Histoire d'amour contemporaine (season of terror), où l'ennui dans la révolution par Wakamatsu (1969)

Publié le par Nostalgic-du-cool

Season of terror (Histoire d'amour contemporaine : La saison de la terreur, 1969)

 

 

 

La saison de la terreur est l'un des onze films tournés en 1969 par Wakamatsu. On voit d'ailleurs dans une scène devant un cinéma une affiche d'Once upon a time in West (1968). Le scénario est signé Izuru Deguchi (La vierge violente, ...) et Kazuo Komizu sur une idée originale du réalisateur. Presque intégralement filmé en noir et blanc (hormis la scène finale), le film narre la vie d'un ancien activiste qui coule des jours paisibles avec ses deux femmes dans une cité de la banlieue de Tokyo. Il est surveillé par la police qui le croit encore dangereux.

Trame très réduite donc, puisque ce jeune homme est inactif, passif au possible sauf lors des soirées animées où il fait l'amour aux deux femmes. La seule scène où on le voit un peu s'animer c'est lorsqu'un ancien camarade de lutte lui rend visite et le frappe lorsqu'il apprend son retrait de la lutte armée révolutionnaire.

Avec cette œuvre Wakamatsu n'a pas dû se faire que des amis, car il critique aussi bien les groupuscules révolutionnaire et leurs idéaux verbeux et utopiques que les forces de l'ordre, bestiales et complètement à coté de la plaque et qui analyse très mal les motivations de ces jeunes. Le réalisateur explique d'ailleurs dans une interview qu'il était surveillé par la police à cause de ses liens avec certains étudiants et groupements révolutionnaires, mais qu'il n'était pas non plus toujours bien vu par ces derniers dont il ne montrait pas que les bons cotés romanesques.

 

        

 

J'ai trouvé que le film en lui même était assez ennuyeux, l'histoire trop mince et la mise en scène assez froide, même si on y retrouve les tics habituels de Wakamatsu. Par contre son analyse, sa place dans l'histoire du Japon et le portrait de la société qu'il dresse sont très intéressants. Car si les très nombreuses scènes de sexe dont est composé le film sont filmés de manière clinique et a-libidineuse, si il n'y a aucun rebondissement ni aucune violence physique ou mentale, c'est bien parce que le réalisateur voulait que le spectateur ressente la même chose que les flics qui surveillent ce jeune étudiant apathique. Alors qu'ils s'attendent (comme nous) à tomber sur un révolutionnaire bouillonnant et en pleine préparation d'actes terroristes, ils n'assistent qu'à la morne vie de ce profiteur qui se fait entretenir, nourrir, laver et même torcher (!!) par ses femmes. Il ne sort que très rarement du HLM ou ils vivent et a pour seule activité que les coïts répétés.




Le spectateur tout comme les policiers ne peut qu'entrer en rejet avec ce comportement et se demander quand il va enfin se décider à se bouger. Lui, s'il suit toujours l'actualité ne s'émeut plus que de l'augmentation du prix du bus et semble se désintéresser de la politique. Il passe ses journées à dormir, sortant parfois dans le parc au pied de son immeuble. Les deux policiers qui l'écoute via un micro caché s'ennuient ferme, d'autant qu'ils sont hébergés chez une habitante de l'immeuble qui elle aussi fait l'amour à coté d'eux. Ennuis, envie, le plus teigneux des deux ne rêve que de torturer le jeune homme pour lui faire avouer ses projets ! Mais lorsqu'ils entendent la discussion que ce dernier a avec son ancien camarade, ils tombent des nues. Si l'activiste lui cite Marx, Trotsky et la commune, ce dernier répond par utopie et inadéquation. Aurait-il réellement quitté la solidarité bolchévique ?

On peut se le demander, tant ce jeune homme qui rêvait de tout faire sauter semble aujourd'hui se complaire dans cet idéal petit bourgeois, même s'il garde une touche amorale en vivant dans un ménage à trois. Cela ne l’empêche pas de ressembler à un parfait parasite. Je suppose, vu ce que dit Wakamatsu dans l'interview (dont j'ai fournit le lien plus haut) qu'il a voulu dénoncer via cet homme la tendance au verbiage, aux discussions sans fin sur des points de détails des organisation censées révolutionner la société, mais qui en fait ne font que vivre sur son dos. Le message semble-être « agissez nom d'un chien !, agissez à tout prix, fermez la et bougez vous ». En effet à la fin du film (spoiler en vu!) le héros fabrique une ceinture d'explosif qui s'attache à la taille et avec laquelle il va faire sauter la tour du contrôle de l'aéroport par lequel doit partir le premier ministre pour une visite aux USA ; et ce alors même que les deux policiers viennent de cesser leur surveillance, ayant définitivement jugés l'activiste comme rangé et à présent inoffensif. Terrible incompréhension...

L'avant dernière scène, la seule en couleur (encore une dérivation du procédé de part color, normalement réservé au scènes érotiques) est une superposition des deux drapeaux américain et japonais sur un arrière plan des trois jeunes gens faisant l'amour. Sans doute histoire de marquer l'opposition du réalisateur aux traités de l'ANPO et à la présence américaine sur le sol nippon.

 

 

Mais je le répète, le film en lui même est assez long (même s'il ne dure que 75 minutes) et poussif tant l'action manque, tant le souffle provocateur est absent des scènes érotiques très nombreuses mais sans passion, sans intérêt, plaqué un peu étrangement. Je veux bien que cela serve à démontrer la fatuité de la vie de l'ex-activiste, mais c'est justement un peu trop démonstratif ! Certains jugent ce film comme l'un des plus aboutit de cette période, justement à cause de ces partis pris très extrêmes et de la critique des mouvements révolutionnaires, tandis que d'autre le juge ennuyeux et inaboutit. Je me trouve sans doute un peu entre les deux, car si l'idée est intéressante elle ne dispense pas de faire un film dont la mise en scène le soit aussi et qui ne fasse pas que remplir l'espace et le temps avec des scènes érotiques qui finissent par ne plus l'être. Légère déception pour moi donc, qui fait que je ne recommanderais le film qu'aux fans et non pas aux amateurs souhaitant découvrir ce cinéaste.

 

     Carcharoth



Publié dans Japon

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