Poetry, par Lee chan Dong, 2010.

Publié le par Nostalgic-du-cool

Poetry, par Lee chan Dong, 2010.



 Poetry était en compétition à Cannes cette année, mais c’est un autre film asiatique, très différent, qui a remporté la palme. L’heure n’est pas encore venue pour le réalisateur d’Oasis et de Secret Sunshine de briller sur la croisette, mais je ne pense pas que ce soit pour cela qu’il ait réalisé Poetry. Le film est basé sur un subtil équilibre, une lente distribution d’évènements et de renseignements ; l’instigation d’une ambiance légère et grave à la fois, insouciante et terriblement pesante. Poetry n’est pas de ces films que l’on qualifierait de génial à la sortie de la salle. Non, il laisse un drôle de goût sur la rétine, on ne sait pas trop quoi en penser. On sent une grande maîtrise, une belle direction d’acteur, on est sur le fil entre les pleurs et un large sourire, entre Alzheimer et les chapeaux à fleur, entre un viol collectif de six mois et l’envie de vivre et de sourire d’une femme de 65 ans qui aime la poésie.

Yoon Jung-hee. Diaphana Distribution

 Cette femme justement, cette grand mère dévouée qui fait des ménages chez un vieil homme hémiplégique et s’occupe de son petit fils, cette dame qui aime les beaux chapeaux, les robes fleuries et la poésie pour laquelle elle s’est toujours sentie un penchant ; c’est elle l’héroïne, c’est elle pour laquelle on a envie d’employer quelques vers de feu Ferrat : “Doit-on en rire ou en pleurer, je n’ai pas le coeur à le dire / On ne voit pas le temps passer”. Sa vie, malgré son éternel sourire, pourrait en effet être l’objet du pire film des frères Dardennes, qu’on tournerait pour l’occasion en 8mm et noir et blanc, pour que tout soit vraiment dans le misérabilisme. Mais non, ici elle porte des robes, ne pleure (presque) pas et essaie d’écrire une poésie pour la fin de ses cours du soir. Poésie ambiante qui dénote avec le terrible cynisme de la conjuration dans laquelle elle se trouve mêlée. Forcée de trouver de l’argent pour dédommager la mère de la fille morte et éviter un procès, elle doit recourir à une sorte de chantage pour s’en sortir au milieu de ces parvenus égoïstes qui pourtant ne sont pas mal présentés ni dénoncer. Vous l’aurez compris, le maître mot de Poetry est équilibre. La poèsie ne repose-t-elle pas sur l’équilibre ? Entre deux vers, entre les rimes, entre les pieds, entre les hémistiches ? Sur l’harmonie entre le poète, l’homme finalement et son présent ? Sur un savant dosage entre réel et imagination ? C’est en tous cas ce que réussit ce film, qui sans faire pleurer à toute les scènes, sans faire rire à gorge déployée, réussit à nous toucher, à nous faire vibrer dans un tour de force de technique, de sensibilité et d’intelligence.

Yoon Jung-hee. Diaphana Distribution



Carcharoth.

Publié dans Corée

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T
touchant même si je trouve que certaines scènes alourdissent l'ensemble (comme les séances de poésie) mais il faut voir le film pour l'actrice principale qui est formidable
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A
J'avais déjà envie de le voir, celui-ci, mais ta critique a achevé de m'en donner envie... Chacun son tour ;-)
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D
Bonjour, en effet ce film est touchant même si je trouve que certaines scènes alourdissent l'ensemble (comme les séances de poésie) mais il faut voir le film pour l'actrice principale qui est formidable. Bonne après-midi.
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A
Oh yeah asiaphilie fait sa rentrée!<br /> En effet, un très beau film que ce Poetry, délicat, subtile et bouleversant (la fin!).
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T
Certes Lee Chang Dong n'a pas de Palme à son actif, mais tu minimises son aura cannoise en disant qu'il n'y a pas encore brillé. Prix d'Interprétion Féminine pour Secret Sunshine, puis dès le film suivant, celui-là, Prix du Scénario, assorti d'échos qui en faisaient un des favoris pour ladite Palme. <br /> Allez, disons tout de même que Lee Chang Dong rayonne déjà intensément sur Cannes, même sans Palme ;)
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