De la violence dans le cinéma asiatique
AMES SENSIBLES S'ABSTENIR DE CET ARTICLE!!
Je suppose que la plupart des amateurs du cinéma asiatique ont constaté que c'était un cinéma violent et sanglant. Beaucoup doivent avoir en mémoire des scènes de violences particulièrement choquantes vu dans des productions de cette partie du monde. D'ailleurs pour certains réalisateurs le mot violent devient un euphémisme, c'est plutôt de "l'ultraviolence" comme dirait Alex le héros du chef d'oeuvre de Stanley Kubrick qu'est Orange Mécanique. Je me suis rendu compte que ce sujet revenait fréquemment lors de mes discussions cinématographiques avec Carcharoth et pour évoquer ce thème intéressant nous avons décider d'y consacrer un article ouvert qui sera complété au fur et à mesure par nos soins.
Ainsi qu'on la considère gratuite où esthétique la violence est récurrente dans ce cinéma. Personnellement je pense que le cinéma est un vecteur universel d'émotions, de pensées philosophiques ou morales et j'estime qu'analyser toutes les composantes de cette violence serait très long, c'est pour cela que nous allons essayer de la traiter par thèmes.
Alors pour ouvrir cette réflexion j'ai décidé d'évoquer le traitement de la violence et en particulier la représentation du sang qui dans bon nombre de films coule à flots. Cette introduction s'intitule :
Réflexion sanguine
Image de Ichi the killer de Takashi Miike
Le traitement du sang dans le cinéma asiatique est particulier, il est représenté de manière beaucoup plus crue, plus récurrente que chez la plupart des réalisateurs occidentaux. Le sang est presque toujours visible, souvent abondant, parfois accompagné d'autres liquides ou parties humaines. Il y a peu, voir pas, de pudeur, de retenue dans sa représentation à la différence de l'occident ou lorsque des réalisateurs osent la représenter ils sont tout de suite obligés de la justifier. Le sang semble exercer un certain pouvoir de fascination chez des réalisateurs, à tel point que cette violence du sang devient un élément inhérent à leur cinéma, qui varie selon leurs visions, leurs interprétations propres. En effet, la représentation de ce liquide de la vie, ou de la mort change du tout au tout entre un film de Takashi Miike et un autre de Park Chan-Wook (nous expliciterons les différences plus tard).
Comme nous l'avons dit dans plusieurs articles, on ne rappelle jamais assez que même si l'Asie est dans sa majeure partie bien développée et largement occidentalisée elle n'en demeure pas moins une région qui a baigné depuis des siècles dans des cultures différentes de la nôtre avec des valeurs bien loin de nos conceptions occidentales. C'est d'ailleurs ces différences culturelles mêlées à un mode social et économique semblable au notre qui fait la richesse de ce cinéma à la fois proche et lointain. Ainsi on constate que la violence et la représentation du sang sont beaucoup mieux assimilées, acceptées dans cette région (en particulier le Japon et la Corée du Sud), elles choquent moins. Je pense que les asiatiques ont plus de recul par rapport à celles-ci les considérant comme purement fictives et donc moins traumatisantes. Peut être que cette acceptation d'apparence évidente de la violence s'explique par le fait que ce sont des sociétés violentes (comme toutes les sociétés) mais dont la transition avec la modernité et des valeurs plus humanistes, moins traditionnelles, s'est effectué très vite.
Images de Tokyo fist de Shinya Tsukamoto et de Dead Or Alive de Takashi Miike.
D'ailleurs on peut rappeler que c'est de l'archipel nippon que proviennent les dessins animés les plus sanglants comme Dragon Ball Z ou des jeux vidéos tellement violents qu'ils sont régulierement censurés. Nous pouvon citer, aussi, un autre exemple de ce rapport à la violence et au sang avec le film Kill Bill de Tarantino, le Japon a été le seul pays ou, à ma connaissance, toute la scène extrêmement sanguinolente du combat d' Uma Thurman contre les Crazy 88 a été diffusée en couleur et non en noir et blanc comme sur la péllicule normale.
