Breaking News, où comment To s'est révelé au monde...

Publié le par Nostalgic-du-cool

Pathé Distribution

Breaking news est le premier film de J. To projeté à Cannes. Sans doute grâce au fabuleux plan séquence* qui ouvre le film (que Dionnet n’hésite pas à qualifier de “meilleur du monde”, et il a mon soutien plein et entier (je suis sur que ça va lui faire du bien !)) mais aussi car le festival aime bien rattraper ses erreurs. Il a en effet longtemps oublié le prolifique réalisateur Hongkongais, et souhaitais peut être à l’époque se rattraper. Un peu à l’image des Oscar récompensant Scorsese pour « The Departed », alors qu’il l’aurait sans doute mérité pour ses films précédents, Cannes a invitée To à son festival alors que ce film n’est pas son meilleur. Mais cette sélection a permis au réalisateur d’asseoir son statut international.

Mais oublions un peu Cannes, son festival et notre envie bien chauvine de lui voir une portée de plus en plus immense. Ce film a aussi été sélectionné et récompensé dans de nombreux autres festivals, dont celui de HK, de Changchun et du Golden Horse…

Pas son meilleur ais-je dis, mais pas son pire non plus.

Les défauts et qualités de ce film sont très bien (comme d’habitude…) résumés par JP Dionnet dans son introduction : Il se situe entre deux genres de films dont To est adepte, et entre lesquels il alterne : Les film destiné au marché de Honk Hong, considérés par nous (occident) comme de série B, et ceux, plus personnel, qu’il réalise avec l’argent que lui rapporte les premiers. Ce sont eux qui sont le plus largement diffusés chez nous, et édités en DVD zone 2. Breaking news est un peu un bâtard, puisque son scénario est assez léger et souffre quelque fois de lacunes criantes mais le film dispose toutefois des qualités de réalisation, d’interprétation et une inventivité très intéressante.

Richie Jen. Pathé Distribution

Commençons par un synopsis court et concis, comme le scénario du film : Une bande de malfrat est surprise lors de la préparation d’un coup par une équipe de flic dirigée par Cheung (Nick Cheung). A cause de la mauvaise coordination entre les différentes sections de policiers (un binôme en uniforme intervenant à un moment crucial, alors qu’une équipe en civil les encercle discrètement) une fusillade explose, durant laquelle un policier se fait humilier devant plusieurs équipes de télé. Le commissaire principal (Le génial Simon Yam, pas encore dans la peau de Lok (cf. Election)) décide alors de suivre l’idée de la jeune et innovante capitaine Fong (Kelly Chen) et de riposter avec les même armes, à savoir les médias. Aussi, à peine les malfrat localisés, les médias sont mis au courant et toutes les unités équipés de caméras, afin de rendre la défaite des bandits cuisante et autant voire plus humiliante… Mais les 4, puis 6 hommes n’entendent pas se laisser faire et entre dans le jeu de la manipulation de médias pas si dociles… (Spoilers ensuite) l’assaut est donc déclenché, sous le commandement de Fong, qui cordonne toutes les troupes sauf celles de Cheung, qui est un peu en « freelance », souhaitant venger la police et ses collègues blessés lors de la première fusillade. Il en fait donc une affaire personnelle et poursuit à travers tout l’immeuble ses adversaires n’abandonnant jamais (malgré les explosions dont il est victime), parvenant même à déjouer le piège tendu par les bandits. Pendant ce temps, la troupe de 4 malfrats s’est séparée afin de mieux semer les policiers qui inspectent méthodiquement tous les couloirs de l’immeuble. Deux d’entre eux se réfugient chez Yip, chauffeur de taxi qui vit seul avec ses deux enfants, qu’ils prennent en otage. C’est grâce à son ordinateur et à sa connexion Internet qu’ils vont eux aussi entrer dans la danse des images, initiée par Fong. C’est par le jeu des webcams, grâce auxquelles la capitaine et Yuen (Richie Ren) communiquent et négocient, qu’une relation ambiguë va naître entre les deux adversaires. Le jeune voyou tente en effet ouvertement de séduire la jolie policière, qui se laisse plus ou moins faire. Une sorte de jeu très décalé (ou voit on en effet à part dans les films un gangster draguer celle qui veut l’arrêter ?), sorte de conversation msn entre deux adolescents, va alors se mettre en place entre ces deux la, rythmant l’évacuation de l’immeuble et les altercations entre bandits et forces de l’ordre, sans oublier « l’expédition » menée par Cheung dans les couloirs du batiment. L’opération, qui était bien trop simple pour nourrir un film, est pimenté par la présence de deux autres gangsters dans un appartement, qui ne tarde pas à se faire remarquer, et se retrouve dans la même chambre que les 2 autres, avec Yip (le phénoménal et hilarant Suet Lam, qui n’a pas encore appris les sermons qu’il servira à toutes les sauces dans Election) et ses enfants. La cohabitation est plutôt bonne, un repas est organisé et diffusé sur le net et repris en cœur par tous les médias ! On apprend ainsi que les deux chefs souhaitaient ouvrir un restaurant et partagent donc la passion de la cuisine. Ce repas copieux oblige la police à riposter par une autre image forte en distribuant des paniers-repas aux journalistes et policiers, chose inédite en opération. Peu de temps après, Yip tente de s’enfuir par sa fenêtre mais est vite repéré par les caméras et donc par tout Honk Hong, dont ses preneurs en otage, qui ne tarde pas à le faire remonter, au nez des tireurs d’élite, qui ne peuvent abattre un homme devant les objectifs… Le petit jeu mis en Place par Fong se retourne donc contre elle…

