Shaolin contre Wu Tang, le yin et le yang.
Shaolin contre Wu Tang, (Shaolin Temple part II / Shao Li yu Wu Dang), Gordon Liu (Liu Chia Hui), 1981.
Après avoir fricoter durant deux articles avec Chang Cheh, et pendant bien plus avec Liu Chia Liang, nous voila en présence dun nouveau réalisateur. Et pourtant, son nom nest pas inconnu, que ce soit dans sa version occidentale ou sinisé. Gordon Liu nest il pas le fameux chef des crazy 88 killers de Kill Bill ? Et Liu Chia Hui le frère du très célèbre Liu Chia Liang ? Après son frère donc, voici que le jeune Gordon Liu passe derrière la caméra, tout en restant devant, abondamment secondé par son chorégraphe fétiche, Liu Chia Liang. Il sagit en fait de son second et dernier film, après le peu remarqué « Break out from oppresion », coréalisé avec son frère dailleurs. Je ne sais pas si lexpérience na pas été concluante ou si la fonction ne lui convenait pas, toujours est il que sa carrière de réalisateur sarrêta après ce film, qui met en exergue lopposition entre deux écoles de kung fu très populaire en Chine sous les Jin (1115-1234). Dynastie « étrangère » puisque Mongole, cette famille neut jamais laval des écoles de Kung-fu et les considéra toujours comme des menaces, même si elle était fortement sinisé et donc initiés à certaines pratiques martiales, chose que lon voit particulièrement bien dans le film puisque sen est le sujet :
-Fong Wu (Adam Cheng) et Yung Kit (Gordon Liu) sont deux amis pratiquant tout deux le kung fu à un bon niveau. Mais lun est élève du style Shaolin, lautre de celui de Wu Tang. Sans créé de frontière entre eux, cela les oppose parfois au cours de joutes amicales qui entraîne plus démulation que de jalousie, même si la rivalité est bien réelle. Le seigneur Hao, prince Jin, est lui aussi un praticien avertit des arts martiaux, même sil ne maîtrise aucun des deux styles. Et cela le rend envieux et surtout inquiet, craignant pour la sécurité de lEtat vu la puissance de ces écoles. Il entreprend alors dapprendre les deux styles, afin de pouvoir les contrôler plus à son aise. Face au refus du maître shaolin de le prendre comme élève, il utilise une ruse pour arracher ses secrets au maître wu tang. Après avoir empoisonné son vin, il essaie de le forcer à dévoiler ses secrets contre lantidote.

Les élèves et leurs maîtres
Mais celui-ci préfère se tuer sur le sabre de son élève (Fong Wu) que de trahir léthique des arts martiaux et permettre au prince de dominer le monde des arts martiaux. Mais le conseiller du dynaste est habile et perfide, et il fait croire au jeune homme que cest shaolin qui avait empoisonné le vin du maître, avant que celui-ci ne se suicide. Refusant de le croire, Fong-wu veut senfuir, mais est arrêté et emprisonné dans une geôle, obligé pour sortir de dévoiler ses techniques. Son ami Yung Kit entreprend alors avec laide dune prisonnière de le faire sortir. Pour se faire il enseigne à la jeune femme la technique du shaolin fist. Lévasion réussie, mais leur planque est vite encerclée par des hommes des Jin, et ils doivent se battre pour sauver leur vie. A cette occasion, Fong-wu apprend en maniant le sabre les technique du wu tang sabre à la jeune femme, qui parvient à les aider à fuir. Mais les deux hommes à peine partis, la voila qui rejoint le prince Hao pour lui transmettre ce quelle a appris
Dans le même temps, Fong Wu rejoint le temple Wu Tang sur le mont du même nom, alors que Yung Kit se rend à celui de Shaolin, persuadé que wu tang est responsable de la mort de son amie et condisciple qui les avait aidé à fuir de la prison
On assiste donc à lentraînement féroce des deux hommes, dans leurs disciplines respectives, acharnement motivé par deux désirs de vengeances, puisque lun attribue toujours en partie la mort de son maître aux poisons shaolin, tandis que lautre croit responsable wu tang de la mort de son amie, puisque cest le seul mot quelle a réussit a prononcé avant dexpirer.
