Le Bon, la Brute et le Cinglé de Kim Jee-Woon : Laffiche ne fait pas le film cher Kim !

Bref, un beau programme : fusillades, courses poursuites ahurissantes, personnages hauts en couleur, situations loufoques, rythme frénétique et quelques autres petits cadeaux tout aussi savoureux, « Le Bon, la Brute et le Cinglé » se présente comme un champ de montagne russe gigantesque de plus de 2h pendant lequel ça narrête pas. On en voit de toutes les couleurs, dans tout les sens, comme un espèce de beau bordel doucement loufoque et euphorique à lénergie hautement communicative. On serait tenter de dire que cest comme la pub pour les crêpes mexicaines : cest « la fête dans les boites jaunes » (« jaunes » dans tous les sens du terme ). Le film démarre sur une séquence dattaque de train sur fond de musique à la Enio Morricone (le lyrisme, le côté épique et le génie en moins tout de même) très rapide, et qui permet de faire la présentation et de mettre en confrontation les trois personnages titres, et le fil conducteur de lintrique à savoir donc un jeu de chat et de la souris presque cartoonesque sétirant tout le long du film. Bref ça commence pas trop mal, le tout est très prenant, très ludique, on retrouve nos gueules préférées du cinéma coréen qui se tire dessus comme personne et on se marre bien, donc le lancement du film est parfait. Le spectateur trépigne dattente et dimpatience, le pouls bas à 100 à lheure et on est excité comme un gosse la veille de Noël. Reste donc à lami Kim et à son équipe de concrétiser définitivement nos attentes en une histoire passionnante, avec des personnages dune vrai envergure et une pointe démotion très appréciable comme justement ils avaient su le faire dans « A bittersweet life » mais, bizarrement, au bout dune demi heure on commence à trouver le temps long, impression vite effacée par la nouvelle fusillade trépidante dans le marché clandestin, puis par une autre, puis par une autre, puis par une autre, et au bout dun moment on comprend le problème de la situation : « Le Bon, la Brute et le Cinglé » cest une montagne russe, oui, mais qui tourne très vite en pilote automatique et qui annonce les virages en plus ! Et le problème justement cest quun petit sentiment de lassitude commence à se faire sentir car on a très vite limpression de revoir quatre fois la même séquence, en boucle, et qui suit le même schéma : fusillade, fuite, petit passage intermédiaire montrant un peu où en sont les personnages après la bagarre, quelques blagounettes, et hop, on enchaîne avec une nouvelle fusillade, et on recommence comme avant, le film finissant trop vite à se complaire dans se mécanisme répétitif qui, si cest très amusant au début, devient carrément rebutant à la fin.
Alors daccord, il est vrai que quand on sort
de la salle de projection, on est plutôt enthousiasmé par les deux heures de
film quon vient de se manger mais le fait est que ça résonne quand même un peu
creux. On a la désagréable impression que, même si cest très amusant, il
manque quelque chose, un ingrédient essentiel pour que la mixture puisse être
parfaite et totalement satisfaisante. « Quoi ? » me direz-vous.
Et bien je vous répondrais : « Une bonne et vrai idée peut
être ? Un peu dépaisseur et de consistance dans tout ça naurait pas fait
de mal du tout au film ! »
Et allons plus loin aussi en étant
parfaitement honnête et en disant quun peu moins de prétention, un peu plus de
modestie et de simplicité dans tout ça aurait été aussi une chose à
faire ! Lami Kim Jee-Woon aurait-il prit la grosse tête après sêtre
rendu compte que lui aussi pouvais pondre des chefs duvres ? Parce que
quand on se lance dans un projet très ambitieux qui est celui de réaliser un
remake dun mythe du western réalisé par celui qui est sans doute le plus grand
metteur en scène (pour ce qui est de ce genre particulier), il faut quand même
en avoir une bonne paire de couilles (pour parler dans le jargon de Sergio
Leone) et aussi une sacrée idée derrière la tête !
