Le cimetière de la morale, polar biographique.

Publié le par Nostalgic-du-cool

Le cimetière de la morale et un film de Kinji Fukasaku, auteur de nombreux films noir, dont celui ci est un des plus connus, des plus singuliers aussi.

Tatsuya Watahari  (Aniki mon frère) y incarne Ichikawa, un membre de la triade atypique dans le Japon de l'immédiat après guerre. Mélant habilement histoire et film de Yakuza, ce film se résume à son titre: Le lent suicide de Ichikawa est aussi celui de la morale du Japon passé. Sans nostalgie, mais avec réalisme, Fukasaku montre la transformation profonde de son pays depuis la défaite, et regrette la façon dont elle a été engagée et conduite.

Ichikawa est un yakuza idéaliste, plein de valeurs, des valeurs dont se gonflaient d'honneur les mafieux de l'avant guerre. Mais après l'arrivéedes américains, et la défaite, son clan change, pas lui. Le train du pragmatisme est parti sans lui: le prix du billet était trop cher. Ses valeurs le pousse à réagir très violemment, à avoir une conduite de plus en plus décalé avec la société mais aussi avec le clan, qui supporte de moins en moins bien d'avoir en permanence sous les yeux son reflet passé. Son reflet accusateur, qui ne supporte pas de voir le tournant pris par cette institution.

Le thème est largement usité dans le cinéma nippon: le yakuza solitaire, sans morale, sans repères... Mais ici Fukasaku arrive à ajouter une dimension tragique ainsi qu'un message profondément rebelle, satirique: la société, comme les Yakuzas, ne sont pas épargnés, ce qui fait que le réalisateur (à l'inverse de Miike) est cordialement détesté par l'ordre (flics, etc...) mais aussi par les mafieux !

J'ai lu quelque part qu'il s'agissait d'une sorte de Scarface japonais, et c'est assez vrai, même si on ne peut pas transposer cette histoire de petit voyou devenu grand à la dégénerescence de ce "yakuza anarchiste", plein de principes, mais ne respectant aucune morale, juste le code de son clan, qui évolue bien trop vite...

Chaque situation est exploité par Fukasaku pour montrer le tragique de la position d'Ichikawa, qi a un peu le cul entre deux chaises: il refuse l'ordre politique, n'obéit pas à ceux de sa hiérarchie, mais regrette l'ancien ordre yakuza. Un homme droit au milieu des biscornus yakuzas.

La réalisation est superbe, torturé comme le personnage, elle ne laisse pas une minute de répit, bouge sans cesse, caméra à l'épaule, alternant enchainements de plans et mouvements rapides de caméra.

La fin colore le film d'une teinte philosophique au travers de la réflexion sur l'absurdité de la vie, la destinée, la mort, la morale...

Jamais on avait filmé le Japon d'aprés guerre avec autant de vigueur, de violence, de sang, mais aussi de réalisme et d'amour.

Carcharoth



Publié dans Japon

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