Ebauche d'étude: Kurosawa et les classiques européens.
Ceux qui connaissent les films de ce maître du Cinéma, cet "Empereur du septième art", savent que 4 au moins ont été inspirés par des classiques littéraires européens: L'Idiot, inspiré du roman homonyme de Dostoïevski, Ran inspiré du Roi Lear de Shakespeare, Le château de l'araignée, remake de Mac Beth et Les Bas Fonds, inspiré de la pièce de Gorki.
Je vais donc tenter de mener une étude comparative entre les différentes versions, a savoir: Ces films sont-ils du Kurosawa occidentalisé, ou sont-ce des chefs d'oeuvres asiatisés ?
Pour finir, et pour mettre tout le monde d'accord, je pense essayer de montrer que le génie de cet homme, de ce demi-dieu du cinéma dépasse les frontières, et qu'il s'est approprié ces magnifiques récits (ainsi que de nombreux livres et pièces japonaises) pour en faire des oeuvres globales (c'est à la mode ça, global), sur l'Homme et sa Condition (je ne pouvais pas dire condition de l'homme sans qu'on se demande: "mais ou est l'article sur Kobayashi ?").
Voila. Mais je pense attendre un peu, pour que les lectures et les films soient bien digérés.
* Je peux déjà commencé par l'analyse de Ran / Roi Lear que j'ai vu et lu...Petit résumé de l'histoire, pour ceux qui ne connaîtrais ni l'un ni l'autre. Attention, je raconte tout (spoiler comme on dit).
Le vieux Roi réunit ses enfants pour leur distribuer son royaume, en fonction de l'amour qu'ils lui portent. Deux jouent les hypocrites, le troisième, le plus fidéle et aimant ne dit que la vérité, provoquant la colère de son père, ne recevant rien, il devient un exilé, accompagné d'un fidèle serviteur. Dès qu'ils ont pris le contrôle, les enfants et leurs conjoints souhaite se débarrasser du père, le maltraite et le chasse. L'ex roi, furieux, regrette son geste et se rend compte de sa folie. Il part à la recherche de son dernier enfant. Dans le même temps, ces deux autres enfants (qu'il a passablement maudits) se déclarent la guerre, assoiffés de pouvoirs. Intervient alors le dernier fils, qui s'est rallié à une faction ennemie, et qui est bien décidé à se venger, et à aider son père.
Dès le début du film, on se rend compte d'une différence assez capitale: les filles du Roi Lear sont devenu les fils du daimo Hidetora Ichimonji . Comment en effet montrer une femme au premier plan dans le Japon médiéval du XVIème siècle ? Kurosawa a donc très intelligemment modifié l'histoire, tout en gardant son esprit: Ce sont bien les femmes des mauvais fils (donc les belles filles) qui conspirent contre leur beau père et poussent à la guerre, tout comme dans le Roi Lear,ou les hommes sont manipulés par leur femmes. Kurosawa a simplement inversé l'importance visuelle des personnages. Le fidèle Kent est remplacé par un simple serviteur, le fou qui accompagne le roi est un bouffon, reprenant presque mot pour moi les répliques de Shakespeare, tout comme le Roi en exil, maudissant la terre, dieu (et bouddha dans ran) et ses deux maudits enfants. Kurosawa a aussi tronqué l'histoire en oubliant Edmond et sa terrible trahison pour arriver au pouvoir. Dans Ran, c'est une simple guerre du fils contre ses deux frères qui s'entre-déchirent déjà. Une lutte pour l'honneur, pour la vérité et la reconnaissance du véritable amour. Le rôle des femmes est indéniable, dans Ran, elles semblent encore plus machiavéliques, car elles agissent dans le dos, en sous mains, dans l'ombre de leurs maris, qui ne sont que des fantoches soumis à leur volonté.
C'est elles, comme dans le Roi Lear, qui chasse le seigneur, et poussent leurs maris à les soutenir. ("Pourquoi rester avec ce vieil homme ? Si le rocher ou tu es se met à rouler, saute en ! Où tu iras avec lui est sera écrasé. Seul un fou resterait "). Elles sont aussi dans Ran les symboles du fatum ("Un homme nait en pleurant, quant il a fini, il meurt" ou encore "(le roi)-Je suis perdu... (Elle répond) -Telle est la condition humaine"), contrairement aux hommes, notamment au plus jeune et au plus innocent,candide, qui symbolise l'amour de la vie, la perpétuelle lutte, le combat de l'homme, de l'homme déchu, de l'homme inconditionné (quelle que soit sa condition). Dans Shakespeare, cet aspect est peut être un peu moins présent (voire beaucoup moins), il traite plus des thèmes de la trahison, de la piété filiale (très importante dans Ran, et au Japon en général), du pouvoir qui avilie les hommes, et encore plus les femmes (pas "faites" pour ça chez Shakespeare, vénales chez Kurosawa.)
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Carcharoth