Hors, à ce moment, le prince, bien entraîné aux deux techniques, décide de mettre son plan a exécution, et annonce la fusion de wu tang et de shaolin, donnant la priorité à lécole qui sortira gagnante dun tournoi. Comme de bien entendu, les deux amis sont respectivement nommés champions de leurs styles, et doivent saffronter devant le prince. Refusant de gagner, chacun évite de frapper au maximum, même lorsquils ont le dessus et pourrait lemporter.
Sen rendant compte, le prince Hao montre quil connaît chaque technique, et décide de se mêler au combat, puisque les deux combattant ont percés ses volontés à jour, et que des archers ont surgit des toits. Tout dabord dominés par les techniques combinées du prince, les deux amis en viennent à échanger leurs armes, et à sen servir de façon innovante et dévastatrice. Le prince est battu. Lintervention finale, de la jeune traîtresse repentie et des deux amis souligne la complémentarité et lamitié qui unie en fait les deux écoles, issues de la même branche et appelées à se retrouver
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Pour enchaîner avec le résumé dans ce début danalyse, je rappellerai juste que le film connaît deux versions : Shaolin vs Wu Tang ou Shaolin and Wu Tang. Le premier ayant été préféré, car il sagit tout de même dun film de combat.
Je parlais à propos de la Rage du Tigre de film excessif et unique. Ici cest linverse, cest dun classicisme à toute épreuve, sans attention !- que cela soit un défaut. Quoi, en effet, de plus habituel que dopposer deux styles, deux écoles, deux religions. Oui, car pour bien comprendre le film, il faut en connaître dautres, et savoir entre autre que le mont Wu Tang abrite une myriade de temples taoïstes alors que celui de Shaolin est un monastère bouddhiste. Donc, film classique, sans bouleversement technique et visuel, pas plus quartistique. Le kung fu est un art millénaire, les frères Liu en sont les gardiens et les promoteurs, par les transformateurs. Ce film ressemble donc en bien des points à ceux dont jai déjà pu parler ou à jouer Gordon Liu, ou qua tournés son frère, le génial Liu Chia Liang. Celui-ci a pour particularité (en même temps que trait classique) dopposer deux styles. Deux styles mais surtout deux écoles, et aux deux écoles une dynastie. Et en fin de compte le monde des arts martiaux à celui de la politique. Car sils partagent la même vision du cinéma, les frères Liu ont aussi en commun une éthique et une philosophie martiale. Les artistes martiaux doivent avoir une éthique, des valeurs qui dictent leurs actes au-delà des querelles de style ou décole. Les gentils doivent sentendre avec les autres gentils face aux méchants, même sils ont des différents. Ces valeurs sont personnifiées par les deux amis, Fong Wu et Yung Kit, pratiquant deux styles puis deux religions différentes, mais malgré tout alliés face au bandit, face à la menace qui pèse sur le kung-fu, leur passion commune.

Car quest ce quun kung fu sans âme pour eux ? Ruine de la conscience aurait sans doute répondu Rabelais. Ruine de léthique et de la philosophie martiale en tous cas. Cest ce que combattent par-dessus tout Wu Tang et Shaolin, pour qui la philosophie, la religion, les valeurs sont plus importantes que les techniques et la puissance de combat. Cest ce qui fait pour moi lénorme différence entre un film de la Shaw et un nanard stallonien. On a beau apprécier les performances physiques et combatives, sil ny a rien derrière, ce nest pas un film. Ici non plus le scénario nest pas bien lourd, mais il y a un petit (gros !) plus, du surtout à Gordon Liu et son frère qui apporte une double vision à leur film : artistique, scénaristique mais aussi technique puisquils sont tous deux issue de lécole de shaolin.
Autre marque de fabrique de la fratrie, la scène d'ouverture, qui offre un combat magnifique entre un sabreur de Wu tang et quelques moines shaolin à mains nues. Superbe !