Kelly Chen. Pathé Distribution

Se sentant en position de force, les quatres bandits qui tiennent Yip mettent au point un plan pour s’échapper. Ils contactent les deux autres malfrats présent dans l’immeuble et donne leurs consignes : ils capturent, attachent et camouflent plusieurs habitants, en faisant croire qu’ils sont piégés, obligeant les policiers à reculer, et profite de l’occasion et de l’écran que constituent ces personnes revêtues d’une couette (qui obstrue donc les couloirs et bouchent le champs de vision) pour sortir discrètement de l’appartement en rampant et pour rejoindre un ascenseur. Mais ils sont surpris, comme dit plus haut, par le persévérant Cheung qui ouvre le feu et prévient la police, causant la mort de quatre des bandits : il ne reste plus que les deux chefs, dans la cage d’ascenseur. Cage d’ascenseur qu’ils font exploser pour s’enfuir. Yuen capture Fong, mais est abattu par Cheung, tandis que le second parvient à s’enfuir mais meurt le lendemain, en tentant de cambrioler un fourgon blindé…

Les policiers Fong et Cheung sont présentés comme des héros, et l’honneur de la police est restauré…

Voila donc le film. Vous remarquerez tout de suite la présence d’éléments qui pourrait rendre ce film inintéressant et plat, trop romancé et bien loin du réalisme auquel To nous a habitué. La romance entre Fong et Yuen, la persévérance de Cheung qui survit à de nombreuses explosions, à une chute à moto et à une collision avec un véhicule, le sujet un peu rebattu (assaut d’un immeuble, prise d’otage, évasion des bandits, poursuite dans la ville…) et quelques autres paraissent en effet à première vue des éléments négatifs de ce film. La réflexion sur les médias (même les nouveaux, cf. webcams et photos prisent avec un portable) est intéressante même si pas très poussée. Leur rôle dans la vie de la cité est bien décrypté, et la tentative d’utilisation de cet instrument de pouvoir décrite avec brio, sans pour autant que l’on puisse qualifier ce film de contestataire ou de « social ». Les scènes d’actions sont dans l’ensemble bonnes, même si parfois un peu irréelles. En fait, ce qui constitue le point le plus attrayant du film, outre ces différents aspects (ce qui fait déjà pas mal pour un amateur du genre), c’est la réalisation de Johnnie To et son incroyable inventivité. Je parlais de la scène d’ouverture au début, je vais en reparler ici, en y ajoutant celle dans la cage d’ascenseur, filmée en coupe.

