement, la parano d’Ozaki frappe encore en route : il remarque en effet dans le rétroviseur qu’une voiture blanche les suit depuis plusieurs minutes sur la petite route qui mène à Nagoya. Il frappe donc Minami qui freine en catastrophe et se bloque en travers de la route. Ozaki jaillit de la voiture, sort son pistolet et se met à l’abri derrière la carlingue, enjoignant son compagnon à faire de même. Celui-ci s’exécute, même s’il ne comprend pas encore pourquoi… Il observe alors la petite voiture et répond négativement à l’hypothèse émise par Ozaki : ce serait une voiture anti-yakuza ! Malgré les arguments de son frère d’arme, Ozaki marche sur le véhicule et est tout prêt de tuer la femme qui le conduit. C’est alors qu’intervient Minami qui rentre dans le yakuza pour l’empêcher de commettre ce meurtre inique et absurde. Mais ce heurs assomme le paranoïaque, qui est installé dans la voiture, prêt a être amené à « la casse ». Mais Minami, inquiet, pensant le réveil proche, se retourne assez souvent pour voir son « aniki » (-frère -, d’où l’incohérence de la traduction du film de Kitano « Aniki mon frère », réplétion qui montre toute l’étendu de la qualité du distributeur, que nous remercions tout de même au passage de nous offrir les sous titres en français…) endormi paisiblement sur la banquette arrière. Ce qui l’empêche de voir que la route est coupée par… une rivière ! Coup de frein brusque, Ozaki (qui n’était pas attaché (et voila pourquoi le film sort en vidéo, quel mauvais exemple pour les jeunes sinon !), combien de fois faudra-t-il dire et répéter que la ceinture, c’est obligatoire ! D’ailleurs très bon clip pour la sécurité routière…) est projeté sur le siége avant (qu’il défonce d’ailleurs !) et se tue. Le pauvre yakuza, un peu perdu, fonce vers le bar le plus proche pour donner un coup de fil et réfléchir à la situation… Son café et son flanc salé se mélangeant dans son estomac déjà passablement retourné, le voila qui vomi dans les WC (spartiates !). Et lorsqu’il revient, stupeur et tremblement, Ozaki a disparu de l’arrière de la voiture ! Il n’est pas dessus, il n’est pas dessous, il n’est plus la ! Commence alors l’enquête, que j’oserais qualifier de kafkaïenne, de Minami pour retrouver son « grand frère ». Il questionne les énigmatiques tenanciers du bar, les clients, pas de réponse, il parcourt la campagne (à la recherche d’un clan amis que lui a indiqué son boss, en plein coït lors de l’appel !) et pan, un os ! Un os dans le pneu (un michelin si je me m’abuse, vraiment de la camelote cette marchandise européenne !), comme le lui fait remarquer, à l’oreille, un personnage haut en couleur (à non merde le blanc n’en est pas une) : il souffre en effet d’une dépigmentation de la moitié du visage !