Ce film est par ailleurs bourré de référence aux autres films quils ont tournés, allant jusqu'à reprendre les même acteurs dans les même rôles : pour ne citer que celles qui sautent aux yeux : les scènes que lon croirait tirées tout droit de la trilogie des chambres de shaolin, comme celle ou Yung Kit parcours toutes les chambres (entraiment de la tête contre des sacs de sable, des bras contre les barreaux de bois, à lépée, aux divers enchaînements, etc ). Celle aussi, où proposé pour être le champion de lécole il se heurte à lopposition dun maître, quil doit combattre. Ce réfractaire est incarné par le même acteur (Lee Hoi San) que dans la 36ème chambre de shaolin, où il tenait le même rôle face à San Te.
Lee Hoi San, éternel obstacle à San Te / Yung Kit.
Lexistence même de combattant shaolin hors des murs du monastère fait référence à la 36ème chambre du monastère, la seule ou les laïcs sont admis, la plus basse. Remarquons dailleurs que la plus haute chambre est celle de lépée de Wu Tang. On peut peut-être aussi voir dans le combat final linvention dune technique postérieure. En effet lépée de Wu Tang est pourvue dune houpette. Lorsque Yung Kit sen sert, il la fait voltiger dans tous les sens et aveugle le prince Hao avec, alors que lorsque sétait lexpert qui sen servait, la fanfreluche était bien sagement dirigée. Cette technique, involontaire ici, daveuglement nest pas sans rappeler celle de la lance shaolin, dont le même Gordon Liu vante les mérites (et notamment celui de destabiliser à laide de sa frange) à sa compagne japonaise dans Shaolin vs Ninja ! De même, lorsque le wu tang se met à combattre avec ses poings, il déchire les vêtements et la peau de Hao, comme cela se voit souvent dans dautres combats de moines Shaolin du Sud.
Ce film et ses combats entrent donc dans la démarche explicative de Gordon Liu et de Liu Chia Liang. Il sinsère dans un édifice bien plus complexe composé de tous les métrages dans lesquels les deux artistes ont tournés ou joués. Telle une pierre dans un temple, ce film offre une explication parmi tant dautres des diverses évolutions, étapes du kung-fu chinois. Tournant souvent, voire toujours autour du style shaolin, sans doute le plus riche et celui que maîtrisent le mieux les deux hommes, leurs films propose de découvrir de nombreux autres écoles, ici Wu tang, la bas celui des ninja ou encore le kung-fu du nord, etc , les styles se comptant sur les doigts de la main de Vishnu (la déesse aux nombreux bras ).
Enfin, et ceci parce que je sais que personne nauras lu larticle jusquici, je me permet de mettre cet article en relation avec celui sur les 8 diagrammes de Wu Lang (ou Tang) ainsi quavec celui sur le Wu tang clan de Nostalgic, puisque ce film serait celui qui aurait donné véritablement son nom au groupe, alors que 8 pole figther nest que le nom de leur dernier album.
Toujours est-il quici pas de rap, pas de violence incontrôlée et haineuse, tout juste une rivalité presque saine entre deux style qui se solde par une solide alliance, face à ladversité et dans les valeurs du kung-fu. Un film sans innovation, sans recherche artistique, un cran en deçà des 36ème chambres de Liu Chia Liang mais très bien tenu, efficace et avec une âme. Indispensable pour les fans, intéressant pour les cinéphiles et les autres
La fiche Imdb.
Les autres films de Gordon Liu (La 36ème chambre de shaolin, les 8 diagrammes de wu tang, La mante religieuse.) et Liu Chia Liang (Le combat des maitres, Drunken monkey, Les exécuteurs de shaolin, Mad Monkey kung-fu, Shaolin contre Ninja.) sur le blog.
Quelques morceaux en accés libre que j'ai récupéré du groupe et qui porte des noms explicitements en rapport avec shaolin. Ici (wutang master), la (10th chamber), ou encore la bas(The Wu is comin true). Bonne écoute.
PS: désolé pour la qualité des images, mais le dvd n'étant pas édité en france, les captures sont personnelles et issues d'une vieille casette et d'un écran TV.
Carcharoth.