La scène d’intro donc… Un plan séquence de 7 minutes (donc 7 minutes filmées en continue, sans coupures et remontage) où l’on voit un gangster marcher dans la rue, monter à l’étage d’un immeuble, préparer le coup avec sa bande, sortir avec cette même bande et déclencher une fusillade… Une transition qui m’a marqué : un journal qui tombe du toit et va se coller sur le pare-brise de la voiture des flics qui surveille la bande, et permet de passer des malfrats aux policiers sans coupure…

Impressionnante de maîtrise, cette scène se clôt sur une fusillade entre les deux parties (flics contre gangsters) au pratiquement personne ne meurt, alors que des dizaines de balles sont échangées… Cela a soulevé de nombreuses polémiques et surtout critique de la part des amateurs de films d’action américains où un pauvre bougre fait exploser une voiture à 150 mètres avec un flingue d’alarme… Pour ma part je trouve juste que c’est une autre façon de montrer l’action, et que ce changement n’est pas mauvais et fait un peu varier les canons de ce genre de scène, comme pouvait aussi d’ailleurs le faire « Fulltime Killer » ou pas mal d’autres polars d’Honk-Hong (D'ailleurs point commun avec les films "classiques", les balles ne manquent jamais dans les chargeurs !). La seconde scène dont je voulais parler, qui se trouve vers la fin du film est elle une fusillade entre Cheung et les deux derniers bandits en vie. Cheung se trouve en haut, prés de la porte de l’ascenseur ouverte par Yuen, qui est un étage plus bas en train de remplir l’ascenseur de grenades, pendant que son acolyte perché sur le toit de la cabine arrose le policier de tirs nourris. Le tout est filmé alternativement du point de vue de chacun des protagonistes (classique) mais aussi et surtout en coupe. C'est-à-dire que l’on voit les trois personnages de haut en bas dans une cage d’ascenseur et une cabine coupé, un peu comme un entomologiste observe un nid de fourmi ou d’abeille, en coupant les alvéoles de haut en bas… On pourrait recenser quelques autres scènes ou To montre son inventivité de réalisateur, mais ces exemples sont suffisamment percutant (et m’évite d’écrire encore plusieurs paragraphes et de revoir les scènes du film !).

Film d’action percutant et inventif (différent des standards hollywoodiens), avec une réflexion intéressante (et actuelle) sur les médias et le rôle de ce 4ème pouvoir, Breaking News plaira surtout parce que c’est un film de To. Le reste étant assez moyen (enfin moyen haut, mais pas génial quoi…), reste en effet la qualité de réalisation qui place Johnnie To dans le top mondial et qui permet aux spectateurs d’aller voir un film de lui en étant sur de ne pas s’ennuyer et de voir de très bonnes scènes, même si les scénarii sont parfois perfectibles. Et cela devrait s’améliorer, puisque il a décider de se limiter à 3 films par an (sachant qu’auparavant il avait fait le parie d’arriver à 100 films pour l’anniversaire de la ville, et en réalisait donc bien plus, parfois au dépens de la qualité…). Soyons donc patient, et attendont le petit dernier qui ne devrait plus tarder à sortir, et reçoit déjà les éloges des critiques…

* Que les exégetes de Spielberg ose encore proférer devant moi le qualificatif de "chef d'oeuvre" ou de "meilleur plan" à propos de la scène tournante autour de la voiture de l'autre scientologue Cruse aprés avoir vu cela... Faut arreter la branlette intellectuelle sur ce gars !

Carcharoth



Publié dans Chine et HK

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A
En plan séquence y a quand même mieux, y'a ceux d'Alfonso Cueron dans Les fils de l'homme qui sont tout les trois impressionants (celui dans la voiture au début, et les deux vers la fin qui sont juxtaposés).<br /> <br /> Sinon pour le scénario, les standards sont différents selon les genres. Je crois pas qu'un film d'action doit disposer d'un scénario aussi imposant qu'un drame par exemple, ça ne ferait que plombé le reste. Là le minimalisme en devient presque une qualité parce qu'on nous epargne les profils psycologiques bateaux des caractères et la relation amoureuse habituelle. Breaking news va droit au but au moins
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W
sympa ce blog
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