Les 13 assassins, remake d'Eichi Kudo par Takashi Miike
Les treize tueurs ; DEichi Kudo à Takashi Miike.

Quel rapport à première vue entre Takashi Miike et Eichi Kudo ? Entre l'un des plus prolifiques et des plus foutraques réalisateurs nippons actuels et un grand classique des studios des 70's ? Et bien depuis peu, il y a les Treize tueurs. Réalisé en 1963 par Kudo, l'original est devenu un classique depuis longtemps, et il était donc normal que trente ans après, un cinéaste s'occupe d'en réaliser une nouvelle version. Ce qui est plus étrange c'est d'en confier la direction à Miike, connu surtout pour ses films inidentifiables et son goût pour un humour très spécial.
Pari risqué donc que de confier à ce réalisateur très contemporain et moderne, sans registre très définit (il a réalisé des adaptations de manga, une comédie musicale, des films d'horreurs, de yakuzas, un western, des films « d'auteur »...) le remake d'un grand classique du panthéon cinématographique nippon. Néanmoins Miike semble en ce moment assez porté sur le chambara, puisqu'il s'est attaqué il y a quelques années à une suite du chef duvre d'Hideo Gosha (Hitokiri), et qu'il vient de finir de tourner une autre remake, celui d'Harakiri (original de Kobayshi, 1962). Gageons donc qu'il a les références et la culture de ce genre très particulier. Il faut aussi se souvenir qu'Eiichi Kudo lui non plus n'en était pas un spécialiste, puisqu'il avait surtout dirigé des polars avant de se voir confier le projet par son studio.

Dès le début du film on sent que Miike a voulu rendre un hommage appuyé à son prédécesseur. Les scènes sont presque les mêmes, les cadrages diffèrent très peu, seule la couleur a fait son apparition dans cette nouvelle version des treize tueurs. Par la suite l'impression se confirmera, Miike reste assez fidèle à Eiichi Kudo ; sauf dans les dialogues où il introduit quelques interjections de son cru. Et c'est là qu'il surprend son monde ! Il affirme en effet vouloir faire quelques films comme on les faisait avant, avec une mise en scène soignée, un vrai travail de mise en scène, une préparation avec les acteurs, etc... tout ce qui s'éloigne d'un série télé ou d'un téléfilm. Bref il souhaite tendre vers l'art dans sa forme plus conventionnelle (d'aucun ont en effet du mal à voir de l'art dans ses délires précédents!).
On regrette cependant à la fin qu'il n'y ait pas plus de débordements, de folie, car à vouloir être trop comme autrefois, Miike tombe un peu dans l'explication et sa mise en scène est à quelques reprises laborieuse, ce à quoi il ne nous avait pas habitué. Lors de la scène finale, le réalisateur nous gratifie par contre d'une très longue séquence de combats (pensez donc, à 13 contre 200!) parfaitement chorégraphiée, avec beaucoup d'intensité et de brio. Le sol se couvre peu à peu de sang et de cadavre, on découvre les pièges mis en places et un certain nombre d'artifice assez géniaux, ce qui compense avec le calme et la tranquillité de la première partie consacré à la préparation de l'assassinat et au complot de palais. On passe du gant de velours au sabre de fer ! Au delà de ces aspects, le film a gardé sa porté historique et contestataire (bien que l'on soit en deçà d'un Kobayashi), puisqu'il questionne ouvertement sur l'utilité des samouraïs en temps de paix, sur le bien fondé de leur morale et de leur code. Il interroge aussi sur le fait d'obéir à son maître même si celui ci agit au contraire de la morale et dudit code. Bref le film met les samouraïs face aux paradoxes et absurdités de leur classe, et renseigne à posteriori sur ce qui a causé leur fin. Ainsi du suicide qui ouvre le film. Pourquoi cet intendant s'ouvre-t-il le ventre pour faire entendre sa voix ? Qu'est ce que cela implique ? Et qu'est ce que la façon dont les ministres et le shogun traitent l'affaire révèle ?

Et bien que les guerriers, tenus par un code de conduite ultra rigide en sont prisonniers, alors que le cynisme règne dans les cercles proches du pouvoir. C'est la aussi que Miike se fait un peu trop long et explicatif, mettant dans la bouche des samouraïs de belles théories, la ou Eiichi Kudo faisait passer son message de façon sous jacente, par des actes, par quelques touches, des regards, des attitudes ; de façon bien plus subtile en somme. Mais le remake de Miike n'en est pas moins un bon film, même s'il m'a moins séduit que ses délires foisonnant et qu'il ne surpasse pas l'original de Kudo. Il a au moins, pourrions nous dire, le mérite de le faire revivre et d'en faire parler !

Ici une analyse plus détaillée par plan du film et de son remake (anglais)
La fiche Imdb
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