D'autre part ce qui fait la particularité du traitement du sang dans le cinéma asiatique est qu'il est traité de manière extrêment diverse selon les réalisateurs et les régions. en effet il serait représenté tantôt de manière extrêmement dure et réaliste, tantôt de façon tellement exagérée que cela prête à sourire. Le cinéma de Hong Kong et surtout la Shaw brothers ont été parmi les premiers a utiliser une violence exagérée. Que serait les films de la Shaw sans ce sang d'un rouge presque fluo qui "gicle" en abondance des personnages? Ici le traitement du sang est assez invraisemblable, il n'est pas là pour faire peur, c'est plus un élément du "folklore" des films de Kung fu, surtout que les films et effets "spéciaux"ont veilli et désormais il est très difficile d'être choqué par un des films de la Shaw brothers.
Image tirée du film La Rage Du Tigre de Chang Cheh.
Actuellement, l'opposition la plus nette dans le traitement de l'hémoglobine se trouve à l'échelle de deux pays entre la Corée du Sud et le Japon. En effet, en général, (il existe toujours des exceptions) la répresentation du sang différe sensiblement selon que les réalisateurs soient nippons ou coréens.
Ainsi dans les films coréens et particulièrement ceux de Park Chan-Wook la violence est representée de manière très sèche et réaliste, le résultat est souvent saisissant de vraisemblance. Les réalisateurs coréens semblent vouloir coller à la réalité, peu importe si la scène sera moins spectaculaire dans l'effusion de sang et dans le "gore", à l'inverse des réalisateurs japonais comme Takashi Miike ou Shinya Tsukamoto, ou encore, mais dans une moindre mesure Takeshi Kitano dans Zatoichi (c'est le seul film où il traite la violence de façon exagérée). Ces cinéastes traitent la violence de manière beaucoup plus surréaliste, à la limite hallucinante. C'est le sang qui sort d'une gorge comme d'un geyser pour monter à un mètre de hauteur, ce sont les boyaux qui sortent, les bleus et écchymoses qui sont gros comme des pommes ( surtout dans Tokyo fist), les jambes qui se font couper, obligeant leurs anciens propriétaires à sautiller sur celle qui leur reste. Bref la violence est souvent beaucoup plus crue, plus visible que chez les coréens mais elle est aussi beaucoup plus irréaliste. Les réalisateurs nippons semblent privilégier le côté spectacle, l'aspect visuellement impressionnant de la scène, au détriment du réalisme qui les enferme dans des limites trop etroites pour leur imaginaire débordant. Surtout, je pense que la différence tient aussi au fait qu'au Japon les mangas, qui par nature, sont toujours exagérés ( dans le traitement de la violence, ou des expressions du visage... d'ailleurs un developpement sera sûrement consacré au lien entre manga et ciné japonais) sont omniprésents et ont une immense influence sur les japonais. Cette influence est bien moindre en Corée.
Ainsi si l'on compare deux scènes similaires dans Ichi the killer (adaptation d'un manga!) du japonais Takashi Miike et dans Old Boy du coréen Park Chan-Wook, à savoir le moment ou les deux personnages principaux se coupent la langue, on constate que le traitement est différent. Ainsi dans le film japonais on va observer toute la scène avec un gros plan sur la langue durant toute la "découpe" alors que dans Old Boy la caméra s'arrête au moment où le personnage a ouvert les ciseaux sur sa langue. Dans l'un on voit une scène vraiment gore, mais dés que l'on voit tout, on voit aussi les trucages et la fausse langue. Alors que dans l'autre cas on ne voit rien mais on sait et c'est au final encore plus terrible car on ne peut s'empêcher d'imaginer la scène. En conséquence ce n'est pas forcément ce qui est le plus voyant qui choque le plus et pour ma part, la scène la plus horrible est celle de Old Boy. En tout cas, je trouve que cet exemple traduit bien deux visions sur la réprésentation du sang l'une réaliste à tout prix, et l'autre désirant surtout être la plus impressionnante possible.
Nostalgic Du Cool