Or
malheureusement, ce ne fut pas le cas de Kim Jee-Woon qui semble sêtre ramené
totalement en touriste sur ce coup-là et nous a pondu un film fade et très
limité sur tous les plans. Et qui se paille le luxe de se présenter comme un
nouveau chef-duvre du western, digne descendant, au dire de certains
critiques abrutis, de Leone et de Tarantino alors quil ne possède ni le génie
et la puissance stylistique du premier, ni le talent et la capacité formidable
de bricolage de lautre !
Car en effet, « Le Bon, la Brute et le Cinglé » est un film qui recycle, qui recycle beaucoup (comme Tarantino en effet) mais le problème est que cest un recyclage dune stérilité et dune inutilité effroyable, tant et si bien que le soit disant western oriental (ou western kimchi) de Kim Jee-Woon ne devient quune singerie, une parodie piteuse et maigre de luvre de Leone, et encore plus du western en général, film de genre certes mais qui possède ses subtilités et sa rhétorique si originale et si puissante.
Parce quau-delà
des cow-boys sur leurs fidèles montures et des colts qui rayonnent à la lumière du
soleil lors du traditionnel duel final où les hommes sépient avec un regard de
tueur et les doigts gigotant près de leurs armes, Leone avait su conférer au
delà de ces stéréotypes réducteurs, une densité, une contenance folle à ses
films, pris dans des réflexions morales, politiques et mystiques formidables
qui atteindront leur paroxysme dans ce qui est sans le doute le plus beau
western jamais produit « Il était une fois dans lOuest » (et je
crois quil serait bien de lui rendre justice aujourdhui !). Et il en
allait de même avec « Le Bon, la Brute et le Truand » qui situe son
action en pleine guerre de sécession, faisant état dun pays ravagé par la
guerre civile et où trois individus totalement désintéressés dans ce conflit se
pourchassent car ils sont mues par lappât du gain avant tout !
Les films de
Leone étaient toujours loccasion dune peinture chaotique et anarchique de
lAmérique et de ses origines, celle dun peuple et dune Nation nés dans la
violence et le chaos, et où largent, les fameux dollars, étaient la seule
raison de tuer et de mourir. LAmérique, pays de liberté et des rêves, était
transformée sous la caméra et lil sévère de Leone en une terre aride de
désillusion, de violence, pris dans un cycle infernal où les hommes, les fameux
cow-boys ne sont pas des héros, mais véritablement des enfants de salaud, des
pêcheurs qui paieront leurs fautes dans lau-delà, et qui nont de finalité que
leur mort prochaine (aussi disait-il d « Il était une fois dans lOuest »
quil sagissait dun ballet avec la mort, dune danse mortelle où tous les
personnages à lexception de la seule femme interprétée par Claudia Cardinale-
avaient un rendez-vous avec la Mort. Ajoutez tout ça à la séquence
dintroduction anthologique où Henry Fonda en guise de première apparition abat
toute une famille et, en dernier, le jeune enfant qui a été témoin du massacre,
et vous cernez alors sûrement de quoi traite le film !).
Donc en clair, Kim Jee-Woon et Sergio Leone ne jouent pas dans la même cours ! « Le Bon, la Brute et le Cinglé » est un film beaucoup trop maigre et maladroit pour pouvoir prétendre à létiquette de remake du « Bon, la Brute et le Truand » original (et ils nont en commun que la trame principal et le titre qui de « Truand » est changé en « Cinglé » ce qui ne sert strictement à rien ). De plus, même lorsque Kim Jee-Woon essaie de se distinguer du film original, ses tentatives tombent à plat (notamment la trame « du coupeur de doigts » qui est une espèce de coup de théâtre qui ne sert .strictement à rien lui non plus) ou plus encore lorsquil essaie de justifier en quoi le fameux trésor est si important aux yeux de larmée japonaise, des guerriers mandchous, et des trois personnages principaux (bref toute lAsie) en sortant une explication politique et stratégique remettant en cause la géopolitique de toute la région (en essayant pitoyablement dactualiser ce propos avec les évènements actuels en Asie), qui nest vraiment mais alors vraiment pas convaincante Enfin, le dernier problème dans cette affaire, est le personnage de Jung Woo-Sung, le Bon, qui, même si lacteur se défend pas mal et a quelques grands moments dans le film, ne fait malheureusement vraiment pas le poids face aux charismes écrasants et aux talents complètement fous de Song Kang-Ho et Lee Byung-Hun, qui dailleurs, même sils sont géniaux, sont en plus de ça eux même handicapés par des personnages très peu écrits, très maigres et qui manquent cruellement de profondeur. Ils ne sont réduits quà des images, des stéréotypes, des personnages types qui ne font que remplir leur office dimage (le Bon est très juste et très droit, la Brute est très méchante et très violente, et le Cinglé est complètement barge et dune débilité certaine ).
