Les cendres du temps version redux, une oeuvre d'art restaurée.

Publié le par Nostalgic-du-cool

Les cendres du temps, Wong Kar Wai, 1994/2008 REDUX, Hong Kong.

"Lorsque le vent arrête de souffler, l'étendard s'affaisse. mais le cœur de l'homme continue de bruler." Canon bouddhique




Re-voila le Wong Kar Wai nouveau. Après la surprise américaine de "My blueberry nights", le remontage d'un de ses anciens films nous permet de le revoir sur grand écran. Ashes of time, "Dung che sai duk" pour les intimes. Mais version REDUX. Que se cache-t-il sous cet anglicisme barbare ? Du latin, et oui, Catulle est partout ! Redux venant de reducere, restaurer. Version restaurée donc ? Un coup de balais et nous revoila dans les cinéma ? Non, bien sur. le terme est reducteur (mouarf), puisqu'il s'agit plutôt d'une version retouchée et revue, remise au gout du jour. Wong Kar Wai, du haut de son nouveau statut de grand réalisateur peut se le permettre. Et il fait bien de revenir sur ce film qui à l'époque m'avait laissé un petit gout d'inachevé et de brouillon. Peut être parce que je ne l'avais pas vu en français, peut être parce qu'à l'époque le nom de Kar Wai ne me disait rien. En fin de compte le réalisateur ne coupe que 7 minutes de son premier jet, jouant surtout sur le montage, plus dynamique et simple que la première fois (si mes souvenirs sont bons). Il garde par ailleurs l'histoire dans son entier, le sens de son film ainsi que son film. En fait j'ai l'impression qu'il l'a juste ressortit pour voir ce qu'en dirait aujourd'hui les critiques, maintenant qu'il est connu... Et ça n'a pas raté, descendu à l'époque, il est bien plus apprécié en 2008. La critique est versatile...



Bref. Les cendres du temps, comme son nom ne l'indique pas, est un wu xia pian (le film de cape et d'épée chinois, en très gros). Enfin est censé en être un, tout comme La cité interdite de Yimou. Mais contrairement au film de son compatriote, la lenteur et l'inactivité des Cendres du temps ne gène pas, ne déçoit pas. Car ce Wong Kar Wai est définitivement un film contemplatif, un film qui traite du sujet favori du réalisateur: l'homme face à ses sentiments, et particulièrement l'amour. Aussi, à la mort de WKW (que je ne souhaite pas prochaine) pourra-t-on, en parlant de sa filmographie, employer l'expression dont je viens de déposer le brevet de variation sur les affres de l'amour. De Chunking express à Blueberry nights, de Rachel Weisz à Zhang Ziyi, c'est toujours de l'amour que l'on parle, du tourbillon emporte les hommes, les renverse ou les oblige à sa figer pour résister.

Ici il s'agit d'un homme, vivant seul au milieu d'un désert et qui sert d'entremetteur entre des mercenaires et diverses personnes ayant besoin des services d'un tueur. Il a l'habitude, chaque année, de recevoir un homme du nom de Huang Yaoshi, lui aussi solitaire et grand aventurier. Tout deux ont connus et perdus la femme de leur vie. A travers quelques portraits d'hommes de passage, l'existence de ces hommes se révèlent, ils dévoilent leurs secrets et leurs regrets.

Comme Nostalgic ma l'a tout de suite fait remarquer pendant le générique, Christopher Doyle dirige la photographie. Ouvrier de l'ombre dont on note rarement le nom, Doyle est un très grand bonhomme. On lui doit l'ambiance si particulière qui règne dans les films de Wong Kar Wai qui ont fait sa réputation, comme 2046. Ici, déjà, c'est du grand art. Le désert chinois devient à chaque plan une carte postale, le bleu du ciel répondant au jaune du sable, au rouge des montagnes. Les teintes s'accordent à l'humeur des personnages (ou peut être l'inverse ?), la mélancolique femme vie prêt de la mer verte, etc... Le cinéaste s'attarde sur les réactions des hommes et des femmes face à leur amour, à leurs sentiments. Avec une certaine langueur, une lenteur toute calculée, il décrit diverses situations à l'aide de situation précise et montre des êtres en proie au doute, à la peur puis aux regrets. Certains veulent éviter de souffrir et fuient, mais n'oublie jamais; d'autres sont trop fier pour accepter d'ouvrir leur coeur, d'autres encore sont perdus dans le marais de la jalousie et frôlent la folie. Il n'y a pas d'amour heureux chez WKW comme chez Aragon. Si la sagesse bouddhique recommande plutôt l'équanimité, le cinéaste voudrait voir les hommes se bruler les ailes plutôt que regretter.
La mémoire est le pire ennemi de l'homme. Tous les soirs oublier, pour recommencer à zéro tous les jours. Voila le rêve des héros. Un certain philosophe allemand n'aurait pas dit le contraire. Pour bien vivre il faut oublier, l'excès de mémoire bloque les instincts vitaux et le vouloir vivre. Elle amène à l'ascèse, qui n'est pas le bonheur mais une forme de torture qu'on s'inflige à soi même, pensant ainsi éviter de plus grandes souffrances.



Mais que les afficionados du Wu xia classique ne s'énervent pas trop, il y a des combats dans ce film. Plutot pas mal d'ailleurs, ils s'apparentent assez à ce qu'on peut voir dans le Blade de Tsui Hark, rèches, ultra rapide, brutaux. Mais les combats qui comptent vraiment sont ceux qui se déroulent à l'intérieur des héros, les tiraillent, les construisent.

Par cette mise en bouche assez courte, volontairement lapidaire, j'espère avoir mis l'eau à la bouche de certains, intrigués par le thème très fleur bleue de ce film de sabre, attirés par des décors superbes, ou encore juste les mélomanes qui voudraient entendre les violons de Yoyo-Ma. Les cendres du temps est un superbe film, calme comme la mer, mais capable comme elle de se déchainer dans de violentes passions.


Et hop en bonus quelques pistes de la bande son, plus un Yo-Yo Ma sublime.
 
 


Fiche Imdb du film.

Carcharoth




Publié dans Chine et HK

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A
Tu oublies de dire que parfois tout ce beau monde n'est pas très au clair sur son appartenance à un sexe ou à l'autre... c'est à près tout ce que j'ai retenu, oui je sais, c'est peu.
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C
Ba ya une femme, deux mecs, elle file du vin à l'un mais c'est l'autre qui en boit, puis bien plus tard le second. Au milieu ya des emcs bizarre qui en tuent d'autre, pour gagner leur vie. L'aventure quoi. Et tout ça dans un désert superbe.
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A
Autre exploit : asiaphilie parle d'un film après que je l'ai vu ! Comme quoi, tout arrive ! J'ai trouvé ça particulièrement envoûtant, et ce même si je n'ai pas tout saisi de l'intrigue...
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C
Siiiiiii, I'm so happy. Surtout de voir que quelqu'un nous lit encore après un mois d'absence ! Quelle belle fidélité, merci !
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A
Carch', félicite-toi, glorifie-toi, même! Tu viens de réussir un tour de force: tu m'as donné envie de voir ce film! C'est-y pas merveilleux?
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