Cet homme l’amène dans une décharge ou il pense pouvoir trouver un pneu de rechange, et voila-t-y pas que Minami aperçoit une inscription du clan qu’il recherche ! Du clan il ne voit en fait que deux membres, habitants dans un taudis, et qui proposent de l’aider s’il répond à une devinette : « Qu’est ce qui est immobile mais qui passe ». Ce sera le premier petit jeu du blog, celui qui répond gagne autant que le polonais du chiffre et des lettres des Inconnus. Toujours est il que le yakuza trouve la réponse, et obtient donc l’aide du bicoloré (qui faisait parti du gang, le Japon c’est petit !), qui commence par l’emmener dans une auberge pour qu’il s’y restaure. La patronne jardine, son frère, étrange amène notre yakuza à sa chambre, suivit de prêt par Nose (le dépigmenté) qui ne veut plus repartir, à cause d’un mauvais pressentiment. Minami finit tout de même par se retrouver seul, dans un bain, pendant que la patronne lui prépare un repas. La voila tout de même qui surgit en serviette, la poitrine gonflée, pleine de… lait ! Après ce petit intermède qui n’est pas sans rappeler un certain visiteur (Q ?), il peut enfin prendre son repas (même si le plafond goutte d’un liquide blanchâtre…)-(du riz gluant, des haricots rouges et du saké) et se reposer. Le lendemain matin il retrouve Nose, blessé à la tête (on apprendra plus tard qu’il est tombé) pour aller ré interroger les clients du bar : ils n’ont pas bouger d’un pouce, et tiennent les même discussions que la veille ; Minami reprend un café (précisant cette fois qu’il ne voulait pas du flanc salé offert par la maison) et laisse Nose interroger les deux clients parlant du temps… (Comme dirait un certain auteur, « si les hommes ne parlaient plus du temps, les discussions seraient deux fois moins longues… ») Qui sont en fait deux anciens amis ! Minami se retrouve donc seul et désemparé, et retourne à l’auberge ou la patronne lui propose de tenter une expérience spiritiste pour retrouver « Aniki », son frère étant un medium… l’expérience tourne cours, puisque de medium il n’y a point, la patronne voulait juste satisfaire le client et battre son infortuné cadet ! C’est à ce moment cocasse que Nose refait surface, expliquant au passage son attitude dans le bar : Les deux client énigmatiques et hermétiques étaient deux anciennes terreur du collège, et il était mort de peur devant eux ! Il a néanmoins appris que Ozaki était passé au bar pendant qu’il vomissait, et qu’il avait voulu acheter du riz gluant. Renvoyer de petit commerce en petit commerce, au fur et à mesure des achats de son compagnon, Minami parcourt toute la ville et découvre ses habitants, tous plus étranges les uns que les autres : Une américaine qui vend du saké et répond en lisant un « prompteur-papier », un commerçant nationaliste, etc… Sa petite pérégrination le fait atterrir…. Dans son auberge ! Il se rend compte qu’il a dormi juste au dessous de son ancien ami. Il décide alors de passer la nuit dans cette chambre, en espérant son retour (il est parti sans payer, laissant juste ses achat avec lesquels l’aubergiste lui a fait son repas !). Il le voit en effet en pleine nuit, mais ce Ozaki est un centaure qui se met à lui lécher le visage avec sa grosse langue rouge et gluante, laissant des litres de salive sur la peau du pauvre Minami qui s’évanouit… et se réveille aussitôt dans son lit : ce n’était qu’un cauchemar ! Il retrouve néanmoins dans ses affaires un papier qui lui donne rendez-vous… Enfin bon, le voila qui découvre la peau d’Ozaki à la « casse » (et il assiste au passage à un broyage de voiture, avec ses occupants), au beau milieu d’une étrange collection qui n’est pas sans rappeler un film avec un papillon, un agneau et pas beaucoup de bruit… Mais sitôt assuré que le yakuza est bien mort, voila qu’il tombe sur nue femme qui se prétend Aniki, et le lui prouve e racontant à Minami plusieurs scènes que seul lui et Ozaki ont vécues… Le jeune mafieux décide alors de faire se confronter le boss et la fille, dès le lendemain. (Et oué, dans la nuit qu’ils passent tout deux dans un love hôtel, il hésitera plusieurs fois entre le canapé et la chaude couche d’Aniki-femme, dévoilant donc une certaine dose homosexualité). La confrontation tourne court, l’Aniki étant une très jolie fille dont le boss gobe toutes les déclarations dans le seul but d’être seul avec elle (il ?). Au moment ou il tente et réussit a démarrer une relation sexuelle avec, Minami surgit par la fenêtre, suspendu à un tuyau d’arrosage et en bien mauvaise posture. Pénétrant dans la chambre de son boss, il lui interdit de coucher avec Onizaki fait femme. Ce dernier le frappant, il riposte en l’électrocutant grâce à la louche qu’il s’est lui-même plantée dans les fesses pour bander… (Louche préalablement sélectionnée dans un lot impressionnant, toutes étant fichées dans des sortes de volcans en éruption miniatures, portant chacun une mention : celle choisie est estampillée « hard »).

 Après cela il s’enfuit avec Onizaki-femme, qui lui propose une partie de jambe en l’air (homosexuelle ?). Celle-ci vire très vite au délire, Minami restant coincé dans la fille (Visitor Q quand tu nous tient) malgré tous ces efforts pour s’en dégager ! Quand enfin il y parvient, il s’aperçoit que ce qui le retenait était en fait une main, à laquelle est accroché un corps et une tête…. L’accouchement se fait en direct, et revoilà Onizaki-homme qui se met au monde lui-même ! Un bon bain, et les voila tout trois se promenant bras dessus-bras dessous dans la rue… Un dernier petit cri, et c’est finis !

Pretty Pictures

 

Allez tirer une analyse de ça !