Ainsi, tout ça
concoure à faire du film de Kim Jee-Woon un divertissement fort sympathique
mais au final très vain et très creux. Certes on naura pas regretté de se
déplacer au cinéma pour aller le voir, mais quand même, on était en droit den
attendre plus, beaucoup plus de la part du réalisateur de « A bittersweet
life ».
Enfin pour ceux
qui sont intéressés à lidée de voir un bon western oriental, et bien un film
comme « Exilé » de Johnnie To est une alchimie parfaite entre le
polar hongkongais survitaminé et le western à la Leone (dont les thématiques
sont parentes de celle du maitre hongkongais à savoir la violence, les univers
virils, la perversion par largent et lidée de pêché et de salut
) ou alors,
pour le côté parodique et décalé (sauf que là cest réussi) il y a aussi
« Sukiaky Western Django » de Takashi Miike (avec entre autre
Tarantino, comme quoi tout se recoupe !) ou enfin tout simplement le
diptyque « Kill Bill » du même Quentin Tarantino
En définitive, « Le Bon, la Brute et le Cinglé » est un film qui se voit entre copains un soir, histoire de se poiler et de passer un sacré bon moment sans trop se prendre la tête, mais on en restera là. Après, il faut passer à autre chose, et on espère bien que lami Kim Jee-Woon le fera aussi, et comptera moins sur sa belle affiche et son beau budget de production hollywoodienne la prochaine fois quil sort un film
Ichimonji
Bon je me devais quand même de réagir rapidement ici car si je comprends les arguments d'Ichimonji dont certains sont difficiles à contredire (faiblesses du scénario, absence de réflexions sous-jacentes, libertés prise avec le style de Sergio Leone) je ne partage pas son point de vue sur le film. Et oui moi j'ai vraiment aimé, adoré même ce western baroque, déjanté, faux hommage mais vrai foutoir débordant de bonnes idées. Certes le fond n'est pas éblouissant, l'intrigue souffre de baisse de rythme, elle manque parfois d'originalité ou de profondeur, les personnages ne sont pas trop creusés. Mais pourtant la mise en scène a été une telle claque, j'ai tellement apprécié cette débauche d'action, ces envolées d'adrénaline partant dans tous les sens au mépris du déroulement du film que bon cela efface tout. Je suis peut être indulgent mais moi je reverrais sans problème ce film encore et encore pour ses courses poursuites invraisemblables au son du culte Don't let me be misunderstood, pour la mythique bataille du marché, pour ses duels au soleil qui démarre dans le style western leonien pour finir en gros n'importe quoi jouissif, bref pour ses scènes d'action géniales et improbables qui m'ont fait passer un excellent moment.
