Swordsman (Xiao ao jiang hu), King hu – Tsui Hark, 1990
Swordsman est le premier opus de la trilogie du même nom qui a la particularité d'avoir vu défiler de nombreux réalisateurs et de grandes stars. On considère souvent l'épisode 2 comme le plus réussi et sa suite comme une autre réussite, tandis que le premier épisode est bien souvent oublié et voué aux gémonies. L'homme qui fait le lien entre les trois films est Tsui Hark, producteur très impliqué dans ce projet qui a d'ailleurs participé à la réalisation, mais nous en reparlerons...
Cette trilogie fait partie des films qui ont marqué un renouveau, une re-naissance du wu xia en Chine et qui ont signifiés une passation de « pouvoir » entre deux générations de réalisateurs. La chose est particulièrement visible dans ce premier film justement, puisqu'il a vu se succéder à la réalisation King Hu, Tsui Hark, Ching Siu Tung, Raymond Lee, Andrew Kam et Ann Hui (ces deux derniers n'étant pas crédités). Le vétéran et grand maître Hu fut donc remplacé en cours de tournage par la nouvelle vague de réalisateurs plus adaptée au système de production mis en place par la Film Workshop de Hark. Pour autant la structure du film et sa cohérence n'en sont pas globalement affectées.
J'ai parlé de passage de relais entre génération, de changement de méthodes, de renouveau dans le collège des réalisateurs de kung fu, et c'est aussi un peu l'histoire de ce Swordsman, comme si la petite histoire illustrait celle -véritable- de l'histoire du cinéma chinois. En effet le scénario se base sur une intrigue autour d'un parchemin sacré révélant une technique de kung fu très puissante et qui assurerait à l'école qui s'en emparerait une suprématie totale sur les autres. Le héros, Ling Wu Chung est disciple de l'école de la montagne Wah qui essaie elle aussi de mettre la main sur ce volume sacré. Face à elle, la terrible officine de l'eunuque lutte aussi dans ce sens, aidé par différentes factions toutes aussi rapaces et malhonnêtes les unes que les autres. On le voit, le pouvoir est au centre des préoccupation, lui qui corrompt tout et dévoile les vanités. Voilà un milieu qui ressemble sans doute à celui du wuxia dans les années 90 où chacun cherche à percer son trou et à se démarquer des autres. La comparaison s'arrête la, nul combat sabre au poing entre Hark et Hu, simplement une rivalité et sans doute des méthodes différentes, des points de vu qui divergent entre un producteur pressé et dirigiste et un réalisateur pointilleux et arrivé à un âge où l'on aime pas se faire marcher sur les pieds.
Le film est donc basé sur le combat entre écoles d'arts martiaux, querelles de chapelles et contestation du pouvoir (qui semble passablement corrompu), avec bien sur une histoire d'amour qui complique un peu tout ça et un vieux sage qui éclaire le héros en temps voulu et le met en garde, tout en lui enseignant quelques techniques ancestrales qui lui permettront de surprendre ses adversaires. Un wuxia comme on en connait tant en somme, avec tous les ingrédients convenus et une bonne dose de combats épée à la main, au fouet, etc... Et un travestissement féminin, élément classique (dont tout le monde souligne ici la qualité, je trouve pour ma part que Cecilia Yip (alias Kiddo) reste très féminine dans son habit de garçon) du wu xia et qui sert d'ailleurs souvent dans un couple de voyageurs amoureux. Une étude sur l'homosexualité latente de ce genre de pratiques récurrente dans les films HK à réaliser ? Surement pas ici et maintenant !
Toujours est-il que Swordsman est soigné, maitrisé, que le scénario est assez solide et ne perd pas son spectateur dans des méandres d'intrigues comme certains films se sentent obligés de le faire pour se donner une crédibilité intellectuelle. Alors que comme chacun sait l’intérêt principal d'un wu xia se situe dans les affrontements (hors quelques chefs d’œuvres), qui sont ici chorégraphiés par Ching Siu-tung (qui a aussi œuvré à la réalisation comme je l'ai dit et qui « sévira » dans les volets suivant). Ils sont ici d'un style assez aérien, pleins de sauts, virevoltes et arabesques qui défient la gravité. On y voit aussi des coups à distance qui font exploser les murs (dont des bottes à l'épée qui ont sans doute inspirées Bichunmoo) et des pichenettes mortelles et explosives. Bref ce n'est pas très réaliste mais hautement cinégénique, et ce même si les effets spéciaux ne sont pas de haute volée et qu'ils ont pas mal vieillit. Le talent des acteurs et du chorégraphe font oublier cela vite fait !
Commencée juste avant celle des Il était une fois en Chine, cette saga intègre elle aussi un thème musical diablement efficace et que l'on a en tête un bon moment après ! Sans doute le succès fut-il un peu moins grand, et pourtant cet épisode, de part ses acteurs, ses scènes d'actions convaincantes et sa réalisation multiple vaut le détour !
Carcharoth