City of lost Souls, le Tokyo lusophone par Takashi Miike (2000)

Publié le par Nostalgic-du-cool

The city of lost souls (Hazard city / Hyoryu gai), Takashi Miike (2000)





Ah, Miike ! Six films en 200, dont un documentaire sur le Gemini de son pote Tsukamoto, une minie série à la télé, la deuxième opus de la trilogie Dead Or Alive et Audition, film qui marque son entrée dans le circuit international de la distribution et sa reconnaissance par un large public (qui depuis le catalogue horreur / gore). Et puis celui ci, la Cité des âmes perdues, film simple et beau, presque magique tant on se demande pourquoi il nous plait tant, comment on a fait pour entrer à ce point dans l'histoire lorsque retentit le coup de feu final.


City of Lost (ou last, selon le pays, allez comprendre!) Souls est un film qui reprend le thème favori de Miike, à savoir les étrangers, les marginaux et les yakuzas. Que ce soit sa célèbre trilogie (DOA), Bird people in China, l'autre trilogie Shinjiku Triad society, Blues Harp, Happiness of the Katakuris où encore Gozu tous ces films traitent, de manière certes assez différente de l'altérité, de personnages à la marge de la société ou qui y sont carrément opposés, ou encore d'étranger i/emigrés.




Ici c'est carrément un Miike do Brasil, tant l'histoire se déroule dans un quartier que l'on pourrait prendre pour l'un de ceux de Sao Paulo ! Mario sort de taule. Il tue ceux qui apparemment l'ont vendus, kidnappe un hélicoptère et vole (c'est le cas de le dire!) au secours de sa tendre et chère Kei, une immigré chinoise sur le point d'être ramenée au pays. Il a ensuite pour idée d'acheter de faux passeports et de quitter le pays pour Taïwan. Mais le chef d'une triade chinoise est encore épris de la belle, tandis qu'une ancienne conquête de Mario, une prostituée du nom de Lucia semble encore avoir le beau brésilien dans la peau. L'histoire se complique donc quelque peu pour nos deux héros dont la télé locale (en brésilien!) à fait les protagonistes d'un feuilleton-réalité. Surtout que pour payer les passeports, les tourtereaux ont la bonne idée d'aller voler de l'argent aux yakuzas en pleine tractation cocaïnée avec... la triade que connait si bien Kei ! Et qu'au lieu de voler le cash ils prennent les sachets de dope, que veulent ensuite à tout prix récupérer les yakuzas et leur nouveau chef, Fushimi, un excité de la gachette qui n'hésite pas à enlever une fillette et à diffuser sur la télé locale un avis de recherche. Le final arrive, on le sent, duel en perspective entre un japonais énervé et un brésilien amoureux. Les sentiments étant ce qu'ils sont, la fin est quasi jubilatoire même si on ne peut pas dire qu'elle soit joyeuse.




Analyser City of Lost Souls est très difficile. Car l'histoire et la forme ne sont pas révolutionnaire ni extraordinaire, ou du moins il n'y a pas de déploiement de grands effets de manches, ou un scénario à cinq niveau de compréhension avec des rebondissements permanent. Non, rien de tout cela, et pourtant le film marche admirablement et plait indéniablement. C'est cela la magie de Takashi Miike. Il réalise un film sans prétention, avec des acteurs parfois amateurs, oscillant entre le grotesque, l'absurde, le burlesque et la violence. C'est je crois ce mélange des genres qui fait tout la force de ce film et du cinéma de Miike en général. Il sait parfaitement doser chacune des composante pour réaliser un film qui fasse rire, qui surprenne par ses déchainements de violence, émeuve parfois avec de beaux sentiments (qui ne paraissent même pas mièvre au milieu du reste!) et qui à la fin nous placent devant l'absurdité profonde de toute vie à laquelle il faut donner un sens... ce que font très bien ses personnages, sans jamais avoir lus Camus !




Cette alchimie prend forme par exemple à la fin du duel entre Fushimi et Mario où leurs sangs écrivent en lettres pourpres un beau « LOVE » sur le sol. Kitsch mais hilarant, et comme on s'attend à tout sauf à rire à ce moment, l'effet est doublé ! Il en va de même pour les combats de coqs, où un personnage récurent qui perd toujours ses combats nous fait sourire à chaque fois en essayant de vendre les cadavres de ses bêtes à un snack. Ces même coqs sont le prétexte à une scène de combat à la Matrix, superbe parodie galliforme du combat entre Néo et Mr Smith. Et que dire de la toute première scène, où le réalisateur, comme à son habitude se livre à une explosion de violence aussi soudaine qu'inattendue qui dure quelques bonnes minutes et propulse le spectateur dans le film. On a aussi droit à un combat à la capoeira. Bref ce film est remplit de scènes frappantes. Et que dire des personnages, hauts en couleurs : Mario, le brésilien au grand cœur, Kei la prisonnière chinoise qui promet à sa mère de lui donner des nouvelle (elle a semble-t-il fuguée), Ko la parrain de la triade qui réalise des sculptures de Kei et joue admirablement au ping pong, ou encore Fushimi le yakuza au cache poussière, toujours secondé par son assistant qui cache sous son béret une crête de punk !



Je parlais de ping pong, mais qu'est ce que ça vient faire la dedans ? Et bien c'est un peu comme les combats de coqs, c'est pour le fun. Les chinois sont imbattables raquette à la main, que cela ne tienne, Miike met en scène un duel Fushimi-Ko au tennis de table ! Ko le fourbe déclenche un piège à la Tintin en Amérique (et hop je presse un bouton du pied en servant, et ziou v'la un disque de métal qui arrive sur Fushimi!) mais le yakuzas l'évite, sors son arme et abat son adversaire, tout en lui renvoyant son service de l'autre main. Jeu set et match, Miike vient de donner la solution pour éviter la razzia chinoise aux prochains JO !



Enfin je crois qu'avec ces quelques exemples vous avez compris le style du film, qui est émaillé des commentaires des policiers qui surveillent tout ce joyeux monde mais se gardent bien d'intervenir ! Commentaires souvent cyniques, absurdes et donc hilarants, notamment le dernier qui sert de chute au film.


Ajoutez à cela une musique résolument moderne, rythmée, mi brésilienne mi on ne sait plus trop quoi, et vous obtenez un cocktail détonnant, un film simple comme j'ai déjà pu le dire de Blues Harp mais qui cache une profondeur et une intelligence rare dans ce genre de film, le tout dans le style inimitable de Takashi Miike, explosif et corrosif. Une œuvre étrange qui demande la tolérance et l'ouverture d'esprit pour les étrangers du Japon. Un film comme on aimerait en avoir chez nous, avec nos situations qui s'y prête au moins aussi bien.. Mais sont-ce les frères Dardennes ou Assayas qu'y vont s'y mettre ? Non, alors donnez cette putain de palme à Miike, nom de dieu !




Carcharoth



Publié dans Japon

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