La Saveur De la Pastèque, musique, sexe et jus de pastèque : une comédie érotico musicale

Publié le par Nostalgic-du-cool

En ces derniers jours du mois de juin je me demandais bien ce que je pouvais évoquer avant le cycle japonais de juillet. Pour une fois je n'ai plus de sorties ciné à évoquer avec un retard excessif. Je laissais alors mon esprit divaguer et voila que je retombe sur la bande annonce de ce film plutôt fou qui avait sacrément marqué le jeune asiaphile que j'étais. Il s'agit d'un film sorti fin 2005 et qui avait fait plutôt grand bruit pour un film asiatique : il s'agit du film le plus connu du réalisateur Tsai Ming Liang c'est bien sûr La Saveur De La Pastèque. Bien que ce film ait été interdit au moins de 16 ans pour son aspect assez fortement érotique il a été incroyablement médiatisé tant il faisait voler en éclat les tabous, les genres, ici la comédie musicale vient rencontrer l'érotisme, l'amour cotoie le porno, toutefois ce n'est pas juste un film provoc' qui se contente d'évoquer des tabous mais un délire cinématographique qui se permet toutes les audaces et qui vient choquer notre vieux continent. Qui eut cru qu'il faudrait regarder du côté de l'Asie, d'apparence si propre et reservée, et de Taiwan, pour voir évoquer avec tant de liberté ces tabous.



Pour ma part j'ai hésité longuement avant d'aller voir le film je n'etais jamais aller voir de films érotiques au cinéma. Mais devant l'engouement assez unanime de la presse qui le présentait d'ailleurs plus comme une comédie musicale que comme un film érotique, devant la qualité de la bande annonce intrigante j'ai décidé de me lancer. Toutefois j'ai eu l'impression en prenant ma place d'être un resquilleur allant voir un film interdit. Mais je ne regrette pas car j'ai pu voir un film completement fou et décomplexé qui pourrait donner des leçons à nos sociétés où l'on se targue de faire un cinéma libre mais où dès que l'on voit un morceau de cuisse le CSA risque la syncope. Ici le film fait ce pari assez fou de faire un film populaire avec de l'érotisme. On se rend compte que cela aurait été très difficile dans nos sociétés où le sexe reste tabou et peut seulement être abordé par le cinéma underground, le dernier film érotique qui a été médiatisé lors de sa sortie c'est Shortbus film indé New Yorkais dont l'action se déroule dans un club underground de la ville qui ne dort jamais. Bref la cible est un public averti, amateur de cinéma indépendant. A l'inverse La Saveur De La Pastèque ouvertement kitsch, pleins de couleurs, de costumes, avec des morceaux musicaux très classiques et populaires s'inscrit dans une toute autre logique le but semble moins de choquer que de divertir. D'ailleurs quand on se penche sur le cinéma érotique asiatique on se rend compte que le genre n'est pas aussi mal vu que chez nous, on peut penser aux films scandales de Oshima ou aux premiers films de Shu Qi qui a tourné dans des films érotiques assez populaires (Sex and Zen) je ne les ai pas vus mais je sais qu'ils sont édités en DVDs. Bref finalement on se demande quelle société est la plus coincée...



Bon revenons au film, Tsai Ming Liang comme toujours se renouvelle dans une certaine continuité, on ne sait jamais où l'attendre tant il aime à varier les sujets abordés mais il presente certaines constantes. Ainsi comme d'habitude le casting compte Lee Kang-Sheng l'acteur fétiche du réalisateur, aussi on retrouve les thèmes recurrents que sont l'eau ou son absence (ici il s'agit de la sécheresse) et l'incommunicabilité entre les être qui n'arrivent pas à exprimer leurs sentiments. Enfin la réalisation est comme toujours très contemplative parfois lente mais toujours très travaillée et baignée dans une certaine mélancolie. En tout cas ici avec cette histoire d'amour sur fond de secheresse où les codes de la comédie musicale sont interrompus par les scènes porno on peut dire qu'il réussit totalement à nous surprendre. Le film n'est pas parfait il y a certaines longueurs, lenteurs, parfois le sens nous échappe mais on ne peut que s'incliner devant tant d'audaces, d'inventitivité, que l'on aime ou pas c'est un film unique du jamais vu, le téléscopage entre le genre plutôt propret qu'est la comédie musicale (surtout qu'ici les chansons sont très classiques) et le genre le plus trash avec le porno. C'est tellement déstabilisant qu'on se laisse alors emporter par le tourbillon délirant qu'est ce film où le mal-être devant une scène "osée" (pour ne pas dire choquante en ce sens que c'est du jamais vu, les scènes sont longues, crues, déliberement destabilisantes) précède la jubilation de passages musicaux excellents.