Je crois que pour vraiment apprécié ce film il ne faut pas trop pousser la comparaison au western, il y a une évidente inspiration, des clins d'oeil mais ça s'arrête la je crois, je n'ai pas vu ce film comme un remake du mythique Leone mais plus comme un hommage aux codes du western. Si je devais situer ce film perso je le placerais au rayon des bons gros films d'action qui tachent parfois mais font sacrément plaisir, genre le western spaghetti petit budget mais idées larges qui n'hésite pas à prendre ses libertés. Je dis film d'action plutôt car d'abord je crois qu'il y a une volonté de se réapproprier le style avec une certaine liberté, s'affranchissant des contraintes pour donner un film détonnant, un western à 100 à l'heure loin d'un Sergio Leone qui prenait toujours son temps pour installer son décor faire monter la pression, creuser ces personnages, ce n'était pas l'objectif ici. On a retenu du western que les clichés finalement, du gunfight sous le soleil de plomb, du désert aride impitoyable, de l'attaque du train et cela a été mixé pour faire quelque chose de nouveau, de déjanté, de propre au réalisateur. Puis je pense que Kim Jee Woon ne serait pas assez fou pour oser aussi frontalement le remake de ce qui est certainement le plus grand western réalisé par le meilleur dans ce genre, la ça aurait été vraiment casse gueule et potentiellement mauvais car transposé simplement l'univers leonien en Asie ça aurait pu être catastrophique.
Dans cette optique on comprendrait mieux pourquoi le scénario n'est pas ultra développé j'ai la sensation que Kim Jee Woon a privilégié l'action au détriment du scénar, c'est un choix mais moi je trouve ça plutôt osé. C'est un retour au source, ras les bols de ces films d'action récents qui se cherchent une légitimité nous imposant de l'action entrecoupé d'un scénario tarabiscoté et franchement chiant. Ici certes le scénario n'est pas béton il a des faiblesses des limites mais niveau adrénaline, niveau baston, niveau frisson on est servi, cela faisait longtemps que je n'avais pas été aussi excité sur mon siège attendant avec impatience une nouvelle explosion de cascades, de cavalcades endiablées au son des balles. Ensuite concernant les personnages on peut dire qu'ils n'ont pas beaucoup d'épaisseur mais j'ai envie de dire qu'on s'en fout finalement car ils ont une classe et un charisme indéniable. Ils sont mémorables non pour les affres psychologiques mais pour leur style unique et déjanté, pour leur classe, franchement la Brute ça c'est du méchant, peut être pas trop nuancé, mais qui au moins a de la gueule, et que dire du Cinglé un roman à lui seul, invraisemblablement débile, incroyablement chanceux mais sacrément culte... (C'est vrai que le Bon est un peu en dessous mais juste pour sa manière de recharger son fusil il garde une place dans mon coeur.) En bons héros de films d'action leur prestance, leur charisme suffisent à leur donner une personnalité, d'ailleurs quand on regarde dans le genre je ne crois pas qu'un Mad Max, qu'un Snake Plissken aient une psychologie très poussée mais ils sont classes grâce à leur charisme, leur magnétisme, bref du vrai action hero cliché mais tellement cool.
Donc pour moi Le Bon, La Brute et le Cinglé remplit son contrat en offrant un film ou l'on ne s'ennuie pas et ou surtout en prend un sacré pied lors de scènes d'action inventives et jubilatoires. Kim Jee-Woon offre une galerie de personnages mémorables car décalés, déjantés de parfaits clichés dans leur style mais le genre de types qu'on adore aimer ou détester. Après on peut être déçu car le fond n'égale pas la virtuosité formelle, ce que Kim Jee Woon avait réussi avec A Bittersweet Life, mais cela ne constitue pas une raison de bouder son plaisir pour un film qui redonne sa noblesse au film d'action en suivant une règle simple mais cruciale : la véritable intelligence d'un film d'action et d'oser le cliché, de forcer le trait, d'enrober ça dans une bonne couche d'action et alors plus ce sera gros plus le spectateur avalera facilement, en tout cas c'est exactement ce que j'ai ressenti.
Le Bon, la Brute et le Cinglé, un divertissement avec un grand D, grandiose, épique, marquant, avec des personnages haut en couleur qui feront date, de l'action en cascade, une BO composée des classiques imparables du genre, le tout lié par une mise en scène, élégante bien que baroque efficace bien que partant dans tous les sens, qui va toujours plus loin. Ce n'est pas un western c'est un ovni !
Ma note ****(La critique première étant celle d'Ichimonji c'est sa note qui apparaitra)
Nostalgic du Cool