Tout d’abords, on peut noter la présence de presque tous les fantasmes et délires habituels de Miike : Lactation, homosexualité larvée, sexualité débridée ou inexistante (Minami est puceau, et il a subit une opération, son sexe étant apparemment trop gros, son boss lui est un chaud lapin qui -on l’a vu- ne fait pas dans le classicisme), inceste, personnages complètement absurdes, etc…

Le film est en gros partagé en deux partie : avant et après la disparition. Quand le yakuza est encore en vie, où dans la voiture, l’ambiance est un peu surréaliste, mais relativement posée. Ensuite on vire carrément dans le kafkaïen (en tous cas les personnages m’ont fait penser à ceux présent dans « le château » de l’écrivain tchèque. Complètement hors du monde, obtus, changeant, ayant leur propre règles que les étrangers ne peuvent saisir : aussi souvent Minami doit il entendre : « vous n’êtes pas de Nagoya vous ! » (Autre détail, tous les téléphones, tous les objets ont l’air vieux, hors temps, comme dans le roman de Kafka). Le tenant de la casse est un vrai fou, comme on les aime, qui n’a pas peur du flingue de Minami quand il lui annonce qu’il a tué son ami, tandis que son patron, assis sur une chaise assène régulièrement la même phrase.

Bien évidemment, comme dans tous les Miike, l’humour, noir ou scato, gras ou surréaliste, absurde n’est jamais absent : de nombreuses scènes sont hilarante (ou alors il faut consulter), tordantes, l’humour étant souvent indiqué par les bruitages : ainsi dans la scène de l’accouchement d’Onizaki, lorsque il sort entièrement du corps, cela fait un bruit de bouchon ! De même, la porte qui mène à l’étage est caché par un panneau qui n’est retiré qu’après qu »on est prononcé le proverbe qui y est suspendu : « Celui qui porte le lait est plus sain que celui qui le boit ». Pas mal pour une auberge tenue par une femme qui nourrie ses clients avec sa propre production laitière… Ca ne plaira pas aux amis des animaux, mais j’ai éclaté de rire lors de la scène de la mort du chien anti yakuza : voir cette peluche se faire balancer contre les murs, éhéh…. (Brigitte, si tu nous écoutes, tu peux rajouter ça à ta liste de préjugés racistes !)

La perversion sexuelle et tous les fantasmes qui vont avec sont bien sur aussi un des piliers du film : Les relations qu’entretiennent les deux héros sont ambiguës, frères, puis amant (au travers su corps de la femme) on ne sait trop quoi penser… La perversion est bien présente avec le boss, stakhanoviste du sexe, mais qui remplace le viagra par lesdites louches qu’il s’enfonce dans le cul.

Et puis le fantasme du sexe énorme, priapesque, que posséderait Minami, est typiquement miikien !

L’accouchement-réincarnatif coupe l’herbe sous le pied de tous les interprétateurs, les symbolistes (c’est pas Spielby qui callerait ça dans une de ces merdes œuvres hein ?) et autres critiques.

Enfin bref je ne pense pas devoir m’enfoncer plus longtemps dans des explications vaseuses, le résumé que j’ai donné fournit toute la matière nécessaire. Vous vous en rendez compte par vous-même, le Miike est fou.

 

Ce film est déjanté, drôle, pas trop violent, souvent scato, toujours inhabituel. Il suit sa propre logique tout le long, donc si on accroche le fil au début, on ne perd pas le nord du film (enfin quelque chose comme ça…). A voir, à essayer, à vivre.

Il n’y a pas que Kitano qu décrit le monde des yakuzas. Une vision sympa par Miike. Voila, bonne route…

 

(Pour le ton du résumé, désolé pour les blagues et les remarques inutiles, mais j’ai essayé de rendre un peu l’esprit loufoque de ce film à travers la narration… Chaque détail ayant son importance, et ces derniers s’accumulant la taille du synopsis a atteint un seuil limite, mais enfin, au moins vous n’êtes plus obligé de voir le film !)

PS: ah merde, j'oubliais de parler des acteurs, la il était tard, je me disias à chouette j'ai finis assez tot, j'ai presque tout dit, j'arrive encore à taper deux mots sans faire de fautes de frappe, mais non, j'allais oublier les acteurs: Ba encore Aikawa (Onizaki), encore très bon, son pote Minami est joué par Hideki Sone (avait déjà subit Miike dans Tetsuya quelques années plus tôt), tandisque la très jolie Onizaki femelle est interprétée par Kimika Yoshino (dont je ne connais aucun film). Shohei Hino (Nose) a quant à lui tourné pour Imamura (la vengeance est à moi), dans un autre registre, l'acteur jouant le boss (Renji Ishibashi) a tourné pour Tsukamoto (Gemini), Miike (DOA), Kon Ichikawa et de nombreux animes... Une sorte de star en fait !

En gros le casting est très bon, et ils avaient l'air de bien s'éclater sur le tournage...

-Vu pour cet article: Cinéasie, Zata, filmdeculte, IMDB

 

 

Carcharoth



Publié dans Japon

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