Disons deux mots de l'histoire assez folle mais finalement peu importante car ce qui prévaut ici c'est l'audace visuelle la trame du récit ne fait que sous-tendre cette forme brillamment maitrisée. L'action se déroule donc à Taiwan (lieu où le réalisateur a tourné la majorité de ses films malgré ses origines malaisiennes) la sécheresse y est terrible à tel point que la consommation d'eau est reduite de manière drastique à tel point que le jus de pastèque est plus abordable que l'eau elle même. Si vous trouvez déjà l'atmosphère étrange attendez que j'évoque les personnages, ils sont principalement deux, le film est une histoire d'amour je rappelle, donc lui est un acteur porno célibataire (quel paradoxe) qui passe ses nuits à errer mélancoliquement sur les toits de la ville en se baignant dans les citernes d'eau de pluie, elle se ballade toujours armée d'une bouteille, à l'affût de la moindre source d'eau s'approvisionnant entre autres dans les toilettes publiques. Ces deux être solitaires qui transpirent (au sens propre et figuré) le désir et la mélancolie vont se croiser, se rencontrer puis s'aimer le tout sur fond de pastèque à la fois aliment et boisson voire lieu de perdition et symbole des désirs. Le fruit vient etancher la soif mais aussi les désirs, il a ici une très forte connotation érotique (vous ne verrez plus la pastèque comme avant après ce film !). La Saveur De La Pastèque est impossible à résumer il faut le voir pour le croire pour démêler cet imbroglio de scènes tantôt mélancoliques avec de longs plans fixes, tantôt musicales avec des chansons kitsch et gais tantôt érotiques avec des scènes incroyablement crues en particulier la scène finale pour le moins... étonnante.



Bref un film fou, à voir qui vient défier toutes les conventions, qui vient mêler les genres pour donner un film étrange mais tellement raffraichissant. Une douce folie fruitée qui laisse un goût sucré : comment ne pas sourire devant ce délire assumé plein d'inventivité, de second degrès, avec un humour grinçant, en particulier lors du tournage des films X, où l'humour un peu potache vient détendre l'atmosphère dérangeante. Le réalisateur avoue avoir voulu aborder ce thème à la fois universel et tabou qu'est la pornographie ce qui est je trouve sacrément osé. Comment ne pas être ébloui par la maitrise du réalisateur qui offre des plans magnifiques d'une langueur et d'une beauté folle, comme la scène où l'homme couché fume une cigarette tenu par le pied de sa compagne. Un homme qui réussit à faire d'une pastèque un personnage à part entière chapeau ! Enfin comment ne pas être transporté par les passages musicaux pour moi de loin l'aspect le plus réussi du film, déjantées, colorées, entrainantes les scènes sont toujours incroyables et jubilatoires que ce soit quand le personnage principal se retrouve déguisé en pénis, ou encore quand les rôles sont inversés : lui porte une robe elle un costume (à voir ici). Bref ces intermèdes musicaux sont de véritables bouffées de folie qui tranchent fortement avec les passages tristes et contemplatifs ou ceux érotiques. D'ailleurs c'est un reproche que l'on peut faire au film, il est assez inégal il y a des différences de rythme parfois trop importantes et les transitions entre les différents genres sont parfois brutales, comme lorsqu'on passe d'une chorégraphie délirante à un plan contemplatif.cependant le talent du réalisateur et des acteurs compensent largement et il faut féliciter ses acteurs qui ont eu des passages certainement difficiles à tourner que ce soit les scènes érotiques ou les scènes musicales avec leurs chorégraphies. En tout cas je donne une mention spéciale à Lee Kang-Sheng et à la ravissante Lu Yi-Ching (qui est une actrice malgré ce qui est indiqué) qui réussissent à exceller dans les différents genres demandés. Enfin la musique est géniale, entrainante et entêtante les airs vous restent dans la tête un bon moment car on oublie pas facilement cette saveur de la pastèque.
 


Un film à voir pour découvrir la chorégraphie d'un pénis géant, pour voir le porno abordé dans un film, pour voir les diverses utilisations de la pastèque, pour voir une comédie musicale juteuse et fruitée comme l'affirme l'affiche. Ou tout simplement pour voir un truc assez unique qui vous fera briller en société pour votre ouverture d'esprit. Les arguments en faveur de ce film ne manque pas alors peut être que tout simplement il est à voir car c'est un divertissement tellement original, tellement déjanté, tellement rafraichissant que ce serait bête de le rater et si le film n'est pas parfait au moins il est unique. Puis en ce début d'été qui s'annonce caniculaire quelle meilleure remède qu'une juteuse comédie musicale comme La Saveur De La Pastèque?

(à voir la bande annonce du film qui résume assez bien le joyeux mélange qu'il propose...)

Nostalgic du cool






Publié dans Chine et HK

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