Ip Man, film de kung fu nationaliste par Wilson Yip
Ip Man (Yip Man), Wilson Yip, Chine, 2008
Wilson Yip est un réalisateur hong-kongais bien connu de films d'actions, mais aussi d'horreurs, de comédies romantiques ou policiers. C'est grâce à ce dernier genre qu'il a percé : Bullet over summer et SPL sont deux gros succès à Hong-Kong et à l'étranger. C'est à partir de ce dernier qu'il entame une collaboration avec Donnie Yen avec le quel il tourne aussi Dragon tiger gate et Flash Point, avant de s'attaquer à Ip Man.
Ce dernier film retrace les aventures de Yip Kai Man, artiste martial chinois ayant réellement existé au début du XXème siècle et étant un des maîtres de Bruce Lee. Ce premier opus (d'une trilogie future) début juste avant l'invasion japonaise de la Chine et se termine avec la seconde guerre mondiale ou presque. On y suit les dilemmes et les difficultés de cet homme, combattant exceptionnel mais aussi homme pétrit d'idéal.
Ce film correspond à plusieurs modes dans l'univers du cinéma. Tout d'abord celle du film de kung fu, ensuite celle du biopic, puis celle plus asiato-centrée de la célèbre rivalité entre arts martiaux chinois et japonais. Très peu, voire aucune adaptation cinématographique n'avait été réalisé à propos de Ip Man (hormis Dragon Love et quelques épisodes de l'histoire de bruce Lee) et tout restait donc à faire. Actuellement on peut noter un certain engouement pour ce héros populaire chinois puisque en sus de Wilson Yip c'est Wong Kar Wai qui s'apprête à en sortir une histoire du grand maître.
Concernant la rivalité entre le karaté, le judo, l’aïkido et le kung fu, on ne compte plus les film se basant dessus ou en jouant outrageusement, d'un coté comme de l'autre, avec quelques exemple célèbres qui vont de la Shaw Brothers (Shaolin contre Ninja) à Bruce Lee en passant par bien d'autres, plus ou moins récents. Le film de Liu Chia Liang cité se terminait sur une belle entente entre chinois et japonais et offrait un message d'ouverture et de tolérance. Ici, on est dans un registre bien différent et un peu plus nauséabond. Je m'explique :
L'histoire se déroulant durant l'occupation japonaise il est bien évident que les combats auxquels on assiste ne sont pas seulement un tournoi, mais une lutte pour la liberté. Néanmoins, montrer la Chine comme un camps de concentration géant où les japonais tuent et exploitent les autochtones pour leur seul plaisir, et où ils les font combattre leurs propres artistes martiaux pour mieux se convaincre de leur supériorité manque cruellement d'objectivité, tout comme les définitions qui sont données de chaque disciplines : le karaté ne serait qu'un sport de brute alors que le Wing chung développerait une éthique et des valeurs civilisés. Enfin, les historiens seront ravis d'apprendre que c'est grâce à Ip Man et à la cohésion nouvelle des chinois que les japonais ont perdus la guerre en 1945 (bombe atomique, connais pas!). De manière plus générale ce film se vautre largement dans un nationalisme d'assez mauvais goût que l'on ne peut que regretter.
Si l'on écarte cet aspect idéologique (qui empoisonne tout le film ou presque, mais particulièrement la fin), il faut souligner la très belle réalisation de Wilson Yip, les décors soignés, le jeu tout en retenue et en technique de Donnie Yen, des combats superbes parfaitement chorégraphiés par Sammo Hung et un scénario prenant ce qui aurait pu -sans l'aspect déjà évoqué, qui fait bien rire dans un pays soi disant communiste (internationale!)- donner un très bon film.
On ne peut donc que s'indigner devant le quasi négationnisme historique et la manipulation des faits qu'utilise Ip Man. Ce grand héros chinois mérite mieux, espérons que Wong Kar Wai soit à la hauteur...
Carcharoth