Dream, de Kim Ki Duk (2009)
Dream (Bi-mong), Kim Ki Duk, 2010, Corée.
Alalala pauvre France, doux pays de mon enfance. Que vois-je, que lis-je ? Ces critiques alors ! ça vous "découvre" un cinéaste, et dès qu'il est un peu trop reconnu, hopla, il ne fait que de la merde et se la pète trop. Kim Ki Duk en est la. Encensé par une certaine presse au début de sa carrière, puis récompensé par des festivals et un certain succès commercial dans les salles et les ventes DVD, le voila conspué par ces même critiques, qui vu leur âge doivent souffrir d'un Alzheimer précoce. Depuis Locataire le pauvre coréen n'est plus tellement en odeur de sainteté auprès de nos critiques adorés. Heureusement ça ne l'empêche pas de tourner encore son fil et demi par an. Figure de proue du navire coréen il y a peu, le voila relégué aux fers pour les Inrock, les Cahiers et autres. Quelle peur m'a étreinte lorsque juste avant de pénétrer dans la salle, mon billet à la main, j'ai lu leurs diatribes ! (oui je suis encore naif, j'espérais qu'une critique négative des Inrocks ne soit pas obligatoirement le signe d'un bon film !). Et quelle honte que ces torchons, pensais-je en sortant de la séance. Quelles mauvaises raisons de ne pas aimer ! Quelle aigreur. Enfin passons... Dream, c'est autre chose que ce qu'en dise ces malheureux ! Dream c'est un film qui donne envie de dormir, de faire de la calligraphie, de visiter un temple coréen et de jouer au jungle speed avec des cailloux. Ça à l'air un peu étrange, mais c'est ça. Et puis ça l'est, étrange, en cela les critiques ne se sont pas fourvoyés. Enfin pas tous. Avec Dream, Kim Ki-Duk reste dans la même lignée que Time, Breath ou L'Arc. Il a quitté la violence et la cruauté de ses premiers films, même si on retrouve toujours des épisodes brutaux. De même, la folie, même si elle est devenue douce, n'a pas disparu de son cinéma (on pensera a The Coast Guard), pas plus que son sens de l'esthétique et de la sobriété. Les intérieurs des deux protagonistes sont épurés à l'extrème, chacun ayant son univers bien particulier. Mais peut être qu'avant de déblatérer sur KK-Duk, vous auriez aimé un petit résumé de l'histoire ? C'est bien simple, Jin et Ran découvrent qu'ils sont liés dans leur sommeil. Lorsque l'un rêve, l'autre agit. Jin rêve qu'il percute une voiture, Ran a un accident. Jin rêve qu'il fait l'amour à son ex petit ami qui l'a plaqué, Ran est dans les bras de son ex qu'elle a violemment rejeté. Jusqu'au jour où... Jusqu'où, jusqu'où peuvent aller les rêves ? Et jusqu'où iront Jin et Ran pour ne plus rêver, ne plus faire dans son sommeil tout ce que l'autre imagine sur son oreiller. Aiguilles de couturières, ciseaux à pierre, menottes tout un attirail va être mis en place en plus de la rotation de sommeil qu'ils mettent en place... Le cinéaste coréen engage donc une réflexion (ou plutôt des pistes, son gout de la sobriété (ou sa petitesse d'esprit diront les détracteur) empêchant de développer trop avant) sur une relation basée sur la complémentarité de leur sentiment. L'une fuit son ancien amant, trop possessif, l'autre court après sa dernière petite amie dont il est encore amoureux. Seule une relation amoureuse peut les sauver tout deux de leurs démons. Jin et Ran, c'est le ying et le yang amoureux. Comme le dit une femme qu'ils consultent, "le blanc et le noir sont une même couleur". Et bien que ce soit l'homme qui soit souvent vétu de noir et la femme de blanc (à l'inverse des valeurs classiques du Yin et du Yang), leur relation s'interprète parfaitement selon ce prisme (tout comme... le drapeau de la corée !), et la dernière calligraphie que réalise Jin fait plus que l'évoquer. Tout oppose ces deux être, nous l'avons décrit dans le bref résumé. Mais dans le film et à l'oreille aussi. Ce qui a semblé à l'auteur de la critique des Cahiers une excentricité me semble à moi une opposition de plus entre Jin et Ran: La femme parle coréen, l'homme japonais, mais ils semblent se comprendre. C'est tiré par les cheveux, certes, mais enfin... Ainsi je n'ai pas été aussi deçu que mes amis critiques. Bien que je n'ai pas adoré, et que je préfère largement Printemps, été, automne et... printemps à ce film, je ne le trouve pas mauvais pour autant loin de la. On y retrouve tout ce qui fait la qualité du cinéma de KK-Duk et aussi tout ce qui dès ses débuts pouvait géner: un gout pour la spiritualité, la violence, les sujets amoureux et un style très épuré avec un symbolisme pas toujours discret, mais que j'estime efficace et moins pompeux que celui tant adoré par ceux la même qui décrient celui du coréen. Au final Dream est un film plus que correct de Kim Ki Duk, que les amateurs se jettent dessus, les curieux aussi, mais autant prévenir ceux qui ne l'aimaient déjà pas que ça ne changera pas avec ce film.
Carcharoth